Nous avons certes déjà rencontré Julien Champagne en copiste:
http://www.archerjulienchampagne.com/article-2131079.html
A-t-il écrit lui-même un traité d'alchimie? Nous le saurons peut-être "un jour ou l'autre." En tout cas, le voici, en 1912-1913, tout occupé de traduire et de présenter un ouvrage peu connu de science hermétique: le manuscrit Yardley, joignant d'ailleurs à son travail une notice bibliographique extraite du catalogue N°5 de son ami et vraisemblablement employeur Pierre Dujols (mars 1913).
Sans doute n'est-il pas anodin de relever, grâce à Vérax, le fait qu'à cette époque, il connaît déjà Fulcanelli depuis plus d'un lustre et a quelques années auparavant réalisé pour lui divers tableaux et gravures, dont le frontispice du Mystère des Cathédrales, publié dès 1912 dans un catalogue de la librairie Chacornac:
http://www.archerjulienchampagne.com/article-3308771.html
Un Fulcanelli d'ailleurs très anglophile, puisque les seules "demeures philosophales" non françaises faisant dans ses ouvrages l'objet d'illustrations de Champagne sont à l'heure actuelle précisément britanniques.
Et un Fulcanelli ami de "l'illustre Berthelot", Julien dixit, lequel pour s'entourer de conseils avisés sur son travail vraisemblablement destiné à l'édition fait appel à un élève de l'auteur de L'origine de l'Alchimie, le comte de Belfort de la Roque, qui je l'avoue est pour moi un parfait inconnu à l'heure actuelle.
Quant à madame Paul Vulliaud, Annie Sullivan, dont du même coup nous apprenons que Julien Champagne en fut un familier, au point de la consulter également, elle ne nous avait jusqu'alors laissé de souvenir que par le truchement de son époux, auteur notamment du Cantique des cantiques (1925) et de La fin du monde (posthume, 1952).
Pour en venir à ce fameux manuscrit Yardley, il nous est impossible de ne pas relever également le fait que Fulcanelli le mentionne au chapitre "alchimie et spagyrie" de son second livre hermétique:
"Parmi les archimistes ayant utilisé l'or pour l'augmenter, à l'aide de formules qui les conduisirent au succès, nous citerons Yardley, inventeur anglais d'un procédé transmis à M. Garden, gantier à Londres, en 1716, puis communiqué par M. Ferdinand Hockley au docteur Sigismond Bacstrom, et qui fit l'objet d'une lettre de celui-ci à M. L. Sand, en 1804."
Fulcanelli en profite d'ailleurs pour préciser, en "footnote", que le docteur Bacstrom fut affilié à la Société hermétique fondée par l'Adepte de Chazal, qui habitait l'île Maurice, dans l'océan Indien, à l'époque de la Révolution française.
Or Bacstrom (1750?-1805) est un alchimiste bien connu, au moins en Angleterre et comme disait Eugène Canseliet de tous les "Anglais d'Amérique" et d'ailleurs.
Son Anthologie alchimique en particulier a été publiée dès 1960 (à petit tirage, certes) et régulièrement rééditée depuis, et reste disponible pour le public anglophone:
http://ramsdigital.com/author/Bacstrom.html
Et si on veut bien accorder crédit à la notice biographique ci-dessus, il paraît évident qu'il ait détenu entre autres manuscrits alchimiques une oeuvre de John Yardley.
Une partie au moins de la collection Bacstrom de manuscrits alchimiques fut au siècle dernier acquise par l'hermétiste nord-américain Manly Palmer Hall, et il semble bien que celui de Yardley ait été du nombre:
http://www.alchemywebsite.com/almss16.html
Né au Canada, Manly P. Hall (1901-1990) est d'ailleurs un auteur réputé outre-Atlantique où il a notamment fondé en 1934 une société hermétisante, voire alchimisante: la Philosophical Research Society (PRS).
http://en.wikipedia.org/wiki/Manly_Palmer_Hall
http://prs.org/mphbio.htm
Son ouvrage le plus connu reste un texte de jeunesse, The secret teaching of all ages (1928).
http://www.sacred-texts.com/eso/sta/index.htm
En 1976, il a cependant aussi publié Orders of the Great Work, qui est sans doute son titre le plus alchimique:
http://www.amazon.com/Orders-Great-Work-Alchemy-Manly/dp/0893145343
En 1986, la PRS a rassemblé en volume les livres et manuscrits alchimiques de la collection Hall. Le manuscrit Yardley y figure bien et compte tenu de l'orthographe du nom de son auteur occupe même la dernière place du catalogue, dont je vous livre "ex abrupto" le détail de la notice:
"The processes of Mr. John Yardley of Worcester:
This is a series of recipes for the "acuation" of mercury, represented as the principal and fundamental step in the transmutation of metals. The idea proceeds "from the foundation of the Process of the celebrated Irenaeus Philatheta and Philatheta Philoponus, "as discovered by John Yardley, "a glover of Worcester, communicated by him in a Letter in the year 1716."
After many failures in experiments, starting from his youth, Yardley finally abandoned the use of animal and vegetable substances for work only with the strictly metallic. He concludes:
"All what I write here is certain and true, and has often been done by me, and I can say, that it has been given to me by the Giver of every Good and perfect Gift."
