...consacré à l'artiste français Julien Champagne (1877-1932), à sa vie et à ses oeuvres.
Peintre et dessinateur, Julien Champagne est surtout connu de nos jours pour avoir illustré les ouvrages de Fulcanelli, un mystérieux alchimiste contemporain.
Et pourtant, il figure au Bénézit, la "Bible" internationale des créateurs. Et suivant son ami Eugène Canseliet, il fut bien un maître du pinceau et du crayon.
C'est à la découverte de cet artiste méconnu, mais profondément attachant, que je voudrais vous inviter. Je voudrais aussi vous demander de ne pas hésiter à enrichir mes articles de vos propres commentaires et de vos découvertes personnelles.
Bon voyage donc au pays légendaire de Julien Champagne.
Décidément cet automne 2022 est riche de bonnes nouvelles, après tout. Nous venons donc d'apprendre que le premier livre de Jean Artero, Présence de Fulcanelli, vient de faire l'objet en Arqa d'une nouvelle édition.
Sauf erreur, nous en sommes donc à la troisième, après celles de 2008 et de 2011, déjà dues toutes deux à l'époque à la sagacité et au talent de Thierry Emmanuel Garnier.
Ledit TEG qui, les quelques centaines d'exemplaires initiaux de l'ouvrage étant désormais introuvables à l'état de neuf, a par conséquent pris l'heureuse initiative de nous en proposer une nouvelle mouture, avec une nouvelle couverture et dans un format légèrement supérieur.
Pour l'instant, seules plusieurs dizaines de ces nouveaux livres (fort bien) imprimés le mois dernier sont disponibles, probablement dans l'attente d'une optimisation du système de diffusion d'Arqa.
Nous pouvons cependant nous les procurer aisément, qu'il s'agisse de les commander directement sur le site de l'éditeur marseillais:
Thierry Emmanuel déborde d'activité, au demeurant, puisque comme nous l'avons déjà rapporté ici-même, nous semble-t-il, il a lancé récemment une chaîne Youtube.
Et bien sachez que sur cette chaîne un enregistrement audio et vidéo consacré à l'autre ouvrage principalement dédié à Fulcanelli de l'ami Artero (Fulcanelliana) vient allègrement de dépasser les cinq cent visionnages:
Ajoutons au passage que le livre Fulcanelliana d'Arqa, lui, reste bien encore disponible en édition originale et en version papier complète (mais pour combien de temps)?
Et Julien Champagne (JC), me direz-vous, notre "Hubert", que vient-il donc faire dans cette galère, pardon dans ce vaisseau, admirable sans doute, quoiqu'infiniment moins il va sans dire que celui du Grand OEuvre?
Ah mais, faites excuse, gentils messieurs et gentes dames, oyez, oyez! Je peux vous rappeler tout de même qu'il reste à tout le moins l'illustrateur de Fulcanelli, et aussi que mon blog et celui de notre compère Jean (cestui même) ayant débuté en 2006, c'est en 2007 ou 2008 que Garnier l'ayant découvert a pris contact avec vos serviteurs en vue de la rédaction de Présence de Fulcanelli.
Vous connaissez la suite.
Présence de Fulcanelli où (voyez l'index nominum) les entrées sur JC sont bien entendu multiples, ainsi bien sûr que celles vouées à son "frère" puiné Eugène Canseliet.
Et finalement, comme on dit que le beau est l'ami du bien, et réciproquement, peut-être que dans quelque temps, nous allons finir par trouver un éditeur aussi courageux que Thierry Garnier, pour que soit enfin publié ce superbe petit traité intitulé Science écrite de tout l'Art hermétique, tel qu'annoté par Champagne, et accessoirement présenté par Artero et par votre serviteur.
De 1841 à 2022, il n'y a qu'un pas selon la Tradition, et notamment celle hermétique et alchimique.
Adoncques franchissons-le allègrement, pour nous retrouver cette fois en compagnie de Jacques Troger, et de son livret intitulé Paris alchimique - bestiaire-, qui vient de paraître aux éditions Decoopman.
Et certes cet auteur ne nous est pas totalement inconnu, puisque nous avions déjà eu, ici même, l'occasion de signaler à nos aimables lecteurs et lectrices le petit volume qu'il avait opportunément consacré à la décoration de la boulangerie parisienne bien connue de la maison Poilâne:
L'Art du Boulanger, les céramiques alchimiques du Maître de Savignies (Massanne, 2010).
Peut-être en partie par proximité géographique, il s'est d'ailleurs dirait-on largement inspiré dans ses divers ouvrages de l'architecture monumentale de la capitale française. Citons entre autres à ce propos Paris alchimique, sur les pas de Nicolas Flamel (Massanne, 2017) et Le symbole oublié, trésors et secrets alchimiques de Notre-Dame-de-Paris, Massanne, 2020).
Prenant appui sur les oeuvres de ses prédécesseurs plus anciens, notamment Fulcanelli et Eugène Canseliet, ce qui évidemment ne saurait nous déplaire, il a aussi l'honnêteté devenue rare (et qu'il convient donc de saluer) de citer certains de ses confrères contemporains, tels Bernard Roger, pour son Paris et l'alchimie (Alta, 1980, et Dervy, 2017) et feu Henri La Croix-Haute, avec son Du Bestiaire des Alchimistes (Mercure Dauphinois, 2003), ainsi que feu Richard Khaitzine (Le cabaret du Chat Noir, Mercure Dauphinois, 2018).
Et au demeurant, Jacques Troger n'omet pas pour autant de nous instruire aussi bien sur des monuments déjà bien connus des hermétistes que sur d'autres édifices ou sculptures qu'il nous fait opportunément découvrir.
Mais il n'entre pas forcément dans notre propos de ce jour d'étudier par le menu les divers emblèmes qu'il propose à notre sagacité.
Bornons-nous par conséquent pour l'instant à énumérer dans l'ordre alphabétique la plupart des animaux plus ou moins classiques qu'il nous fait découvrir ou redécouvrir, tout en nous en proposant son opinion sur leur signification hermétique:
Sommes-nous complets? Certainement pas, notamment car nous comptons maintenant insister sur deux autres créatures de notre dilection, ou comme on voudra de notre prédilection: l'hippocampe d'abord, et enfin le renard.
