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  • : Site consacré à l'artiste français Julien Champagne (1877-1932), à sa vie et à ses oeuvres.
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...consacré à l'artiste français Julien Champagne (1877-1932), à sa vie et à ses oeuvres.


Peintre et dessinateur, Julien Champagne est surtout connu de nos jours pour avoir illustré les ouvrages de Fulcanelli, un mystérieux alchimiste contemporain.

Et pourtant, il figure au Bénézit, la "Bible" internationale des créateurs. Et suivant son ami Eugène Canseliet, il fut bien un maître du pinceau et du crayon.

C'est à la découverte de cet artiste méconnu, mais profondément attachant, que je voudrais vous inviter. Je voudrais aussi vous demander de ne pas hésiter à enrichir mes articles de vos propres commentaires et de vos découvertes personnelles.

Bon voyage donc au pays légendaire de Julien Champagne.

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29 septembre 2006 5 29 /09 /septembre /2006 13:18


La sixième série des caissons alchimiques de la galerie haute du chateau de Dampierre-sur-Boutonne, dessinée par Julien Champagne, constitue la planche XXXI de l'édition originale des Demeures Philosophales de Fulcanelli.

Ce dessin de Julien Champagne est également reproduit dans l'édition Pauvert, où la planche correspondante porte le numéro XXXIII. Passons comme à l'accoutumée ces caissons en revue, l'un après l'autre.


"Là où Louis Audiat reconnaît la figure de Dieu le Père, nous voyons simplement celle d'un centaure, qu'une banderole, portant les sigles du sénat et du peuple romain, cache à demi. Le tout porte un étendard dont la hampe est solidement fichée en terre", explique Fulcanelli.

"Il s'agit donc bien, poursuit-il, d'une enseigne romaine, et l'on peut conclure que le sol sur lequel elle flotte est lui-même romain. D'ailleurs, les lettres .S.P.Q.R. abréviatives des mots Senatus PopulusQue Romanus accompagnent ordinairement les aigles et forment, avec la croix, les armes de la Ville éternelle."

Pour cet auteur, les alchimistes nomment terre romaine et vitriol romain la substance terrestre qui fournit le dissolvant des Sages, sans lequel il serait impossible de réduire les métaux en eau mercurielle, ou, si l'on préfère, en vitriol philosophique.

Fulcanelli semble alors indiquer que ce vitriol est double, et cite à ce propos Basile Valentin: "L'on peut, de Mars et de Vénus, faire un magnifique vitriol dans lequel les trois principes se rencontrent, lesquels servent souvent à l'enfantement et production de notre pierre."


Le sujet de ce bas-relief est assez singulier, selon Fulcanelli. "On y voit un jeune gladiateur, presque un enfant, s'acharnant à taillader, à grands coups d'épée, une ruche emplie de gâteaux de miel et dont il a ôté le couvercle. Deux mots en composent l'enseigne: .MELITVS.GLADIVS. Le glaive miellé."

Pour l'auteur, cet acte bizarre d'adolescent fougueux et emporté, livrant bataille aux abeilles comme Don Quichotte à ses moulins, n'est au fond que la traduction symbolique du premier travail, variante originale du thème si connu et si souvent exploité en hermétisme, le frappement du rocher.

"Le gladiateur tient la place de l'alchimiste. La jeunesse du personnage exprime cette simplicité qu'il faut savoir observer tout au long de l'ouvrage. D'autre part, si l'Adepte de Dampierre accorde la préférence au gladiateur, c'est pour signifier que l'artiste doit travailler ou combattre seul contre la matière."

Quant à la ruche, elle doit le privilège de figurer la pierre à cet artifice cabalistique qui fait dériver ruche de roche par permutation de voyelles.

"Les maîtres de l'art nous affirment qu'il faut commencer par frapper la pierre, roche ou ruche, qui est notre matière première, avec l'épée magique du feu secret, afin de déterminer l'écoulement de cette eau précieuse qu'elle renferme dans son sein. Car le sujet des sages n'est guère qu'une eau congelée."


"Le soleil, perçant les nues, darde ses rayons vers un nid de farlouse, contenant un petit oeuf et posé sur un tertre gazonné. Le phylactère, qui donne au bas-relief sa signification, porte l'inscription: .NEC.TE.NEC.SINE.TE. Non pas toi, mais rien sans toi."

Allusion au soleil, père de la pierre, suivant Hermès et la pluralité des philosophes hermétiques, avance Fulcanelli.

"L'astre symbolique, figuré dans sa splendeur radiante, tient la place du soleil métallique, ou soufre."

C'est ce soufre, conjoint au mercure, qui collabore à la génération de l'oeuf des philosophes en lui donnant la faculté végétative.

"Ce père réel de la pierre est donc indépendant d'elle, puisque la pierre provient de lui, d'où la première partie de l'axiome: nec te; et comme il est impossible de rien obtenir sans l'aide du soufre, la seconde proposition se trouve justifiée: nec sine te."


"Clos de son étroit couvercle, la panse rebondie mais fendue, un vulgaire pot de terre remplit, de sa majesté plébéienne et lézardée, la surface de ce caisson.