Nothing else is known of the glover of Worcester. He is mentionned in one of the Bacstrom papers in the Mellon collection."
Grâce à la charmante et érudite libraire parisienne Florence de Chastenay, nous avons pu vérifier récemment l'exactitude de la citation d"Hubert."
Dans sa thèse de doctorat tirée à petit nombre, René Allendy fait montre d'une science certaine, s'agissant notamment des symboles alchimiques figurant à l'entrée de Notre-Dame de Paris. C'est à Guillaume de Sildy, un des architectes de la cathédrale, précise-t-il, qu'on en serait redevable.
Mais voici la suite de la citation concernant le document Hockley, qui elle non plus ne manque pas de sel:
"Il est dit dans ce document que la Société (de la Rose-Croix) existe depuis plus de deux siècles et demi, c'est-à-dire au moins depuis 1540; qu'elle se sépara de la franc-maçonnerie avec laquelle elle était d'abord unie.
On lit, dans ce document, que les membres de la R.-C. avaient l'obligation de tenir leur Société secrète, d'initier avant leur mort un ou deux disciples, hommes ou femmes, de garder une apparence pauvre, de fuir la renommée, et de faire la charité secrètement."
Si Julien Champagne avoue modestement s'être fait aider sur le strict plan linguistique, il n'en demeure pas moins que la qualité proprement alchimique du manuscrit recopié et traduit lui a semblé suffisante à lui aussi pour justifier de sa part un labeur des plus significatifs.
Que nous dit-il d'important à ce sujet dans sa brève, voire laconique introduction? Pour lui, il est indéniable que Yardley a connu le processus du Grand OEuvre dans son entier.
Je remarquerai ensuite qu'il conseille pour profiter de la lecture de ce texte de s'être imprégné au préalable, et même d'avoir "confronté" entre eux les philosophes ou alchimistes classiques.
Il affirme encore qu'il manque ici (comme souvent) deux points essentiels: le début et la fin. Enfin, il estime que "le mercure commun est le sujet initial de la pierre des philosophes."
Quant aux procédés de Yardley, dont hélas je ne puis dans le cadre de ce court article vous présenter qu'un aperçu des plus elliptiques, je remarque surtout qu'après avoir lu tous les auteurs, il a principalement conclu de ses nombreux échecs préalables ce qui suit:
"Ayant été dans ma jeunesse un fervent d'expériences chimiques, lesquelles ne m'ont pas servi à grand-chose, j'ai trouvé enfin que l'OEuvre fondamentale ne pouvait être accomplie, relativement à l'amélioration des métaux, qu'en des choses d'espèce et de nature métalliques, parce que par et dans les métaux les métaux doivent être perfectionnés."
Avant d'en terminer, en ce jour béni de la sainte Lucie, je m'en voudrais de ne pas signaler "à la foule nombreuse" des curieux de l'Art une nouvelle et heureuse initiative des éditions Arqa de Thierry Emmanuel Garnier, lesquelles après avoir édité cette année le livre de mon ami Jean Artero sur Fulcanelli viennent de clore le cycle calendaire et astral sur un coup d'éclat, qu'il convient de saluer comme il se doit.
Quelle bonne idée, en effet, que celle d'offrir à nouveau aux amateurs et aux étudiants le texte souvent méconnu d'André Savoret, ami d'Eugène Canseliet, sur l'alchimie!
Publié en 1947, peu après les Deux logis du "Maître de Savignies", il n'a été repris jusqu'alors qu'en recueil (Alchimie, Albin Michel, 1978, et Dervy, 1996).
http://thot-arqa.org/boutique/boutique.html
Pour le druide Savoret, rappelons-le hinc et nunc, "l'alchimie vraie, l'alchimie traditionnelle, est la connaissance des lois de la vie dans l'homme et dans la nature et la reconstitution du processus par lequel cette vie, adultérée ici-bas par la chute adamique, a perdu et peut recouvrer sa pureté, sa plendeur, sa plénitude et ses prérogatives primordiales:
Ce qui, dans l'homme moral s'appelle rédemption ou régénération; réincrudation dans l'homme physique; purification et perfection dans la nature, enfin dans le règne minéral proprement dit, quintessenciation et transmutation."
Hélas finalement - good news, bad news - je viens d'apprendre qu'une de nos trop rares alchimistes contemporaines, et j'ai nommé Tanya, vient de quitter le plan terrestre.
Françoise Burel, des éditions Ramuel, puiqu'il s'agit de toi et de tout ce que tu as fait pour l'alchimie, je te dédie cet articulet.
http://www.ramuel.com/
Et notre poète alchimiste de service (j'ai nommé Joker de Carreau) ne m'en voudra pas j'espère si je dépose encore aux pieds de Tanya cette rose bleue de sa composition, des plus naturelles et à la fois des plus surnaturelles:
De tous temps l’Alchimie fut une science divine,
Et aujourd’hui encore, en alcôves secrètes,
D’anonymes artistes, sans qu’on ne le devine,
Font éclore des pierres une Lumière discrète.
http://ora-et-labora.frenchboard.com/alchimie-sujets-varies-f10/alchimique-attitude-t64.htm
Un abrazo, Tanya et joyeux Noël à chacune et à chacun d'entre nous.
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