Fulcanelli ne le cite que dans Le Mystère des Cathédrales. Et pourtant son empreinte s'étend bien au-delà de ces quelques mentions, et marque également, en particulier, certains passages des Demeures Philosophales du même auteur.
Je veux parler ici des travaux pour le moins non conformistes du docteur Gustave-Joseph Witkowski (1844-1923), dont vous constaterez avec moi qu'il est pratiquement un contemporain du mentor de Julien Champagne et d'Eugène Canseliet.
Je ne vais pas me livrer ici à une étude bio-bibliographique de ce médecin littérateur, actuellement bien oublié, mais que nous avons déjà rencontré lors de notre article Jean Schemit éditeur de Champagne (30 avril 2006).
En effet, cet auteur méconnu qui signant G.J. s'est parfois vu gratifier du prénom de Jules ou de Jean, et dont le troisième "petit nom" était Alphonse, a comme Fulcanelli à l'origine été publié par Schemit.
J'ai déjà rappelé les titres de ces principaux ouvrages, du moins de ceux qui ont attiré sur leur rédacteur l'attention de certains ésotéristes avertis; ce sont précisément ceux que Schemit, probablement averti lui-même, a publiés.
L'art profane à l'église comporte en fait deux parties: France, 1908, dont nous voyons ici la page de garde, et Etranger (même année). La première partie a été réimprimée par Nabu Press (Etats-Unis) en 2010 et 2011.
http://www.uread.com/book/lart-profane-lglise-gustave-joseph/9781142885045
Présenté comme son complément, L'art chrétien, ses licences suivra en 1912, toujours chez Schemit.
Parfois licencieux en effet, ces trois livres, qui avaient été précédés des Seins dans l'histoire (Maloine, 1903) et des Seins à l'église (Maloine, 1907), visent en fait surtout à montrer que l'art religieux ne parvient pas toujours à s'abstraire - et heureusement estime manifestement Witkowski - des pesanteurs de la chair pour s'élever d'entrée de jeu dans les sphères célestes.
Que leur auteur fut friand chasseur d'images équivoques ou scabreuses est incontestable. Il n'empêche que le résultat de cette quête constitue un ensemble où, pour reprendre l'expression d'Eugène Canseliet, "iconographie et texte uniquement axés sur le bizarre et semblablement étrangers à l'édification, sont riches, très souvent, de cet hermétisme que Jean Schemit avait décelé, avec autant de conviction que de sagesse."
Soyons honnête cependant, et reconnaissons que si l'on excepte ses trois publications schemitiennes, le distingué et prolifique docteur n'a guère bouleversé les annales médicales et littéraires:
http://ucsfcat.ucsf.edu:2082/search/a?Witkowski%2C+G.-J.+(Gustave+Joseph)%2C+1844-1923
Aussi prenons congé de son individualité terrestre, en saluant son érudition et également son humour, certes noir, d'un genre que n'aurait probablement pas désavoué un Julien Champagne.
Voici donc le faire-part "anticipé" de décès qu'il rédigea à son propre usage, et qui figure dans le post-scriptum de son Art chrétien.
Et prenons avec Fulcanelli et son dessinateur le chemin du mausolée François II de Nantes, dessiné par Jean Perréal et sculpté par Michel Colombe,qui fait l'objet de tout un chapitre des Demeures Philosophales.
Witkowski dans son Art profane à l'église y traite bien de la statue représentant la force, que nous avons brièvement étudiée en son temps (Champagne force aimant, 11 mars 2006).
A l'époque, Nantes était en Loire-Inférieure, et c'est donc à propos de ce département que notre libertin de toubib aborde vaillamment, mais très précisément, la cathédrale Saint-Pierre et ce tombeau:
"Aux angles du tombeau de François II, duc de Bretagne, et de Marguerite de Foix, sa seconde femme, les quatre Vertus cardinales se tiennent debout.
C'est la Justice, sous les traits de la fille des défunts, Anne de Bretagne; puis la Force, la Prudence, et la Sagesse qui a un double visage de jeune femme et de vieillard.
La force porte sur chaque sein un soleil, la source de toutes les forces vives et créatrices de la Nature (figure 329)."
Cette figure, dont il est inutile désormais de se demander pourquoi elle a été choisie plutôt que d'autres, a été dessinée vraisemblablement par G.A. Payraud, d'après nous explique Witkowski l'Iconographie de Monseigneur Barbier de Montault.
C'est curieusement encore la force - il est vrai un des chefs-d'oeuvre et de Colombe et de Champagne - qui sera choisie pour illustrer seule le même monument dans le remarquable petit livre de Josane Charpentier, compagne de Louis Charpentier, auteur notamment des Mystères de la cathédrale de Chartres (Laffont, 1985).
Je veux parler de La France des lieux et demeures alchimiques (Retz, 1980). Préfacé par Eugène Canseliet, qui était un ami du couple, et peut-être illustré par sa fille Isabelle Canseliet, cet ouvrage gagnerait à mon avis à être repris dans une perspective plus large, vraisemblablement européenne.
Voici pour terminer ce que dit Josane de la force ainsi statufiée:
"La tête couverte d'un casque au mufle de lion, la Force porte un corselet d'armure finement ciselé.
Elle tient de la main gauche une tour, tandis que de la droite, elle en arrache un petit dragon ailé, tout en lui tordant le cou.
Pour l'alchimiste, ce dragon représente la matière première, volatile, qu'on appelle mercure commun. On peut donc considérer la tour comme l'enveloppe, la gangue ou la minière du dragon, voire son refuge, d'où il faudra l'extraire, même en employant la force, tel qu'on sépare le mercure de la matière brute.
Cette interprétation se trouve en quelque sorte confirmée, car elle porte sur ses bras une longue écharpe: elle s'est donc dévoilée et laisse supposer un sens caché, qu'il importe de découvrir.
On remarque également que les écailles, sur la gorgerette de la cuirasse, rappellent celles du dragon. Et des écailles de poisson sont disposées en demi-cercle autour de la taille. Or, le poisson est le symbole du soufre, comme le dragon est un emblème mercuriel."
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