Puisque nous venons d'avoir le bonheur de rencontrer Patrick Lepetit (en notre précédent article, Selena de Champagne), ne le quittons pas trop vite, et profitons encore de sa présence au travers de la préface qu'il a rédigée pour le dernier livre en date de Bernard Roger, Les Demeures de l'invisible (aux éditions Venus d'ailleurs, 2022).
Ce remarquable ouvrage, que nous avons découvert récemment grâce aux conseils avisés de Renaud Falaviere, se présente à nous, ainsi que l'écrit justement Lepetit, comme une nouvelle suite inspirée aux deux ouvrages de Fulcanelli, Le Mystère des Cathédrales et Les Demeures Philosophales (le titre de ce dernier volume étant manifestement paraphrasé ici par Roger), après celle que lui avait donné Eugène Canseliet dans ses Deux Logis Alchimiques.
Son sous-titre "La symbolique traditionnelle en architecture" en est au demeurant une preuve évidente. Ajoutons aussitôt que l'ambition de l'auteur nous semble même plus vaste, dans la mesure où il s'aventure sur plusieurs terrains que ces prédécesseurs n'avaient guère arpenté avant lui, comme celui des temps immémoriaux, mythiques ou légendaires (en s'appuyant notamment sur les travaux de Paul Sébillot et Henry Dontenville) ou celui des antiquités égyptienne et grecque (chère cette fois à un certain Jean Richer pour l'une, et pour l'autre à René Schwaller et à son épouse Isha).
Dans le premier cas, on reconnaîtra sans peine au demeurant l'érudition de l'amateur de contes et de leur enseignement initiatique (Initiation et contes de fées, Dervy, 2013), et dans le second celle de l'architecte auteur d'un retentissant Paris et l'alchimie (Alta, 1981 et Dervy, 2017).
C'est ce dernier aspect de l'essai qui nous a le plus intéressé pour notre part. Occupant peu ou prou la seconde partie du livre, il reprend comme déjà dit les thématiques chères à Fulcanelli et Canseliet, tout en essayant de les élargir quelque peu. C'est ainsi que la dimension ésotérique de certains édifices, par exemple, est complétée, ou qu'ils viennent s'ajouter à ceux évoqués auparavant. Tel est le cas d'une cathédrale comme Chartres, dont la signification hermétique de certains vitraux est soulignée, ou dans la capitale parisienne de la Sainte Chapelle, au travers là encore de ses vitraux.
Il n'est jusqu'à l'arbre sec, emblème alchimique, nous explique savamment Roger, de l'inertie métallique (ou de celle peut-être d'une matière non préparée), qu'il ne retrouve sur la porte du palais du Roure en Avignon...
Bref, je ne peux que recommander la lecture et même l'étude de ces nouvelles Demeures, qu'il est encore assez facile, semble-t-il, de se procurer auprès de leur éditeur, quelques mois après leur parution:
Roger Demeures | editions (venusdailleurs.wixsite.com)
Nous avions d'ailleurs récemment pu nous rendre compte de la qualité du travail qu'il fournit au travers de la publication par Venus d'ailleurs d'un petit essai de feu Patrick Rivière (voir notre article Champagne en Rivière).
Je me permets donc de vous encourager à prendre connaissance des divers écrits parus et à paraitre de sa collection Idéa (en particulier les Hermética):
Idéa | editions (venusdailleurs.wixsite.com)
Bernard Roger | editions (venusdailleurs.wixsite.com)
Quant à Bernard Roger, bientôt centenaire et à qui nous souhaitons une longue vie, avec ou sans élixir, ne le quittons pas non plus pour aujourd'hui sans insister sur la robustesse de l'ensemble de son oeuvre, dont l'aspect pédagogique ne saurait être à notre sens mésestimé lui non plus. Pensons en particulier à son livre A la découverte de l'alchimie (Dangles, 1988).
Et n'oublions pas pour autant certains autres ouvrages moins connus du grand public qu'il a signés ou co-signés, en particulier telle belle édition du riche recueil d'emblèmes classiques intitulé le Typus Mundi (ou ses préfaces à certains traités anciens inclus dans la Bibliotheca Hermetica publiée par Denoël -puis Retz- grâce à l'hermétiste et surréaliste René Alleau, qui inspira tant Roger, y compris dans ce nouvel opus):
Pour ce qui est enfin de notre cher Julien Champagne, l'illustrateur de Fulcanelli et l'ami aîné de Canseliet, notamment, il est un peu, c'est vrai, l'Invisible du moment. Mais André Breton, "pape du surréalisme" et cher à Bernard, l'aurait peut-être admis de fait parmi ses Grands Transparents... Savourons ensemble, en tout cas, la conclusion de la postface de Marie-Dominique Massoni à ces Demeures de Roger:
"Si l'architecture n'entra pas dans les arts libéraux car considérée comme trop matérielle, elle se fait archè, arche pour l'archer, pour peu que l'on suive non seulement nos rituels mais l'orbe de la cible étoilée en son centre. Avec Bernard Roger en porteur de feu."
Pour finir, ayons publiquement, comme suggéré par Bernard dans un commentaire (ci-dessous), une pensée attristée pour l'alchimiste et hermétiste de talent François Trojani, qui vient de nous quitter, ainsi que pour ses proches et ses amis. Parmi ses oeuvres de qualité, citons à nouveau (confer notre article Julien Champagne et le Philosophe hermétique) le Grand Oeuvre dévoilé (Arqa, 2010) et toujours chez Arqa, Eternelle Rose-Croix (2016).
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