L'érudit Pierre Dujols (1862-1926) et sa femme furent sans aucun doute deux amis proches de Julien Champagne.
Ouvrons cette fois le "Fulcanelli, qui suis-je?" de Patrick Rivière (Pardès, 2004): "A peine ses études terminées aux Beaux-Arts, en 1900, Julien Champagne fréquenta la Librairie du Merveilleux, où Pierre Dujols et son épouse manifestèrent une grande sympathie à l'égard du jeune homme."
Selon Robert Ambelain, qui curieusement écrit Dujol et non Dujols, Madame Dujols en particulier, née Charton (1868-1954), qui avait des dons de voyante et un fort penchant pour l'hermétisme, prit Champagne en particulière sympathie; mais, ajoute Geneviève Dubois, elle rompit avec lui toute relation à la mort de son mari.
Propriétaire de la librairie, Dujols n'en fut pas le fondateur. Elle fut créée vers 1888 par Lucien Chamuel. Chamuel était à l'époque l'associé de Papus, que nous avons mentionné à propos de Félix Gaboriau.
Elle fut en même temps un lieu de conférences, et une maison d'édition. Elle fut en particulier à l'origine des revues L'initation et Le voile d'Isis. Elle édita aussi un bulletin trimestriel, L'écho du merveilleux.
Papus y publia sa Bibliographie raisonnée de la science occulte (1890). Sédir (Yvon Le Loup) y fut également publié pour la première fois.
La librairie fut reprise par Pierre Dujols, associé à un des frères Thomas, Alexandre, sur lequel nous reviendrons peut-être.
La Librairie du Merveilleux fut fréquentée par nombre de personnalités connues, notamment dans le domaine de l'ésotérisme, comme René Schwaller et Jules Boucher, que nous avons déjà rencontrés.
En 1880, alors que Champagne venait de naître, Pierre Dujols fut frappé d'une maladie invalidante (polyarthrite rhumatoïde) qui devait l'emporter finalement. Il se maria en 1887. Il vendit plus tard, selon Genevève Dubois, sa librairie à un certain "père Lequesne"(1912) . A compter de 1911 la maladie de Dujols s'était en effet aggravée et il dut garder le lit à partir de 1921.
Suivant l'usage de l'époque, les Dujols tenaient salon; leur salon fut fréquenté par nombre d'ésotéristes, tels Oswald Wirth, Paul Vulliaud et René Guénon, ainsi que la cantatrice Emma Calvé, car comme Champagne, notre homme adorait la musique. Dujols était également en correspondance attentionnée avec Papus.
Fulcanelli dans les Demeures Philosophales qualifie Pierre Dujols d'"érudit et savant philosophe", c'est-à-dire alchimiste, et cite de lui une Bibliographie générale des Sciences Occultes qui ne me semble pas avoir jamais été publiée, autrement que sous forme de catalogues de nos jours quasi introuvables.
Pierre Dujols était en fait convaincu de l'intérêt de l'alchimie non seulement spéculative, mais aussi pratique. Dubois rapporte sa cinglante réplique à Paul Le Cour sur ce point précis (Le Cour qui si on en croit Richard Caron, dans sa postface à l'édition par Bailly en 1998 des Deux Logis Alchimiques d'Eugène Canseliet aurait rencontré Dujols au début des années 1920).
L'aide en alchimie de Pierre Dujols, Louis ou Lucien Faugeron, essaya de poursuivre ses travaux de laboratoire après sa mort, mais était dépourvu des connaissances nécessaires, et Eugène Canseliet relate dans ses Alchimiques mémoires ( de la revue La Tourbe des Philosophes) qu'il mourut dans la misère après le second conflit mondial (1947).
Un autre disciple en alchimie de Pierre Dujols aurait été Georges Richer (Auriger), suivant Robert Amadou dans Le feu du soleil. Citons aussi Henri Coton...
L'écrit majeur de Pierre Dujols semble bien être son explication des planches d'un célèbre traité français d'alchimie, le Mutus Liber, parue chez Emile Nourry en 1914 (Le livre d'images sans paroles). Il a été réédité en 1971 en même temps que Le triomphe hermétique de Limojon de Saint-Didier (E.P. Denoël), dans la collection Bibliotheca Hermetica dirigée par René Alleau.
Dans un de ses catalogues de 1927, Nourry mentionne également une réimpression "à petit nombre" et par lui-même, qu'il date de 1920.
On trouvera le texte de cette "hypotypose" au Mutus Liber, sur l'excellent site de Roland Soyer; j'en indique la page exacte car elle n'est pas aisée à trouver:
http://www.livres-mystiques.com/Temoignage/Alchimie/auteurs/auteurs.html
Dans ses Deux Logis Alchimiques, Eugène Canseliet reproduit la dédicace écrite en 1920 par Pierre Dujols à Fulcanelli de son introduction au Mutus Liber:
"Ouverte aux ingénieux,
Et scellée pour les sots,
Je t'offre cette lecture,
Pour nous élucidée."
Canseliet ajoute, cher Walter Grosse, que "Fulcanelli naquit un quart de siècle avant Pierre Dujols." Et dans sa notice bibliographique N°1 d'avril 1912, consacrée au Cours de Philosophie Hermétique de Louis François Cambriel, le libraire du merveilleux lui-même affirme:
"C'est toujours par des voies mystérieuses que les vrais élus sont recrutés par l'Invisible, ainsi que nous en avons une preuve chez un de nos amis, véritable adepte contemporain, qui a obtenu de l'or philosophal dont nous possédons une intéressante parcelle."
http://maxjulienchampagne.over-blog.it/article-julien-champagne-et-le-libraire-du-merveilleux-35787942.html
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