En ce lendemain de la sainte Estelle, je me propose d'invoquer devant vous une Sainte Trinité réputée hérésiarque, dont mes deux filles ont pu voir une représentation à l'actuelle exposition parisienne au titre si alchimique: Une image peut en cacher une autre (Grand Palais, catalogue RMN, 2009).
Cette figuration, due à un anonyme du XVIIIème siècle allemand, me semble exemplaire de la manière dont, du Moyen Âge à la Renaissance, l'unité de la personne divine fut illustrée, dans les Alpes notamment, et devenue des plus rares pour cause d'ostracisme ecclésial, est au cas particulier visible à l'ordinaire au musée autrichien Charles-Auguste (Volkskundemuseum) de Salzbourg.
"Isis, Cérès, Cybèle, trois têtes sous le même voile", nous explique Fulcanelli à l'orée de son Mystère des Cathédrales. Or je voudrais remarquer ici, sans aucunement vouloir blasphémer, que nous retrouvons cette trinité voilée dans le "mystère Fulcanelli" lui-même: Fulcanelli, Julien Champagne, Eugène Canseliet.
Quant à la trinité alchimique, Eugène Canseliet est peut-être celui qui s'est exprimé, sinon complètement, du moins le plus clairement, dans ses Deux Logis Alchimiques:
"RUACH ELOHIM est l'Esprit de Dieu, sans lequel les opérations hermétiques ne se différencieraient pas des manipulations couramment effectuées par les chimistes dans les laboratoires...
Emanation du Père, l'Esprit permet à l'homme, qu'il collabore intimement avec le Tout-Puissant, dans la création microcosmique dont la matière vierge (mater sive materia virgo) est le chaos originel. De là naît la trinité..."Les trois sont admirables, Dieu et l'homme, la mère et la vierge, triple et un."
Et d'ajouter, cher Hervé This, que "seule peut permettre la réalisation philosophale, en apparence chimérique, l'identité de la matière et de l'esprit."
Pousuivant donc notre petite enquête sur la famille de Champagne, nous en arrivons à cette curieuse photo de son grand-père paternel, qu'il semble avoir tant chéri, qu'il s'agisse de Jean-Alexandre Champagne (1815-1889) ou d'Alfred Alphonse Champagne.
La question suivante est naturellement: Pourquoi? Et pourquoi cet imposant vieillard nous est-il arrivé ainsi, sous la forme d'un cliché qu'on dirait pris dans un de nos modernes "photomatons"?
Encore une fois, quel rapport particulier "Hubert" at-il entretenu avec cet aïeul?
Nous avons déjà rencontré récemment le père et la mère de Julien:
http://www.archerjulienchampagne.com/article-24607594.html
Ils sont ici accompagnés d'un Loulou meilleur ami de l'homme que leur fils aima tant à dessiner, comme en témoignent ses carnets de croquis.
Mais quel fut le rôle exact, s'il y en eut un, du papa de Champagne, Alphonse Hubert (1854-1922) qui fut cocher, dans sa rencontre ô combien importante avec la famille Lesseps? Walter Grosse affirme que tel fut bien le cas.
Quant à sa maman, Pascaline Julienne Antonine Quinot (1854-193?) elle figure, cher Quinze, sur cette nouvelle photo en compagnie de sa fille Reine, de dix ans la cadette de Julien, et du mari de cette dernière.
Sur ce dernier, qui n'est autre que Gaston Devaux, nous allons revenir un peu plus avant. Mais je voudrais d'abord constater avec vous que la pièce d'état-civil ci-dessous établit clairement que Renée, comme on l'appelle aussi plus couramment, a officiellement porté un prénom légèrement différent.
Walter Grosse, déjà maintes fois cité, et dont le livre sur Fulcanelli nous est annoncé d'ici à l'été, a donc eu encore une fois raison sur ce point: Dans les familles du début du XXème siècle, et dans celle de Champagne en particulier, on a eu le patronyme singulièrement balladeur.
