Après une longue et studieuse pause estivale, nous retrouvons de nouveau avec grand plaisir notre ami espagnol José Rodriguez Guerrero, qui vient encore de nous gratifier il y a quelques jours d'un courriel substantiel, dont ni les époux Lavritch, ni Eugène Canseliet, ni Julien Champagne ne sont absents.
Notons que ce chercheur indépendant, fondateur en son temps de la revue en ligne Azogue, s'y exprime de surcroît en (excellent) français, ce à quoi nous sommes bien entendu particulièrement sensibles.
Je vais donc tout simplement, avec son aimable autorisation, lui laisser maintenant la parole, du moins sur le fond, tout en essayant d'extraire la "substantifique moëlle" de son propos.
Sans surprise, José revient sur la réédition par Omnium Littéraire des deux première oeuvres de Fulcanelli, Le Mystère des Cathédrales (1957) et Les Demeures Philosophales (1960).
Faisant explicitement référence à notre second article à ce sujet:
NOTULE BIBLIOGRAPHIQUE: CHAMPAGNE 1960 - JULIEN CHAMPAGNE (archerjulienchampagne.com) ,
Rodriguez Guerrero affirme que l'édition Omnium fut tellement impactée par la parution en 1960 du célèbre livre de Louis Pauwels et Jacques Bergier, Le matin des magiciens (Gallimard), qui suscita à l'époque un engouement certain, notamment pour l'alchimie et notoirement celle de Fulcanelli, que les Demeures comme le Mystère qui jusqu'alors vivotaient tranquillement, furent rapidement épuisés, en 1961 (en particulier le Mystère).
C'est alors, estime notre ami, que Jean Lavritch et sa femme Sophie ou Sonia Bentkowski, dite aussi Sophie de Trabeck (nous cherchons toujours des photos de l'un et de l'autre) prirent le parti de proposer une réimpression des deux livres de Fulcanelli, parti dont témoigne la notice ci-dessus.
Eugène Canseliet estimant que ladite reproduction contrevenait aux engagements souscrits avec lui, un procès s'ensuivit en 1962 entre lui et les éditeurs de l'Omnium (Archives nationales, fonds de la Société des Gens de Lettres, cote 454AP/567).
Canseliet ayant argué des dispositions du contrat signé en 1956 par les deux parties, il obtint selon José que ses droits sur les textes soient confirmés, textes pour lesquels il fut semble-t-il accepté que lui soit reconnu le droit de porter le pseudonyme de Fulcanelli.
A l'inverse, les illustrations de Julien Champagne furent logiquement exclues des droits consentis à Eugène, ce qui, avance Rodriguez Guerrero, peut expliquer leur quasi absence ultérieure dans les premières rééditions de Pauvert (1964 et 1965). Je crois me souvenir au passage que pour la famille d'Eugène (Béatrix Canseliet ou sa fille Sylvaine), cette absence s'explique en fait essentiellement par des raisons techniques (impossibilité de reproduire les planches, et non incapacité juridique de le faire).
Quoiqu'il en soit, on pourra consulter également sur les rééditions Omnium le premier article que nous leur avons consacré:
JULIEN CHAMPAGNE A L'OMNIUM LITTERAIRE - JULIEN CHAMPAGNE (archerjulienchampagne.com)
Les péripéties que nous venons d'évoquer expliquent probablement, ajouterons nous pour notre part, la fin prématurée de l'Omnium, et notamment le fait que de sa collection Alchimie et Alchimistes (voir ci-dessus) ne parurent finalement, outre les Fulcanelli, que les Deux Traités du XIXe siècle (de Cambriel et Cyliani), présentés en 1964 non par Eugène Canseliet, mais par une relation de ce dernier, Bernard Husson.
Le même Husson fera paraître également plus tard le Viridarium de Stolcius (Médicis, 1975). Quant à l'Atalante de Maier et au Rosaire de Villeneuve, c'est Etienne Perrot, disciple de Carl Gustav Jung, qui les présentera, toujours chez Médicis (en 1969 et 1973 respectivement)...
Sans transition, j'ajouterai, cette fois hélas dans le registre des mauvaises nouvelles, que nous venons d'apprendre avec peine le décès cette année, à septante deux ans, de l'alchimiste Bernard Biebel.
On l'avait vu apparaître dès 1978, aux côtés d'Eugène Canseliet et Robert Amadou, dans le livre au titre si fulcanellien Le Feu du Soleil (Pauvert).
On lui doit également la même année et la suivante des publications de traités classiques, telle celle des Douze Portes de Ripley (Trédaniel), du Jardin d'Aurach (Arma Artis) ou encore de l'Oeuvre de Lintaut (Trédaniel toujours).
Plus récemment, il avait oeuvré au fourneau en compagnie de Robert Delvarre (le disciple ou l'élève le plus discret sans doute de Canseliet) dans l'excellent documentaire télévisé d'Axel Clevenot (Arte/Planète, 1999), Le secret des alchimistes:
https://youtu.be/uwEcMtVhLjE
Mentionnons également le fait que dans la bonne tradition alchimique, et après bien d'autres comme Eugène Canseliet ou Julien Champagne, Bernard s'était essayé, dans le cadre de ses études hermétiques théoriques, à l'art difficile de la calligraphie des classiques de l'alchimie, tel ce Miroir de Mehun ou Meung (voir ci-après).
Enfin, puisque nous avons mis délibérément au pluriel dans notre titre les réimpressions de Champagne, mentionnons cette fois une bonne nouvelle. Notre petit essai intitulé Science écrite (Decoopman, 2023), publication que justifient principalement les commentaires de Julien (et accessoirement ceux de Jean Artero, si ce ne sont les nôtres), est actuellement en cours de réimpression, avec les quelques corrections ou ajouts d'usage, comme cette importante rubrique en bibliographie concernant et Bernard Renaud de la Faverie et la belle librairie parisienne (hélas disparue et qui nous fut autrefois familière) de La Table d'Emeraude:
Science écrite de tout l'art hermétique (decoopman.com)
DECOOPMAN POUR JULIEN CHAMPAGNE - JULIEN CHAMPAGNE (archerjulienchampagne.com)
Mais ne quittons pas trop tôt l'ami Biebel, et profitons ensemble de cette belle dédicace qu'il fit également (de Mehun, je crois) à un certain Philippe:
Bernard Biebel
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