Dans ce blog initié en 2006, nous avons eu tôt fait de croiser la route de l'égyptologue hétérodoxe et hermétiste Jacques Grimault (voir notamment notre article Champagne en Atlantis en 2009, et plus récemment nos contributions intitulées Champagne en autobiographie et Alkemia de Champagne).
Il vient cet été de se signaler à nouveau à notre vigilante attention, au travers de la publication de quatre livrets, tous parus de juin à août 2024, si l'on en croit Amazon, où on peut se les procurer, et tous édités par son association de La Nouvelle Atlantide.
A tout seigneur, tout honneur, donc commençons notre modeste recension par Le Fulcanelli de Wikipédia rectifié par un alchimiste (Grimault himself, pensons nous), puisque est reproduit en couverture le frontispice du Mystère des Cathédrales, où comme vous pouvez le constater apparaît le nom de Julien Champagne.
Maître Jacques tient aussitôt parole et reproduit la version la plus récente de l'entrée fulcanellienne des Wikipèdes avec des interpolations critiques (et même très critiques) de son cru. Voici donc à notre sens une première démarche originale et dont l'utilité pour les chercheurs et autres étudiants ès Fulcanelli ou ès alchimie ne saurait être mésestimée.
Malheureusement, si Jacques Grimault reconnaît bien à Julien Champagne le sérieux de son savoir hermétique, il le présente aussi comme un dépravé, d'une manière que pour notre part nous trouvons abusive. De même, il a un peu tendance (nous semble-t-il) à mépriser systématiquement ceux qui sont après tout ses confrères en études fulcanelliennes ("comme toujours chez les fulcanellistes, aucune preuve concrète"). Pour une approche plus nuancée desdits fulcanellistes (dont Grimault), nous vous renvoyons donc au travail substantiel de l'ami Jean Artero (Fulcanelliana, Arqa, 2017).
Pour nous, en fait, la partie la plus pertinente du présent travail de Jacques est constituée par le développement final qu'il y propose, s'agissant de sa compréhension de l'alchimie. Donnant, fictivement ou non, la parole à un Philosophe anonyme, Grimault en produit une missive dont je voudrais extraire pour vous cette phrase magnifique: "La citadelle alchimique, si elle est presque imprenable, contient en vérité un trésor: la vie elle-même."
Le second opuscule produit par Jacques Grimault (cette fois sous son nom) devrait selon moi vous intéresser autant que le premier, chers amis et chères amies. Cette Chronologie générale de l'affaire Fulcanelli pourrait bien elle aussi constituer pour nous tous une sorte de "boite à outils" méthodologique. Outre un rappel historique détaillé année par année, il propose en effet (comme quelque part le bouquin d'Artero mentionné ci-dessus) une liste des principaux "fulcanellisables", et surtout il la complète par une série de tableaux analytiques les répartissant suivant des critères précis:
Naissance ou non en 1839 (année supposée de naissance de Fulcanelli), Polytechnicien ou pas (Fulcanelli est présumé avoir été taupin), place dans l'économie et la société (Fulcanelli est présenté comme ayant appartenu à un milieu aisé et plutôt "en vue")...
Evidemment et donc sans surprise nos lectrices comme nos lecteurs auront probablement deviné en considérant ce qui précède que Grimault Jacques en conclut sans barguigner à la pertinence solitaire de son hypothèse de prédilection: Fulcanelli aurait été un de ses parents, le scientifique Albert Auguste Cochon de Lapparent. Pour l'anecdote, j'ai été ravi d'apprendre de Jacques, qui plus est preuve à l'appui, que ce Lapparent a fait changer son patronyme, qui au départ était celui de L'Apparent.
Dans la huitième livraison de la revue trimestrielle d'alchimie traditionnelle dénommée Alkemia, dirigée par Grimault encore et toujours, et dont on peut penser qu'il est en fait l'homme orchestre, puisqu'aucune contribution n'est signée, il est insisté particulièrement sur le cas du fulcanellisable de feu Richard Khaitzine, Alphonse Jobert, dont vous aurez compris que notre Jacques rejette la candidature avec des arguments qui peuvent paraître rejoindre ceux de Jean Artero. Pour notre part, nous reconnaissons volontiers que les autres items abordés, il est vrai le plus souvent au travers de textes anciens (le Mutus Liber et la Rosée, le Mercure et le Feu, la Pierre) sont ceux qui nous ont le plus intéressé.
Last but not least, notre Jacques nous a finalement gratifiés ces derniers mois d'un petit Dossier des transmutations alchimiques qui n'est pas non plus sans mérite, et très honnêtement au demeurant, se réfère explicitement à l'essai bien connu de Bernard Husson sur le sujet.
Nous avons été surpris à l'inverse de constater que n'y est pas abordée la transmutation de 1922 à Sarcelles, à laquelle ont participé et Fulcanelli, et ses disciples Julien Champagne et Eugène Canseliet, alors que cet événement notoire figure bien (cf. ci-dessus) dans la Chronologie de l'affaire Fulcanelli. Chronologie dans laquelle Jacques Grimault mentionne également et expressément les deux oeuvres actuellement parues de Julien Champagne: Le Procédé Yardley et La Vie Minérale (dans les deux cas aux éditions Les Trois R, 2011 et 2015). Depuis 2023 les éditions Decoopman ont également publié ses commentaires au traité classique (et anonyme) intitulé Science écrite de tout l'art hermétique.
Reprenant notre pensum d'hier et puisque nous sommes en la Saint Séverin, nous voudrions avoir une pensée publique pour l'alchimiste Séverin Batfroi (1946-2024) dont nous avons vu récemment sur la page Facebook de notre autre compère Yves Artero qu'il nous a quittés il y a peu.
Séverin connaissait et appréciait ce blog et nous avions correspondu un temps avec lui il y a bien des années maintenant, hélas. Comme son ami également disparu Guy Béatrice, il avait été un des principaux élèves français d'Eugène Canseliet, après le décès duquel il avait pris ses distances avec ce qu'il appelait plaisamment le "marigot" alchimique et s'était sauf erreur orienté vers une approche plus exclusivement spirituelle du Savoir (celle de l'islam soufique).
On lui doit plusieurs ouvrages de valeur, dont ses Alchimiques métamorphoses du Mercure universel (Guy Trédaniel, 1977), largement consacré aux fresques du monastère de Cimiez, sur les hauteurs de Nice, et chez le même éditeur son Alchimie et révélation chrétienne (1976), essai dont il nous avait confié préférer une version ultérieure: La Voie de l'alchimie chrétienne (Mercure Dauphinois, 2005).
ARCHER