Pour notre estimable collègue en effet, les hippocampes ailés de l'avenue Rapp (au numéro 29), qui figurent colorisés d'or sur la couverture de son essai, nous renvoient incontestablement à l'écu final du Mystère des Cathédrales, et donc à un certain...Julien Champagne.
Au sujet de ce dernier, je note de nouveau, sans y insister davantage, que Jacques Troger ne se fait pas faute de relever le fait que notre compère Jean Artero lui a de son côté consacré toute une biographie (Mercure Dauphinois, 2014).
Son idée est en tout cas de toute évidence que ces hippocampes -et celui d'"Hubert" par la même occasion- nous renvoient au Sel principe: Le cheval marin "allait devenir sous les crayons du dessinateur (de Fulcanelli) l'un des nouveaux symboles alchimiques du sel d'Ammon."
Et d'ajouter: "Champagne travailla de nombreuses années sur cette mystérieuse substance qu'est le Sel. Sans doute souhaita-t-il attribuer à l'agent central de ses recherches une figure nouvelle et, de surcroît, éminemment cabalistique."
Selon Troger, le Sel en question est situé précisément entre les deux hippocampes ci-dessus, qui pour leur part figurent les principes Mercure et Soufre.
De façon non moins intéressante nous semble-t-il, la porte qu'ils entourent est aussi surmontée par une figure qu'il dénomme la femme au renard:
De fait, nous explique-t-il, cette jeune femme porte autour de son cou, en guise d'étole, la fourrure d'un renard.
Et d'ajouter: "Par sa fourrure, ses oreilles ou sa queue en forme de flamme, le renard est l'animal flamboyant par excellence, souvent associé à l'élément du Feu. Indispensable au Grand OEuvre, le Feu, celui des Philosophes s'entend, permettra d'obtenir les cendres puis le Sel rédempteur."
Jacques insiste finalement: "Le renard en latin se dit vulpes; pour cette raison, on donne le nom de vulpin à la plante graminée de nos champs dont l'épi a la forme d'une queue de renard. Or sur le blason du Mystère des Cathédrales l'hippocampe est surmonté d'un épi." La devise du blason, conclut-il, fait elle aussi allusion à l'épi et délivre elle-même une idée d'abondance et de richesse.
De son côté, l'ami Jean Artero me faisait encore récemment remarquer que son patronyme signifiait en espagnol renardeau, mais aussi rusé et malin. Eh bien le blason des Artero cette fois s'orne tout simplement de deux coffres juxtaposés verticalement et hermétiquement scellés.
Grâce à l'excellente librairie historique parisienne Fabrice Teissèdre, qui par conséquent mérite bien son patronyme d'élection de Le Curieux, nous avons pu récemment accéder à un petit ouvrage bien illustré sur le tombeau nantais de François II, duc de Bretagne.
Comme nous le savons, ledit monument funéraire est abordé en longueur dans Les Demeures Philosophales de Fulcanelli, et nous nous en sommes fait l'écho ici-même à plusieurs reprises, au travers notamment de l'évocation des illustrations de Julien Champagne qui l'agrémentent et le mettent en valeur.
On ne trouve pas dans les Demeures de référence à l'opuscule qui nous occupe aujourd'hui, et qui se présente à nous comme une sorte de "notice". En voici l'intitulé, reproduit ci-dessus: Tombeau de François II, et de Marguerite de Foix, par Michel Columb, dessiné par E. de la Michellerie, et gravé sur acier par L. Normand Fils Ainé, accompagné d'un texte explicatif et de notices historiques sur François II et Anne de Bretagne.
Il est paru en 1841 à Nantes, comme il se doit, chez Forest, libraire au Quai de la Fosse, lequel Forest l'a également imprimé.
Forest, alias de Lamoré ou Lamorée, n'est au demeurant pas tout à fait un inconnu, du moins pour les lecteurs de Ouest-France:
De même, E. de la Michellerie (de son prénom de plume, puisque ce Michellerie s'appelait au civil Cyprien Français Hugues) est un dessinateur de renom:
http://expositions.bnf.fr/cnac/grand/cir_2406.htm
Quant au graveur L. Normand, il pourrait s'agir en fait de l'architecte Louis-Marie Normand, qui, en digne fils de son père Charles, réalisa planches d'architecture et gravures au trait (en particulier de monuments funéraires).
Si maintenant nous nous intéressons au contenu des deux textes courts présentés anonymement sur Anne et François, reconnaissons d'emblée qu'ils sont certes pertinents, mais au fond assez peu substantiels, si on prend pour référence la glose fulcanellienne.
On s'amusera cependant de constater que le sculpteur du tombeau, Michel Colombe, est pour l'occasion plaisamment orthographié Columb. Ceci nous force aussi à nous rappeler qu'au temps jadis l'orthographe générale -et celle des noms tout spécialement- était assez fluctuante, ce qui naturellement ne pouvait que favoriser le recours à la Cabale phonétique ou solaire.
Et nous renforce dans notre conviction d'ésotériste fidèle à la Tradition qu'on ne peut savoir où on va ni même ou l'on est si on ne sait d'où on vient. Relevons encore le fait que, pour le scripteur, Colombe serait originaire soit de Nantes, soit de Saint-Pol-de-Léon, où nous nous sommes au demeurant rendus récemment. Fulcanelli penche manifestement pour cette dernière option.
Enfin, le même scripteur anonyme avance à propos de la duchesse Anne et d'une des Vertus représentées une hypothèse hardie et intéressante:
"On reconnaît dans la Justice les traits d'Anne de Bretagne. Son costume et ses attributs sont ceux de reine et de duchesse, avec la couronne fleurdelisée et fleuronnée sur la tête."
Dans ses Demeures, Fulcanelli se fera plus tard l'écho d'une telle opinion: "Notre Vertu a le front ceint d'une couronne ducale, ce qui a pu laisser croire qu'elle reproduisait les traits d'Anne de Bretagne."
