A chacun et chacune, excellente année 2009, emplie comme il se doit de pantagruèleries, et donc hermétique et alchimique à souhait.
Qu'en particulier Mars et Vénus, vêtus ou non et éveillés ou pas, telle ici cette Vénus endormie, vous soient propices, aux unes et aux autres. Et que diantre ferait Vénus sans son Mars, et réciproques amants.
En cette saint Jean d'hiver où je commence à rédiger pour notre plaisir à tous, à ce que je veux croire, et peut-être aussi pour l'instruction de certains de nos frères et soeurs, mon petit article actuellement mensuel, je voudrais tout de go réexprimer ma sincère gratitude à David, pour m'avoir récemment remémoré l'existence du spectaculaire recueil La danse de la mort, consacré en 1976 par la Galerie de Seine à Jorge Camacho.
Comme nous avons déjà rendu justice à l'excellent poète et peintre cubain:
http://www.archerjulienchampagne.com/article-3409533.html
je voudrais ce jour m'intéresser avec vous principalement à la substantielle et donc rabelaisienne introduction de René Alleau à ce livret, qui est tout bonnement intitulée Hypnos et Thanatos, ou le Philosophe dans le paysage.
Quand j'ai vu pour la première fois, nous explique Alleau, les tableaux de Jorge Camacho sur ce thème de "la danse de la mort", ce n'est pas l'imagerie macabre du XVe siècle qu'évoqua ma mémoire mais, aussitôt et comme spontanément, l'admirable gravure de Giulio Campagnola (1482-1515): "Le philosophe hermétique dans le paysage"
(1509).
Cette gravure, souvent intitulée également L'astrologue, et reproduite ci-dessus, inspire alors à René les commentaires suivants:
"Le critique allemand G.F. Hartlaub, l'un des mieux informés des relations étroites de la peinture et de la gravure de la Renaissance avec l'alchimie et la "Haute Science" hermétique, ne nous apprend pourtant presque rien sur la signification ésotérique et initatique de ce chef-d'oeuvre (Der Stein der Weisen, München, 1959). Il se borne à le rapprocher du célèbre tableau "Les trois Philosophes" de Giorgione, dont Campagnola aurait gravé sur cuivre des motifs picturaux.
Constatons d'abord, poursuit René Alleau, des faits assez évidents. Après un siècle de mutisme total des ténors universitaires "positivistes" à propos des rapports entre l'ésotérisme hermétique et l'art de la Renaissance, les travaux érudits d'Albert-Marie Schmidt, de Paul Arnold, de François Secret en France, de Van Lennep en Belgique, ont montré de façon irréfutable historiquement et philosophiquement le rôle capital de la "Haute Science" dans la poésie, la gravure et la peinture de cette époque."
Et de se livrer alors à une analyse détaillée de la gravure, que je suis tenté de qualifier de saturnienne et à laquelle je me permets de vous renvoyer sans autre forme de procès, car si elle vaut le détour, mon propos de ce jour se situe...ailleurs.
Dans un premier temps cependant, je noterai avec vous que l'auteur inspiré d'Aspects de l'alchimie traditionnelle eût pu également, mais sans doute a-t-il jugé cela superfétatoire, citer en référence à l'appui de sa thèse ô combien pertinente les travaux de Fulcanelli sur l'art monumental et la statuaire de la Renaissance, comme du Moyen Age d'ailleurs.
Mais surtout, et pour en venir au fait, comment a-t-il pu ne pas relever, ne serait-ce qu'in-petto, la similitude de nom que chacun constatera avec nous, entre Giulio Campagnola et Julien Champagne? Nul doute à mon avis qu'elle eût également frappé ce jeune berger si négligemment appuyé sur un tronc de chêne, mais aussi tellement attentif, n'en doutons pas, à l'enseignement du vieil art.
Dans son savant ouvrage sur Le laboratoire alchimique (Guy Trédaniel, 1981, traduit depuis en italien et espagnol), Atorène s'est penché assidument sur ce genre de coïncidences, qui sont sans doute autant de clins d'oeil des Parques.
Si ce terrain, assure-t-il, ne s'avère pas très alchimique, ce qui à mon sens serait tout de même à démontrer, il n'en contribuera pas moins à décaler l'étudiant de la réalité ordinaire. De cette réalité qui quelque part nous retient captifs, ajouterai-je.
Là encore je ne m'appesantirai pas sur la plupart des exemples qu'il prend, et dont Richard Khaitzine vient encore de se faire l'écho dans son récent livre Comprendre l'alchimie (Médiadit, 2008).