Mais voici Reine ou Renée (1887-1955) sur un autre cliché, qui cette fois-ci émane tout simplement de son passeport. Son affection pour son peintre de frère fut telle, nous l'avons déjà vu, qu'elle se fit le porte-parole de ses ultimes volontés:
http://www.archerjulienchampagne.com/article-4464119.html
Et pour ce faire elle n'hésita pas à s'ouvrir de ces dernières auprès d'un René Schwaller, enclin pour des raisons déjà évoquées maintes fois à subventionner la sépulture de son ami défunt, ce qui une fois de plus réduit à néant les assertions selon lesquelles ce dernier se serait rendu coupable à son égard d'un quelconque larcin, ou de quelque malversation que ce soit.
Or, aux temps pas si lointains où Renée ou Reine Devaux devait signer son passeport pour se rendre dans un autre pays d'Europe, nous apprenons que celle qui fut, vraisemblablement comme son mari, institutrice dans la Somme, à Raincheval, s'est rendue en Angleterre, peu après le milieu des années 1920.
Fut-elle seule ou accompagnée, dans ce voyage, dont nous ignorons l'objet?
En tout cas il me paraît qu'il est intervenu entre la publication du Mystère des Cathédrales, et celle des Demeures Philosophales, autre ouvrage de Fulcanelli.
Et nous en arrivons au mari de Reine, Gaston Devaux (1881-1969), beau-frère donc de Julien Champagne, dont il épousa la soeur en 1910, l'année même où "Hubert" passa au service de Fulcanelli, Devaux qui n'est nul autre que le secrétaire présumé du dit Fulcanelli:
http://www.archerjulienchampagne.com/article-5039674.html
Dès avant la publication de l'édition originale du Mystère, il semble bien, si l'on suit Robert Amadou, et même Eugène Canseliet, que ce dernier n'eut plus d'autre contact avec Fulcanelli, à partir du début des années 1920, et postérieurement bien sûr à la transmutation de Sarcelles en 1922, que par le truchement de Devaux.
Ce dernier paraît d'ailleurs avoir également servi de boites aux lettres avec Julien Champagne, si je ne me trompe pas, notamment vis-à-vis de René Schwaller. Quoiqu'il en soit, voici à ma connaissance la première photo publiée de cet homme des plus mal connus.
Mais pour cette fois terminons-en avec une publication des plus récentes, celles de l'essai si bien écrit et au titre si alléchant d'Hervé This: La sagesse du chimiste (L'oeil neuf, 2009).
Le distingué physico-chimiste nous y apparaît animé des meilleures intentions du monde, et puisqu'il est aussi, non seulement gourmet, mais gastronome, à ce qu'il apparaît, concédons-lui d'emblée que son petit livre est littéralement truffé ou si vous préférez entrelardé de réflexions subtiles, elles-mêmes étayées de faits des plus concrets.
Las, de cette charmante lecture, nous retirons l'impression très nette qu'il hésite à trancher entre ceux qu'il nomme les chimistes fous et les chimistes sages. Pire peut-être, il nous est apparu qu'il tend à confondre, peut-être intentionnellement, les uns et les autres. Et à ranger les alchimistes plutôt parmi les premiers...
C'est ainsi qu'après avoir admis très volontiers que le chimiste est sage, quand il sait l'histoire de sa science, nous lisons un peu effaré, il est vrai, que pour lui "le chimiste sage sait que sa science plonge ses racines dans l'alchimie, où la folie côtoie la sagesse." Mais en fait on s'aperçoit assez vite que dans son esprit, la science est d'invention récente...
Et plus précisément de Lavoisier et du XVIIIème siècle, pour ce qui concerne l'ancienne philosophie naturelle ou physique. Donc This en dépit de ses affirmations nous apparaît bien tout ignorer de l'Alchimie, dans son opuscule par ailleurs si intellectuellement stimulant.
Et c'est sans doute bien dommage, car cette Science aurait pu aider Hervé à répondre à cette question qu'il se pose à bon escient: "Serait-il fou de croire à une énergie vitale d'une nature qui échapperait à la chimie?"
Ou à cette autre: "Le chimiste est-il sage, quand le propre de sa science est la transformation de la matière?"
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