Finalement, les gravures elles-aussi, du moins dans leur ordonnancement, pourraient plaider pour une connaissance de cet estimable ouvrage par l'auteur du Mystère des Cathédrales et son illustrateur. Mais bien sûr le talent d'"Hubert" est sans conteste supérieur. Peut-être voyons-nous manifestée en cette occasion la différence qui peut exister entre un simple dessinateur (si l'on peut dire et sans offense), et un peintre et artiste.
Un excellent artiste de plus, suivant son jeune ami Eugène Canseliet, et un artiste dans tous les sens du terme, dont comme vient de le rappeler Danièle Balland sur Facebook nous commémorons ce jour le quatre-vingt-dixième anniversaire de la mort terrestre.
Imprimé l'an dernier (en 2021, donc), l'ouvrage de Johan Dreue intitulé Théorie alchimique de la fin du monde et publié par l'auteur (éditions Arl) doit sans aucun doute retenir l'attention des curieux de l'oeuvre fulcanellienne, et a minima de ceux qui s'intéressent au mystère de son troisième livre non paru (le Finis Gloriae Mundi).
Notre auteur préféré du moment ne nous est certes pas inconnu, car il est de ces fulcanellistes distingués auxquels Jean Artero a récemment consacré un petit essai (Fulcanelliana, Arqa, 2017).
Partisan comme feu Patrick Rivière de l'identité de l'Adepte avec la personne de Jules Violle, Johan est au demeurant un écrivain prolifique autant que prolixe, dont on pourra se faire une bonne idée de la production en parcourant le site qu'il anime:
https://toysondor.blog/boutique-de-larl/
Avant d'en venir au contenu de cet essai brillant dans le fond autant que touffu dans la forme, remarquons que Dreue n'y craint pas de se signaler à nous comme FCH (Frère Chevalier d'Héliopolis).
Pour le reste, il nous semble qu'il reprend à son compte, en les citant longuement, certains travaux d'un autre hermétiste de qualité, dont nous nous sommes déjà fait l'écho ici: feu Jean Laplace.
Il en est ainsi en particulier des écrits de ce dernier intitulés Révélations Alchimiques sur la Fin du Monde et Le Four de Winterthur. On a même parfois un peu de mal en lisant Johan à distinguer ce qui provient de lui et ce que l'on doit à Jean.
Toujours est-il que selon Dreue il est indubitable que la nature apocalyptique de certaines caractéristiques du four helvète permet de rapprocher ce Logis alchimique de ceux qui devaient être étudiés dans le Finis fulcanellien.
Comme vous le savez, une partie des développements en question a pu être publiée à compter de 1957 dans les rééditions du Mystère des Cathédrales et des Demeures Philosophales.
Après Winterthur, sur lequel il insiste longuement, et là est probablement l'originalité principale de ce travail très fouillé, Johan Dreue aborde donc aussi bien Hendaye que Dammartin et Melle (assez brièvement pour les deux derniers). Et naturellement revient aussi sur l'hôpital sévillan dit de la Charité et des tableaux de Juan de Valdes Leal qu'il abrite.
Evidemment Johan ne peut s'empêcher, s'agissant des personnes cette fois, de revenir sur les faits et gestes de Jules Violle, en l'appelant Fulcanelli, ce qui est critiquable en toute rigueur, mais aussi bien excusable.
En outre, il paraît prêter à un Henry Dunant, un Antoine d'Abbadie, ou moins près de nous à un Vincent Depaul une importance qui pourra surprendre, et que je vous laisse découvrir par vous même.
Julien Champagne est pour sa part assez peu présent au cas particulier. Curieusement, la seule illustration de lui que reproduit Dreue est celle de la fontaine parisienne du Vertbois. Allusion au Déluge "final"?
Final ou pas, le prochain versement de la boule terrestre, telle est peut-être en effet la question. Dans ses Mémoires récemment évoquées par nous (Julien Champagne en Paginanda), l'alchimiste Bernard Chauvière rapporte qu'il pourrait intervenir dès 2025, selon Eugène Canseliet.
Pour Johan, il se situerait plutôt vers 2030. La fin ainsi prévue de la gloire du monde est-elle pour autant une ou même la fin du monde? Tel n'est pas notre sentiment personnel, ni présumons nous celui de Johan Dreue. Disons plutôt bibliquement: A nouveaux cieux, terre nouvelle (et vice versa).
Arrivé à ce point de notre réflexion, je voudrais évoquer brièvement devant vous l'oeuvre d'un essayiste belge récemment disparu: André Charpentier (alias d'André Raeymaeker). Né en 1934 et décédé en 2020, ce pythagoricien dans l'âme a, semble-t-il, pris le temps de faire imprimer peu de temps avant sa mort son étude intitulée L'ésotérisme de Virgile. Il semble en rester quelques exemplaires à la vente auprès de la revue Le miroir d'Isis.
Vous pouvez au demeurant vous faire une idée de ce livre sur le site de la librairie Arca: https://www.arca-librairie.com/lus-pour-vous/classiques/319-charpentier-les-mysteres-du-pantheon-romain
Quant à son parcours général, littéraire aussi bien que philosophique, il reste grâce à lui globalement accessible sur la Toile: https://clavisquadraturae1com-76.webself.net/
Pour André, et telle est son approche de l'apocalypse, ou révélation, "la fin de notre cycle doit être strictement analogue à son début, c'est-à-dire intemporelle."
Qu'il s'agisse d'en finir ou pas, par conséquent, terminons cet articulet par le blason si alchimique des Pfau, créateurs du poêle de Winterthur.
Pfau, ou en allemand paon. Le paon est selon Fulcanelli "l'image mythique de la nature en pleine activité." L'alchimie serait elle donc intrinsèquement panthéiste? Tel est assez notre point de vue, effectivement. En grec, Pan signifie le Tout. Un Tout divin, qui ne saurait à l'évidence avoir ni commencement, ni fin.
Soit dit simplement et honnêtement, c'est-à-dire sans chercher aucunement à nous parer...des plumes du paon.
Décidément, Julien Champagne est gâté par l'actualité en ce début d'année 2022, ce qui ne peut à l'évidence que nous réjouir.