Mais tout de même, comment ne pas relever une autre homonymie, celle qui à quelques siècles ou décennies de distance là encore rapproche Eugène Canseliet, ami de Julien Champagne, de Francisco Cancellieri (1751-1826).
Cet autre Transalpin a en particulier, comme notre compatriote, disserté sur l'alchimique villa Palombara de Rome. Les deux ouvrages datent respectivement de 1806 (Dissertazioni con le bizarre iscrizioni della villa Palombara, Rome)
et 1945 (Deux logis alchimiques, Paris).
Si nous voulons bien nous laisser prendre la main par l'ange de l'intuition, notre récolte n'en sera que plus fructueuse, et on ne pourra qu'être frappés, au demeurant, du fait que comme Cancielleri et Canseliet nous ont surtout légué des oeuvres écrites, Campagnola et Champagne sont d'abord peintres et graveurs. Et ces derniers du moins, si l'on veut bien suivre Alleau et très modestement votre serviteur, sont de surcroît tous deux des artistes hermétiques.
Dans un ordre d'idées voisin, Paul Le Cour cité par Jean Artero dans son ouvrage nouvellement paru Présence de Fulcanelli (Arqa, 2008), estimait déjà que les noms portés par certains hommes semblent avoir été parfois préparés de longue date, par on ne sait quel destin, afin de servir de devise à ceux auxquels ils étaient destinés.
Mais à tout seigneur tout honneur, et puisque voici désormais que Julien Champagne invite lui-même sur son site son compère Giulio Campagnola, disons quelques mots de ce dernier. Nous baptisera-t-il dans l'eau comme Jean Baptiste, ou comme le Christ Sauveur dans le feu?
A l'instar de Julien, Giulio est assez mal connu, disons plutôt d'ailleurs: méconnu. Sur la grande toile du réseau d'Ariane, il est cependant possible de recueillir suffisamment d'informations pour se faire une petite idée de ce que fut sa vie, et son oeuvre:
http://en.wikipedia.org/wiki/Giulio_Campagnola
http://www.spamula.net/blog/archives/000339.html
Je relèverai également quelques unes des études qui lui ont été consacrées, que ce fût totalement (Emile Galichon, Giulio Campagnola, peintre graveur du XVIème siècle, Claye, 1862; Paul Kristeller, Giulio Campagnola, Kupferstiche und Zeichnungen, Cassirer, Berlin, 1907) ou en partie (Georges Duplessis, Les merveilles de la gravure, Hachette, 1869, 1871, 1877, 1882...).
On ne peut pas ne pas être immédiatement frappé au premier abord par le fait que, comme Champagne, Campagnola fut un artiste éclectique, linguiste talentueux, poète, et musicien notamment.
Il existe entre eux un point commun supplémentaire, si j'ai bien compris, qui est que les dessins de l'un comme de l'autre nous sont partiellement parvenus, alors que leurs peintures présentement recensées sont totalement ou presque totalement inexistantes.
Enfin, avant de vous laisser vous en aller, et si possible vous envoler sur les ailes de l'aigle, clairvoyantes et clairvoyants, je souhaite appeler votre attention sur l'influence sur Guilio Campagnola d'un certain Andrea Mantegna, qu'il semble bien avoir pu cotoyer, au demeurant, Mantegna sur l'oeuvre duquel François Trojani nous a gratifié naguère d'une belle étude, à la fois historique, tarologique et alchimique (Suite d'estampes de la Renaissance italienne dite Tarots de Mantegna, ou jeu du gouvernement du monde au Quattrocento, Seydoux, 1985).
Et puisque nous voici dans une période faste, et donc de charité romaine, je ne peux en définitive faire moins que de vous signaler la parution récente en Italie d'une nouvelle édition du Mystère des Cathédrales de Fulcanelli, dont je sais gré à Nemo Captain de me l'avoir signalée il n'y a guère.
Elle est due à l'heureuse initiative du regretté Paolo Lucarelli, et est parue en 2005 aux éditions Mediterranee de Rome, toute parée des dessins originaux d'un certain Julien Champagne.
Voici donc à tous égards une démarche que je trouve exemplaire pour ma part, et dont on ne peut que souhaiter vivement qu'elle soit imitée, ici comme ailleurs.
http://www.zen-it.com/ermes/Lucarelli/introfulcanelli.htm
La mort a dansé l'année achevée. D'immortelle vie point l'année nouvelle. Au gui l'an neuf! Ou comment disent nos amis les druides: O Ghel an Heu: Que le blé germe, que le blé lève.
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