Dans mon pensum d'il y a quelques semaines sur Guaïta:
http://www.archerjulienchampagne.com/article-5348400.html
je n'avais pas pu aller aussi loin que je le souhaitais dans mes commentaires sur l'exemplaire récemment vendu par la librairie parisienne L'Intersigne de l'ouvrage La Clef de la Genèse, ouvrage provenant de la bibliothèque de Jules Boucher et annoté par Julien Champagne.
Me voici désormais muni de l'autorisation d'aller cette fois un tantinet plus avant, et donc en mesure de vous communiquer certaines des informations que j'avais pu recueillir en consultant ce livre avant que n'intervienne sa vente.
Voici d'abord, et les gourmets appelleront peut-être cela une mise en bouche, un des ex-libris de Jules Boucher qui s'y trouve, et qui serait l'oeuvre de Julien Champagne:
http://www.archerjulienchampagne.com/article-4567408.html
http://www.archerjulienchampagne.com/article-3715710.html
Bien que de qualité moyenne sur ce cliché, cette oeuvrette m'a paru digne de reproduction tant elle ressemble à celle décrite auparavant (mon article ci-dessus indiqué du 2 septembre 2006) et est donc publiée ici pour la première fois à ma connaissance.
Les deux autres extraits que j'ai l'honneur et le plaisir de vous proposer maintenant sont en fait deux annotations de Julien Champagne qui figurent en marge de ce livre. Je les ai retenues parce que dans les deux cas Julien n'a pas hésité, de nouveau, à les signer Fulcanelli, pour une raison ou une autre.
Il y a sur ce point plusieurs explications possibles, sachant que je récuse de plus en plus l'idée de l'identité Fulcanelli-Champagne.
On pourrait aussi penser à un faux postérieur, par exemple de Jules Boucher. Enfin, je mentionnerai l'hypothèse d'une affabulation de Champagne, sans toutefois écarter la thèse d'une citation de Fulcanelli par "Hubert", après tout le livre de Guaïta est paru en 1920.
Mais trêve de suppositions pour l'instant, faisons place aux faits. Voici d'abord une première assertion de Guaïta:
"Au laboratoire, et dans leur acception la plus large, le Mercure est une fumée blanche, le Soufre une graisse agglutinante, et le Sel un acide.
L'Azoth des Sages, synthèse des trois, consiste en un menstrue, l'Alchaëst ou dissolvant des métaux, qui ramène ceux-ci à leur première substance et met leur sperme androgynique en liberté."
Et Champagne-Fulcanelli, soulignant "l'Azoth" et "l'Alchaëst ou dissolvant des métaux" s'exclame:
"Erreur! L'alcaest n'est pas l'Azoth. Il y a entre eux la différence du mercure vulgaire au mercure philosophique. Il suffit de cuire l'azoth pour obtenir la pierre, tandis que l'alcaest est seulement le premier dissolvant.
Par l'action de l'alcaest sur le métal on obtient l'humide radical qui fournira ensuite l'azoth."
Deuxième passage de Guaïta:
"Cependant, sous l'influence combinée de la chaleur et du temps, une série de phénomènes parfaitement déterminés se manifeste dans l'oeuf.
Les phases de volatilisation partielle, de fixation et de déliquescence de la matière alternent comme il convient, tandis que cette matière affecte successivement des teintes caractéristiques, dont l'apparition dans l'ordre voulu atteste à l'adepte qu'il n'a pas dévié du droit chemin.
Les couleurs principales se succèdent dans l'ordre suivant: le noir (corruption, tête de corbeau), le blanc (ablution, terre blanche feuillée, petit Elixir), et le rouge (grand Elixir ou pierre philosophale),etc."
Marquant tout ce passage, Fulcanelli-Champagne apprécie ainsi:
"L'auteur n'a pas pénétré le grand secret de la coction. Ce n'est pas ainsi qu'elle s'opère et au surplus, l'artiste ne voit jamais les couleurs décrites.
Personne n'a jamais révélé cette connaissance et peu de philosophes l'ont sue. Une seule couleur apparaît: le noir. Les autres n'existent qu'à l'état de symboles et non d'apparences physiques."
Auteur entre autres d'un ouvrage sur Paracelse (CAL, 1970), Guy Bechtel, aujourd'hui âgé de 76 ans, est un fin connaisseur de l'occulte et notamment de l'alchimie. Il nous a en particulier gratifié en 1974 d'un entretien avec Eugène Canseliet sur Fulcanelli qui hélas est resté en partie confidentiel (en partie seulement, puisque son résultat figure partiellement au chapitre Fulcanelli de ses Grands livres mystérieux, CAL, 1974).
Passionné aussi par "maître Stanislas", comme il l'appelle, Bechtel nous a concocté voici quelques années un essai bourré d'érudition et d'humour sur la bibliothèque de Guaïta, qu'il qualifie de façon très intéressante à mon sens de "pérégrine."
Guaïta en effet, non seulement voyageait avec certains de ses livres, mais encore avait pris soin de disperser sa bibliothèque de son vivant, entre Paris et sa Lorraine natale en particulier. Sage prudence d'ésotériste? Nous sommes ainsi de toute façon d'emblée éclairés sur le pluriel apposé par notre écrivain à la fin de l'intitulé de son étude au mot bibliothèques.
Et en tout cas, les "notules" de Bechtel, comme il les a bien modestement intitulées, raviront selon moi tous les curieux ou studieux de l'arcane, et au-delà tous les bibliophiles avertis. A condition qu'ils se hâtent, car de ce petit monument de savoir, courageusement édité en 1998 par Alain Marchiset, qui ne se contente pas d'être un fameux libraire, il ne subsiste plus à ma connaissance que quelques exemplaires neufs.
C'est de ce tirage "strictement limité" qu'est extraite la photo ci-dessus, celle qui ouvre notre article de ce jour provenant d'un catalogue Chacornac de 1912 que vous avez sans doute gardé en mémoire:
http://www.archerjulienchampagne.com/article-3308771.html
Et puisque cette soirée de la sainte Rosine est décidémment placée sous le...signe des coïncidences qui n'en sont pas, j'espère que vous goûterez comme moi cette citation d'une partie de la conclusion de Bechtel parvenu au terme de son labeur, et philosophant sur la théorie des signatures chère à un certain Hohenheim:
"Même si ta quête est vaine, tu seras, toi, payé au centuple de ta peine: il n'est point d'objectif plus grand dans une vie que de régler les rapports des signes entre eux.
Certains appellent cela Musique, d'autres Poésie..." Et nous, cher Guy Bechtel, Alchimie.
In cauda venenum,
(HA)RCHER