Cette fois-ci, il figure en bonne place dans la première biographie de Robert Ambelain (1907-1997), que nous devons à Arnaud de L'Estoile, et qui vient de paraître aux Editions Télètes.
Disons d'emblée que notre biographe du jour n'en est pas à son coup d'essai, puisqu'il a notamment déjà écrit sur divers ésotéristes contemporains, tels Papus, Eliphas Lévi et Guaïta, qui d'ailleurs ont tous curieusement en commun de s'être intéressés à l'alchimie.
Voici donc sans conteste un sérieux petit ouvrage, concocté par un auteur de surcroît diplômé d'histoire et dont l'ouverture d'esprit transparaît dans la façon dont il cite ses sources aussi bien en bibliographie que dans le corps du texte.
C'est ainsi qu'il n'ignore ni ne feint d'ignorer (entre autres) Serge Caillet, ni Gérard Galtier, ni Gino Sandri, qu'il s'agisse d'Ambelain lui-même, ou plus généralement des diverses branches concernées de la franc-maçonnerie, ou encore du martinisme.
Au contraire, et bien évidemment, s'agissant comme nous le verrons ci-après de Champagne, il se réfère honnêtement à son biographe attitré, notre compère Jean Artero.
Précisons également que selon nous il nous montre bien la complexité du "personnage" Robert Ambelain, de ses engagements précoces en Action Française à sa participation ultérieure la résistance antinazie pendant la seconde guerre mondiale, de l'astrologie à la magie, du martinisme et de la gnose aux Loges (même si son évident attrait pour les rites et les grades de toutes sortes nous laisse quelque peu perplexes).
Pour en venir finalement à l'hermétisme, il tient une place modeste mais significative dans le parcours d'Ambelain. Qualifiée d'astrologique, son oeuvre de jeunesse Dans l'ombre des cathédrales est cependant placée explicitement dans l'orbe fulcanellienne.
De même, son accointance probable avec le Grand Lunaire (puis l'AROT), où il retrouvera, nous confirme L'Estoile, Julien Champagne et Eugène Canseliet (voire Claude d'Ygé) ne saurait être considérée comme résultant uniquement d'une démarche magiste.
De même encore, Ambelain aura été visiblement un proche d'un Jules Boucher (1902-1955), ou d'un Robert Amadou (1924-2006), tous deux impliqués dans le "dossier Fulcanelli", dossier auquel Arnaud consacre au demeurant plusieurs pages bien senties.
C'est ainsi en particulier que Robert Ambelain avait en 1939 souligné le fait que "la Vierge noire de Marseille est celle du dessin original de Julien Champagne, le savant illustrateur du Mystère des Cathédrales."
Dans son essai présent, L'Estoile cite alors aussitôt Artero, ce dernier remarquant pour sa part à ce sujet précis en 2014 : "Ambelain distingue bien entre Fulcanelli l'auteur et Champagne l'illustrateur. Pour lui, à cette époque, Julien n'est pas Fulcanelli et l'identification entre les deux personnes fera bien l'objet d'une construction subséquente."
Restons encore un peu à Marseille, cité de Mars et du Soleil, puisque les éditions Arqa de Thierry Emmanuel Garnier viennent ces dernières semaines d'y consacrer sur leur chaîne Youtube un enregistrement audio (judicieusement agrémenté de quelques photos) au livre Fulcanelliana de l'ami Jean Artero:
Louable initiative que nous ne pouvions donc que relayer, en vous recommandant de prendre un peu de temps pour écouter, quinze minutes durant, une grande partie de la conclusion du "guide Fulcanelli" édité par Arqa, conclusion qu'Artero nous a gentiment autorisés à faire également nôtre dans ce blog.
Dans ladite conclusion, il est bien entendu question aussi de Julien Champagne, notamment au travers de l'ouvrage que Jean lui a spécifiquement consacré, et plus précisément du Miroir des Sages où il est paraît-il possible de voir Dame Nature à découvert.
Toujours est-il qu'il convient, nous semble-t-il, de saisir cette occasion de rendre hommage au labeur de Thierry Garnier, l'éditeur qui a mis en quelque sorte le pied à l'étrier au cavalier Jean Artero.
Nous nous sommes laissés dire, au demeurant, que si en Arqa le Fulcanelliana restait disponible (il était d'ailleurs dernièrement en promotion), Présence de Fulcanelli et Alchimie de Lesseps étaient presque épuisés.
Le premier pourrait être réimprimé en 2022, quant au second, il semble voué à devenir rapidement une rareté.
Tout ceci nous confirme dans un constat finalement réconfortant : Dans ce domaine de l'hermétisme, certains bons livres (car le bouche à oreille compte aussi, et les "réseaux sociaux" également) peuvent en quelques années atteindre un public averti, et se vendre à plusieurs centaines d'exemplaires.
Au delà d'Arqa, l'éditeur historique, voyons ce qu'il en est des autres bouquins où Artero et nous avons peu ou prou contribué:
Le Julien Champagne ci-dessus évoqué, paru au Mercure Dauphinois de la grenobloise Geneviève Dubois reste disponible. Il en est de même des livres de Champagne, La Vie minérale et Le manuscrit Yardley (versions française et anglaise) publiés à Amboise par Bernard Allieu (éditions Les Trois R). A l'inverse, les Ymages philosophales éditées par notre compère belge Stephan Hoebeeck (éditions ESH), ymages en fait constituées par les illustrations fulcanelliennes de Champagne, avec en vis-à-vis leurs commentaires fulcanelliens, sont déjà épuisées et on ne les trouve plus...qu'à prix d'or.
Donc, là encore, un petit conseil: investissez un minimum si vous voulez y avoir accès quand c'est encore possible, et commandez directement ces libelles à leurs éditeurs, ou adressez-vous à quelques bonnes librairies, comme Cadence (Eklectic) à Lyon:
Nous avons déjà évoqué ici à plusieurs reprises la remarquable qualité du travail accompli à Marseille par Gilbert Bonnet et ses équipes des éditions Alcor et de la revue Liber.
Voyez à ce sujet, si vous le souhaitez, certains de nos articles précédents dont Champagne en Alcor ou Champagne de Liber.
