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La Trilogie alchimique qui vient de paraître aux Editions de la Tarente, dans la collection La Table d'Emeraude dirigée par Bernard Renaud de la Faverie, et comme annoncé ici même le mois dernier, mérite assurément le détour.
Due aux deux plumes autorisées de Jules Mérias (probablement Gilles Pasquier) et Laurent Philippe (peut-être Laurent Levasseur), cette trilogie vaut bien mieux en effet qu'une édition critique des traités du XIXème siècle dont il s'agit, et dont parmi d'autres un Bernard Husson (dont nous cherchons toujours un portrait) s'était fait l'écho en son temps: Les Récréations hermétiques et les Scholies, d'une part, rédigées par un anonyme et conservées au Muséum d'histoire naturelle de Paris (donc vraisemblablement issues du fonds Chevreul), dont une reproduction très lisible du manuscrit nous est proposée en sus du texte imprimé, et d'autre part l'Hermès dévoilé de l'Adepte connu sous le pseudonyme de Cyliani.
C'est qu'en fait Mérias (apparemment le plus prolixe) et Philippe (qui semble par conséquent le plus discret) nous proposent in fine, et en vis-à-vis des textes de Cyliani et de l'anonyme du moment, de véritables essais contemporains qui viennent en quelque sorte ponctuer sans crier gare la prose de leurs (oserions nous dire de nos) anciens, au point qu'il n'ont pas hésité à adjoindre en annexe à tous ces écrits un quatrième ouvrage, cette fois du XVIIème siècle, qui leur a paru pouvoir les prolonger ou du moins leur répondre: l'anonyme germanique parfois intitulé Cassette du petit Paysan (le Credo des alchimistes, la Table d'Emeraude, ouvre de son côté le livre, qui y est reproduite en français et en latin).
On l'aura compris: A nos yeux, cette vraie somme, qui va bien au-delà de l'examen théorique des traités anciens et s'aventure délibérément, au travers de commentaires détaillés, dans les méandres de la pratique alchimique, s'apparente, davantage qu'à une édition critique usuelle, à des écrits plus ou moins récents comme ceux d'Eugène Canseliet (L'alchimie expliquée, Pauvert, 1972) et de deux de ses disciples, Atorène (Le laboratoire alchimique, Trédaniel, 1981) et Bernard Chauvière (Parcours alchimique à l'usage d'un opératif, Liber Mirabilis, 2000).
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On pourra notamment se réjouir d'y voir nos deux auteurs s'y livrer en hermétistes accomplis à une savante dialectique sur une problématique classique en alchimie, celle des deux voies possibles au laboratoire, voie humide essentiellement pour les uns (voyez Récréations et Scholies), voie sèche principalement pour les autres (confer Hermès et Cassette).
De façon plus originale, Jules et Laurent vont bien au-delà cependant dans leur exposé de la pratique, puisque ils n'hésitent pas, comme le montre le schéma reproduit ci-dessus, à exposer par le menu leur vision des opérations à effectuer concrètement, et ce du début de l'OEuvre à la fin, ou si vous préférez de l'élaboration du Mercure aux multiplications.
Rien d'étonnant donc à ce que la mise en forme d'une telle somme de connaissances et de savoirs vérifiés ait demandé à notre binôme d'essayistes une bonne dizaine d'années de labeur. Et compte tenu de la richesse du propos, espérons que dans une prochaine édition un index vienne en faciliter la mise à profit par les orants et autres labourants.
De la richesse du propos et de sa qualité foncière, comme à notre sens en témoigne à l'évidence le bref passage conclusif suivant: "L'alchimiste travaille sur une matière restée vivante depuis la naissance du monde. Il nourrit cette matière d'une vie recueillie de l'univers. L'intégrale du grand oeuvre n'est pas le récipient, ballon, creuset ou cristallisoir où gîte la matière, mais le cosmos. L'énergie du grand oeuvre est celle du Créateur, et c'est ce qui fonde le caractère initiatique de l'alchimie."
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Pour nous, l'intérêt principal de ce travail herculéen réside sans conteste dans la nouvelle étude qu'il contient du travail écrit de Cyliani. Lequel n'hésite pas à y apostropher et admonester ainsi les puissants:
"Rois de la terre, si vous connaissiez le grand nombre de personnes qui se livrent en secret à la recherche de la pierre philosophale, vous en seriez étonnés; et si vous saviez qu'à peine un ou deux hommes ont le bonheur de réussir dans l'espace de trois à quatre cents ans, loin de faire rechercher ceux qui ont réussi pour les tourmenter, vous les combleriez de vos bontés, afin qu'ils puissent amplement servir l'humanité souffrante, et vous faire participer aux bienfaits de leurs découvertes."
On comprend mieux à lire ces lignes prodigieuses pourquoi Canseliet qualifiait Fulcanelli d'Adepte dévolu au XXème siècle. Cyliani est alors en principe et pour sa part, en toute logique, celui du XIXème.
D'où sans doute l'importance qu'a revêtu son Hermès dévoilé pour son successeur en Adeptat, mais aussi pour les disciples de ce dernier, au premier rang desquels figurent Julien Champagne et Eugène Canseliet.
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Or si Pasquier et Philippe s'inscrivent résolument, nous a-t-il paru, dans la lignée Fulcanelli-Canseliet, au travers de leurs références du moins, ils ignorent totalement Julien Champagne. Là encore, formons le voeu qu'une réédition ultérieure de leur belle ouvrage leur permette d'y remédier.
Prenons l'exemple de la seule illustration en couleurs de leur trilogie: celle qui représente le fameux vitrail hermétique du couvent parisien des Jacobins; elle reproduit la version d'Isabelle Canseliet, et ignore celle de Champagne:
JULIEN CHAMPAGNE ET LES JACOBINS - JULIEN CHAMPAGNE
De façon non moins importante, s'agissant de Cyliani, Jules et Laurent ne pipent mot de la lecture qu'en a faite Julien, et que nous avons mentionnée dès 2010, avant que notre compère Jean Artero ne la présente en longueur en 2014 dans sa biographie de l'artiste, parue au Mercure Dauphinois:
CHAMPAGNE DE CYLIANI OU JULIEN AUSTRALIEN - JULIEN CHAMPAGNE
Rappelons finalement, à toutes fins utiles, à nos aimables lectrices et à nos sagaces lecteurs, qu'un inédit important sur la pratique de Cyliani, apparemment dû à son médecin personnel, a été publié par la revue Atlantis (numéros 439 et 440, respectivement de 2009 et 2010). Et remercions chaleureusement pour leurs précieuses contributions, et Laurent Philippe, et l'ami Yves Artero de Facebook.
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Laurent Philippe et Yves Artero, pcc ARCHER