La dernière livraison de cette revue vient de nous parvenir, et une fois de plus le résultat est au rendez-vous, nous apportant une preuve que l'exigence peut payer, intellectuellement et spirituellement du moins.
Le numéro 7 de ces recueils, bouclé à l'automne 2021, mais de fait imprimé au mois de décembre dernier, s'inscrit bien en effet, à notre avis, dans le droit fil de ceux qui l'ont précédé.
Il illustre donc bien, selon nous, la maxime optimiste de Maître Eckhardt qui y est rapportée d'emblée: "La bonté s'engendre d'elle-même, avec tout ce qu'elle est, dans l'être bon. Connaissance, amour et action, elle déverse tout cela dans l'homme bon."
Cette générosité à l'immanence de laquelle on se prend à espérer de croire, transparaît dans la bonne action justement que constitue chacun des courts essais proposés et dont la Connaissance, le Savoir zoroastrien paraît bien être le fil conducteur.
Pour en venir à l'alchimie (mais n'y étions-nous pas déjà pleinement engagés?), la contribution de notre compère Jean Artero s'inscrit exactement dans cette trame d'ensemble.
Avant Fulcanelli, il y avait les Adeptes de la tradition hermétique, dont il a voulu transmettre et perpétuer le message, ce qu'il a pleinement réussi à accomplir. Avec lui, il y a eu quelques fortunés compagnons de labeur, tels Julien Champagne et Eugène Canseliet. Après lui, s'il y a un après, il convient avant tout de continuer à oeuvrer.
Car comme le rappelle dans son avant-propos le "comité de rédaction", "l'inspiré ne naît ni ne meurt. Il ne vient de nulle part et ne devient personne. Non né, permanent, constant, primordial, il n'est pas détruit quand le corps est détruit." (Katha Upanishad).
Plus près de nous encore, René Guénon, fulcanellien malgré lui ou à son insu, rapportait en 1939 dans Etudes Traditionnelles tel adage qui nous transporte littéralement dans une dimension qui n'est plus tout à fait celle du commun: Pour la tradition musulmane, l'initié est (presque) invisible: "S'il marche sur le sable, il n'y laisse aucune trace; s'il marche sur le rocher, ses pieds y marquent leur empreinte. S'il se tient au soleil, il ne projette pas d'ombre; dans l'obscurité, une lumière émane de lui."
Vous voulez un bon conseil? Lisez Liber et achetez Alcor! Mieux encore, en bons sportifs, "faites passer."
Bonne année à chacune et à chacun, en espérant que "sur le chemin", comme dirait l'ami Philippe Subrini, alors que d'autres préfèreraient peut-être l'expression "sur la voie", nous soyons d'une part débarrassés de cette fichue pandémie, et d'autre part que nous puissions tous et toutes reprendre sereinement notre progression sur le sentier hermétique.
Et justement, voyez-vous, un petit livre vient de paraître, qui pourrait bien nous y aider. Imprimé en décembre 2021 pour les éditions Paginanda, dont il inaugure en quelque sorte le parcours, ce nouvel ouvrage de Bernard Chauvière, parfaitement intitulé Mémoires d'un Alchimiste contemporain, vient opportunément, nous semble-t-il, nous conforter dans notre idée que ce sentier, que nous pourrions aussi qualifier d'alchimique, demeure bien ouvert aux curieux de l'Art.
Et certes Bernard n'est en aucune façon un inconnu pour nous, puisque nous l'avons déjà rencontré à plusieurs reprises lors de notre propre cheminement (cf. notamment nos articles Champagne et Cimiez et Champagne séraphique).
A propos de Cimiez justement, nous nous devons de signaler tout l'intérêt qui se dégage de la peinture reproduite sur la couverture du livre de Chauvière: Un cygne s'y exprime vaillamment, à propos duquel le phylactère de rigueur nous explique: DIVINA SIBI CANIT ET ORBI. "Il chante divinement pour soi et pour le monde."
Ouvrons Les Douze Clefs de la Philosophie de Basile Valentin, traité commenté par Canseliet, et nous y verrons que le Philosophe de Savignies en esquisse un décryptage: "Le cygne a toujours été regardé, par les alchimistes, comme un emblème du mercure; il en a la couleur et la mobilité, ainsi que la volatilité proclamée par ses ailes...Son sifflement, qui ne manque pas de surprendre l'opérateur à ses débuts, est nommé le chant du cygne (le signe chantant), parce que le mercure, voué à la mort et à la décomposition, va transmettre son âme au corps interne issu du métal imparfait, inerte et dissous."
Quant au parcours cette fois de Bernard Chauvière, il est au demeurant particulièrement intéressant, puisque nous le voyons au fil de ses "alchimiques mémoires" passer de Louis Pauwels et Jacques Bergier (Le matin des magiciens) à son maître (et le notre, oserons-nous affirmer) Eugène Canseliet. Mais bien sûr la dédicace à Chauvière d'un Bergier se confessant alchimiste vaut ici son pesant d'or pur.
Un autre intérêt de ce parcours alchimique de Bernard Chauvière, tel qu'il le décrit lui-même, est naturellement de nous présenter ses compagnons de route, tels le Belge Emmanuel d'Hooghvorst, ou plus près de nous feu Jean Laplace, feu notre ami Roger Bourguignon (alias Roger Beaulieu), ou Joëlle Oldenbourg et Robert Delvarre, que nous ne saurions non plus méconnaître.
Selon nous, malgré tout, l'apport principal de ces Mémoires réside incontestablement dans le domaine pratique de l'alchimie: Pour nous, Bernard Chauvière a pu, sans doute aucun, s'aventurer assez loin dans le labora, et comme il l'affirme d'ailleurs, se trouve désormais aux abords de ce troisième OEuvre que nous lui souhaitons évidemment de mener à bien. En témoigne en tout cas probablement le cliché ci-dessous, qu'il intitule lui-même Les colombes de Diane.
Et Julien Champagne dans tout cela, me direz-vous? Et bien je dois avouer que de mon point de vue l'apport de Bernard à son sujet est, disons, médian. D'un côté il nous rapporte une confidence de Canseliet sur certain tableau vu chez ce dernier: "Le cadre en bois, c'est Champagne qui l'a fait; il était très habile de ses mains."
Et d'un autre, il affirme: "Je ne me permettrai pas de juger Julien, que certaines personnes tentent de réhabiliter (sic) sous prétexte que Canseliet ne voyait en lui que l'illustrateur de Fulcanelli." Hum, répondrons-nous. Le même Eugène a par ailleurs (et ce n'est tout de même pas rien) qualifié son ami aîné Julien Champagne d'"excellent artiste."
Quoi qu'il en soit, nous sommes heureux, en ce début de l'an de grâce 2022, de complimenter et Bernard Chauvière et Bernard Renaud de la Faverie, son éditeur, pour la qualité de leur travail, auquel nous souhaitons le succès le plus grand, en espérant il est vrai que quelques menues erreurs typographiques que nous y avons relevées puissent être gommées à l'avenir.
Longue vie par conséquent aux éditions Paginanda et notamment à leur collection si bien dénommée: La Table d'Emeraude!
Signalons enfin que les "alchimiques mémoires" de Chauvière, au demeurant présentées par Renaud, sont désormais disponibles à la FNAC:
Je m'en voudrais, finalement, chers amis et chères amies, d'omettre d'attirer in fine votre aimable attention sur "le côté obscur de la force" de l'essai qui nous occupe. Il y est aussi question de la fin de la gloire du monde.
Je me fais une joie et un devoir de relayer ici la nouvelle et récente contribution de notre compère Jean Artero à l'excellente revue en ligne de Thierry Rollat: Les regards du Pilat.
http://regardsdupilat.free.fr/JeanArtero.html
Pour plus de détails à son sujet, vous pouvez vous reporter si vous voulez à un de nos précédents articles: Julien Champagne forézien.
1/ Les Regards du Pilat : Bonjour Jean Artero. Vous êtes reconnu comme étant un passionné et un fin connaisseur dans le domaine alchimique. Comment êtes-vous tombé dans cette marmite aux breuvages flous et complexes pour le profane ?
Jean Artero : Bonjour à vous, et merci de votre invitation et de vos compliments. Je suis un passionné d’alchimie effectivement depuis quelques décennies, et donc devenu connaisseur par la force des choses.
J’ai déjà expliqué par ailleurs que vers 1968 j’ai découvert la Science au travers de l’œuvre de Fulcanelli , puis d’Eugène Canseliet, évidemment.
L’apprentissage a été long, comme il se doit s’agissant d’un ésotérisme, car à mon sens il n’y a pas de voie brève dans ce domaine, ni en théorie ni sans doute en pratique.
Donc selon moi la marmite alchimique n’exclut par le creuset alchimique, au contraire, et la voie humide et la voie brève se complètent mutuellement. En fait, comme le dit l’adage, il n’y a véritablement qu’une voie : una re, uno vase, una via.
Le chaudron magique auquel vous avez fait allusion produit bien à l’inverse une potion, à laquelle renvoient certains des plus vieux mythes de l’humanité : l’Elixir de Vie, concocté à partir de la Pierre philosophale.
2/ Les Regards du Pilat : Justement, pour le commun des mortels et vu de l’extérieur, l’Alchimie se résume un peu trop facilement à la transformation du plomb en or. Ce sont aussi ou surtout de profondes recherches et expériences des plus intimes. Dans votre quête personnelle il est dit ça et là que vous auriez abouti. Qu’en est-il exactement ?
Jean Artero : A mon humble avis, la Pierre transmutatoire pourrait bien être d’abord une « pierre de touche ». Elle permet peut-être à l’alchimiste d’être certain de sa réussite, et éventuellement d’en persuader autrui, puis conformément à la Tradition de faire le bien.
Donc il n’y a pas d’Ora sans Labora, pas d’alchimie pratique sans alchimie intérieure, ainsi que l’avait d’ailleurs fortement souligné le regretté André Savoret ; et bien entendu, comme je viens de m’en expliquer, ceci vaut dans les deux sens.
Quant à ma petite personne, qui n’a pas d’importance particulière, elle n’est certes pas celle d’un Maître, d’un Adepte, comme on dit parfois.
Je n’enseigne pas, et je n’ai pas de disciples. A l’inverse, quand je peux témoigner de ma propre expérience en la matière, et attirer vers l’hermétisme telle ou telle personne de valeur, j’en suis heureux.
3/ Les Regards du Pilat : Quand on publie des ouvrages alchimiques (*liste de ceux-ci en fin d’entretien), comme c’est votre cas, s’adresse t-on uniquement à un public de connaisseurs ou aussi aux vrais novices ?
Jean Artero : Comme exprimé à l’instant, la Tradition est d’abord une transmission, donc il est capital de la faire perdurer, et là est sans doute le principal objet des écrits d’alchimie, ou en ce qui me concerne plutôt, des livres sur l’Art d’Hermès.
Mais bien sûr il importe probablement de savoir aller au-delà de la pédagogie dirigée vers les futurs novices, et même les novices actuels. Il faut savoir aussi se faire reconnaître de ses pairs, et en tout cas les persuader et être convaincu, par la même occasion, qu’on ne publie nullement en vain.
La vanité de l’exercice serait en effet coupable, s’il ne contribue pas un minimum à consolider la crédibilité et l’influence de l’alchimie, y compris dans le public le plus large.
N’oublions pas, pour conclure sur ce point, que si l’alchimie est une et immuable, les conditions de sa pratique et de son étude varient au cours du temps.
Les changements climatiques, l’avènement d’Internet en constituent des illustrations concrètes et me semble-t-il incontestables .
4/ Les Regards du Pilat : Aujourd’hui peut-on parler d’un Héritage Fulcanelli et si oui quels seraient les Héritiers ?
Jean Artero : Oui, je crois qu’on peut répondre par l’affirmative. Fulcanelli est l’alchimiste contemporain le plus connu en France, mais aussi à l’étranger, si l’on veut bien connaître et considérer les traductions réalisées et publiées de ses deux œuvres disponibles.
Il est vrai que sa renommée est principalement occidentale, mais le vieux et cultivé Japon n’ignore pas lui non plus la pensée fulcanellienne.
La question suivante est peut-être: pourquoi ? Je me risquerais volontiers à affirmer que la pensée dont il s’agit permet de mettre en lumière en la rendant accessible à nos cerveaux des XXème et XXIème siècle les fondamentaux de l’alchimie.
Et Fulcanelli nous rappelle après d’autres que ces derniers sont certes scripturaires, mais aussi monumentaux. Par là même, il nous permet de remonter à la source du langage symbolique qui est celui de nos prédécesseurs.
Ce sont ces derniers dont nous sommes tous les héritiers, du moins si nous étudions et cherchons sans omettre de nous réclamer de leur lignage, et si nous reconnaissons au moins à l’opus fulcanellien la vertu majeure qui est la sienne : l’intercession. Fulcanelli est, répétons-le si nécessaire, l’intercesseur par excellence.
A l’inverse, je crois que le fait de se réclamer de cet enseignement ne confère que des devoirs.
5/ Les Regards du Pilat : En restant avec le Maître Fulcanelli et malgré de nombreuses supputations proposées au fil du temps, avez-vous une idée assez précise de la vraie identité de ce dernier ?
Jean Artero : Assez précise en tout cas pour être convaincu qu’on ne peut pas faire l’économie de ce qu’Eugène Canseliet nous a confié de l’homme, de son parcours, de ses relations, bref de sa vie.
Sinon, on verse dans l’imaginaire. Fulcanelli mis à part, il est pratiquement notre seule source d’information fiable.
Bien sûr, il a occulté certaines choses, mais il serait abusif de prétendre qu’il a menti sur l’essentiel. Et à propos d’essentiel, je ne peux pas ne pas mentionner la place majeure qui est celle de l’alchimie dans l’esprit de Fulcanelli, donc tout fulcanelliste devrait avoir à cœur de la déceler et de la prouver chez son candidat.
Après, on ne peut pas affirmer avoir résolu « l’énigme Fulcanelli » si on ne tient pas aussi compte de sa proximité avec Julien Champagne, avec Pierre Dujols, avec la famille Lesseps…
Pour moi, on est là dans le cercle des intimes, et en ce qui me concerne je n’écarte pas du tout l’idée que le Maître, pour reprendre votre expression, puisse se rattacher d’une façon ou d’une autre à cet illustre clan.
6/ Les Regards du Pilat : La Société Atlantis fondée dans les années 1920 par Paul Le Cour et dont la notoriété dans le domaine ésotérique n’est plus à démontrer, vous a-t-elle beaucoup inspiré dans vos recherches personnelles ?
Jean Artero : Paul Le Cour, de son nom de plume, a aussitôt perçu l’intérêt de l’œuvre fulcanellienne. En outre, il a ouvert peu après le décès de Julien Champagne les colonnes de sa revue Atlantis à Eugène Canseliet, qui en a été un des contributeurs jusqu’à son décès.
A Canseliet, et à d’autres hermétistes et alchimistes de valeur, bien sûr, tels Guy Béatrice, Patrick Rivière ou Séverin Batfroi.
J’ai quelque temps été membre de ce cénacle et abonné à cette revue, dont on ne peut que déplorer l’effacement progressif.
Atlantis a beaucoup œuvré, malgré tout, pour la culture traditionnelle en général et celle alchimique principalement. Elle a encore été présente, en 1999 et 2009, lors des deux premiers colloques parisiens consacrés à Eugène Canseliet. J’ai assisté au premier, et je suis intervenu au second. La publication intégrale des actes de ces manifestations me semble être une nécessité.
En 2015 encore, grâce à Atlantis toujours, j’ai pu, toujours à Paris, m’exprimer publiquement, cette fois au sujet de Champagne.
Paul Le Cour
7/ Les Regards du Pilat : Que retenez-vous de l’œuvre d’Eugène Canseliet, ses rôles notoires et là encore son Héritage ?
Jean Artero : Le rôle de Canseliet dans l’émergence de la notoriété fulcanellienne et dans la préservation de la culture alchimique a été et reste considérable, en France et ailleurs.
C’est ainsi, notamment, qu’il a présidé aux trois premières éditions françaises de l’œuvre publiée de Fulcanelli.
Lui-même est traduit désormais en tant qu’auteur dans nombre de langues européennes, à l’exception notoire de l’anglais, ce qui soit dit entre nous doit le ravir.
Il m’est difficile de ne pas considérer tous ses ouvrages comme importants, d’une manière ou d’une autre. On pourra simplement distinguer entre ses publications vouées à la promotion d’auteurs classiques, comme Basile Valentin ou Altus, et celles destinées à prolonger l’opus fulcanellien (Deux Logis Alchimiques).
Je rangerai volontiers dans cette deuxième catégorie son Alchimie expliquée, qui est peut-être son livre majeur.
Si Fulcanelli met en lumière l’ensemble de la tradition alchimique, Eugène Canseliet a fait de même à sa façon, et de nombreux hermétistes et alchimistes vivants ou hélas décédés lui doivent beaucoup, comme l’Italien Lucarelli, et en France, Allieu, Bourguignon, Chauvière, Delvarre …
Je le considère pour ma part comme mon maître en hermétisme.
Eugène Canseliet
8/ Les Regards du Pilat : L’Ordre du Temple qui possédait multiple facettes et notamment certaines indéniablement alchimiques apparemment, a-t-il selon vous une survivance officielle ou de Tradition aujourd’hui en 2021 ?
Jean Artero : Il me paraît que Fulcanelli comme Canseliet à sa suite évoque une dimension ésotérique de l’Ordre du Temple.
Cette dimension transparaîtrait dans le fameux Baphomet, et on pourrait ajouter que le Sceau des Templiers en est possiblement une autre illustration.
Je crois qu’il est plus que vraisemblable que certains Chevaliers aient été des initiés, et se soient adonnés à l’alchimie, et qu’il est même possible qu’au sein de l’Ordre il y ait eu une sorte d’Eglise intérieure, pour reprendre l’expression d’Eckartshausen.
De même, j’ai l’impression que la survivance templière dans certains pays, ibériques ou autres, est incontestable d’un point de vue historique.
A contrario, je ne suis pas sûr que cette survivance revête actuellement des formes officielles, comme vous dites, et les résurgences contemporaines (ou plutôt les pseudo-résurgences templières) ayant pignon sur rue me semblent relever du folklore, voire (au pire) de l’escroquerie ou du phénomène sectaire.
Mais naturellement je peux me tromper. Il est vrai qu’il y a un siècle Magophon évoquait encore une persistance du Galetas du Temple, mais cette persistance était plutôt clandestine.
A l’inverse des chevaliers de l’estomac d’une certaine franc-maçonnerie, raillée par Fulcanelli, les Templiers modernes sont plutôt selon moi des anonymes, libres de toute obédience organisée, mais unis, comme les vrais Rose-Croix, par une foi commune, telle que celle qu’exprime la tombe d’Eugène Canseliet, ornée de la Croix templière : In Hoc Signo Vinces.
9/ Les Regards du Pilat : Le Pilat est loin de vous être indifférent. Mise au-devant de l’actualité ces dernières années alors que longtemps oubliée, que vous inspire La Pierre des Trois Evêques aujourd’hui simple borne de séparation entre les communes de La Versanne et de Saint-Sauveur en Rue ?
Jean Artero : Vous avez raison, le Pilat (et le Forez plus généralement) est très loin de m’être indifférent.
Cette contrée est pour moi une sorte de havre de paix familial, où il fait bon se ressourcer quand cela nous est loisible.
Ma belle-famille en était originaire et y réside toujours, ainsi que la mienne, feue mon épouse et moi ayant fait le choix d’en faire notre terre d’élection.
Mon beau-père était d’ailleurs membre de la Diana, et a notamment œuvré au sein de la société d’histoire du pays de Saint-Genest Malifaux, pays aux armes si parlantes et auquel je reste extrêmement attaché.
Pour en avoir, l’été évidemment, arpenté bien des sentiers, forestiers la plupart du temps, je le connais assez bien depuis maintenant une quarantaine d’années, de la Font Ria à la Pierre des Trois Evêques entre autres.
Permettez donc que je soutienne l’idée que la première est symboliquement la source de la seconde. Et que ces trois ecclésiastiques peuvent nous renvoyer à chaque œuvre du labeur alchimique.
La Font Ria
La Pierre des Trois Evêques
10/ Les Regards du Pilat : Nous terminerons cet entretien avec la Chartreuse de Sainte-Croix en Jarez. Beaucoup a été dit et écrit sur ce Fleuron patrimonial et historique. Avez-vous des anecdotes singulières ou une réflexion personnelle à nous développer ?
Jean Artero : Une anecdote, pas vraiment. J’ai bien sûr aussi visité ce haut-lieu forézien.
Je dirais que quelque part il nous renvoie à cette Font Ria évoquée précédemment, ainsi qu’au tombeau de Canseliet.
La Font est première selon moi, elle ondoie et rayonne. Elle se situe à une altitude supérieure, même si ses eaux se répandent vers l’aval. Elle est en amont. La Chartreuse -et l’emblème qui la signe- en est l’émanation terrestre. Les Chartreux ont fait vœu de silence, et l’ésotériste ne peut que les comprendre et les approuver.
Donc leur expression est indirecte, cabalistique, pourrait-on dire, et l’exemple parfait en est justement constitué par leur insigne d’Ordre, ce cercle surmonté d’une croix, cette boule crucifère, qui paraît-il représente la matière élue.
Disciple d’Elie, tu vaincras par ce Signe.
Permettez-moi pour terminer d’avoir aussi une pensée en cet instant pour Elie-Charles Flamand, et son éloge surréel d’un autre haut lieu hermétique forézien : La Bastie d’Urfé.
Flamand, ami de Canseliet, et dont les archives sont conservées me dit-on à la bibliothèque parisienne de l’Arsenal. Oui, Barrès avait raison. En Lorraine, en Forez, dans le Pilat, entre autres, il est des lieux ou souffle l’esprit.
*
Jean Artero en quelques contributions :
- Depuis 2006 blog Julien Champagne (avec Archer)
- 2008 Présence de Fulcanelli (éditions Arqa)
- 2011 préface à La Vie Minérale de Julien Champagne (éditions Les Trois R)
- 2014 Julien Champagne (éditions Le Mercure Dauphinois)
Dernière minute: colloque reporté pour des raisons techniques
Pour une fois, projetons-nous vers un futur proche. Grâce à La Nouvelle Atlantide (LNA), Julien Champagne s'apprête à apparaître dans une petite quinzaine de jours au Café de Paris, en notre belle capitale (celle non de la République, mais de la France).
Il s'y trouvera en excellente compagnie, évidemment, celle d'Albert de Lapparent, "fulcanellisable" distingué, de son jeune disciple Eugène Canseliet, et bien sûr, ne l'oublions jamais, de Fulcanelli.
Puisque nous avons d'emblée invoqué Chronos, ou Saturne, si l'on veut, je vous propose à présent -si on peut dire- de remonter le temps (brièvement, cela va de soi).
Cédric Mannu, auteur notamment d'une incontournable biographie de Canseliet "Philosophe Hermétique" (Arqa, 2010) nous entretiendra de l'importance de l'oeuvre de cet alchimiste...et de Fulcanelli.
Notre compère Jean Artero, qui a entre autres commis un essai sur Champagne "Apôtre de la Science Hermétique" (Le Mercure Dauphinois, 2014), évoquera l'artiste d'abord inconnu, puis méconnu, et finalement (espérons-le du moins) en voie d'être reconnu, et pas seulement comme illustrateur de Fulcanelli.
Last but not least, le maître des lieux, Jacques Grimault, vous accueillera au nom de LNA.
Ayant fait paraître à La Nouvelle Atlantide de nombreux ouvrages, dont "L'Affaire Fulcanelli" (2016), il vous expliquera pourquoi selon lui la personnalité du scientifique Albert de Lapparent pourrait bien recouper celle de l'Adepte Fulcanelli.