Son inscription affirme que le vase dont nous voyons l'image doit s'ouvrir de lui-même et rendre manifeste, par sa destruction, l'achèvement de ce qu'il renferme: .INTVS.SOLA.FIENT.MANIFESTA.RVINA."

Ce sujet est selon Fulcanelli d'autant plus original que son symbolisme se rapporte à la voie sèche, dite encore OEuvre de Saturne, aussi rarement traduite en iconographie que décrite dans les textes.

"Basée sur l'emploi de matériaux solides et cristallisés, la voie sèche (ars brevis) exige seulement le concours du creuset et l'application de températures élevées."

Mais à l'inverse de la voie humide, dont les ustensiles de verre permettent le contrôle facile et l'observation juste, la voie sèche ne peut éclairer l'opérateur, à quelque moment qu'il soit du travail.

"Pourtant, à l'extrémité de sa carrière, l'investigateur apercevra un signe, le seul, celui dont l'apparition indique le succès et confirme la perfection du soufre par la fixation totale du mercure; ce signe consiste dans la rupture spontanée du vaisseau."


"Une main céleste, dont le bras est bardé de fer, brandit l'épée et la spatule. Sur le phylactère, on lit ces mots latins: PERCVTIAM.ET.SANABO. Je blesserai et je guérirai."

Pour Fulcanelli, l'épée qui blesse et la spatule chargée d'appliquer le baume guérisseur ne sont en vérité qu'un seul et même agent, doué du double pouvoir de tuer et de ressusciter, de mortifier et de régénérer, de détruire et d'organiser.

"L'investigateur en possession du dissolvant, seul facteur susceptible d'agir sur les corps, de les détruire et d'en extraire la semence, n'aura qu'à rechercher le sujet métallique qui lui paraîtra le mieux approprié à remplir son dessein.

Ainsi, le métal dissous, broyé, "mis en pièces", lui abandonnera ce grain fixe et pur, esprit qu'il porte en soi, gemme brillante, parée de magnifique couleur, première manifestation de la pierre des sages, Phoebus naissant et père effectif du grand Elixir."


"Un lierre est figuré enroulé autour d'un tronc d'arbre mort, dont toutes les branches ont été coupées de main d'homme. Le phylactère qui complète ce bas-relief porte les mots: .INIMICA.AMICITIA. L'amitié ennemie."

Fulcanelli estime que la pierre, c'est-à-dire le sujet minéral des philosophes, est figurée sur le présent motif par le lierre, plante vivace, d'odeur forte, nauséabonde, tandis que le métal a pour représentant l'arbre inerte et mutilé.

"Notre arbre, étant à la fois scié et étreint, nous devons penser que le créateur de ces images a désiré indiquer clairement le métal et l'action dissolvante exercée contre lui...Mais le métal, quoique entièrement attaqué, n'est solubilisé qu'en partie.

Aussi est-il recommandé de réitérer fréquemment l'affusion de l'eau sur le corps, pour en extraire le soufre ou la semence "qui fait toute l'énergie de notre pierre;"

Et le soufre métaliique reçoit la vie de son ennemi même, en réparation de son inimitié et de sa haine.

"Cette opération, que les sages ont appelée réincrudation ou retour à l'état primitif, a surtout pour objet l'acquisition du soufre et sa revivification par le mercure initial."


"Perçant les nuées, une main d'homme lance contre un rocher sept boules qui rebondissent vers elle. Ce bas-relief est orné de l'inscription: .CONCVSSVS.SVRGO. Heurté, je rebondis."

Image, commente Fulcanelli, de l'axiome hermétique Solve et coagula, dissous et coagule. Ce sont les fruits du labeur hermétique que la main céleste jette contre le rocher, emblème de la substance mercurielle.

"Chaque fois que la pierre, fixe et parfaite, est reprise par le mercure afin de s'y dissoudre, de s'y nourrir de nouveau, d'y augmenter non seulement en poids et en volume, mais encore en énergie, elle retourne par la coction à son état, à sa couleur et à son aspect primitifs."

On peut donc dire qu'après avoir touché le mercure elle revient à son point de départ.

"Ce sont ces phases de chute et d'ascension, de solution et de coagulation qui caractérisent les multiplications successives qui donnent à chaque renaissance de la pierre une puissance théorique décuple de la précédente."


"C'est un arbre mort, aux branches coupées, aux racines déchaussées, que nous présente ce bas-relief.

Il ne porte point d'inscription, mais seulement deux signes de notation alchimique gravés sur un cartouche; l'un, figure schématique du niveau, exprime le Soufre; l'autre, triangle équilatéral à sommet supérieur, désigne le Feu."

Fulcanelli rappelle ici que l'arbre desséché, que nous avons déjà rencontré ailleurs, est un symbole des métaux usuels réduits de leurs minerais et fondus, auxquels les hautes temprératures des fours métallurgiques ont fait perdre l'activité qu'ils possédaient dans leur gîte naturel.

"C'est pourquoi les philosophes les qualifient de morts et les reconnaissent impropres au travail de l'OEuvre, jusqu'à ce qu'ils soient revivifiés, ou réincrudés selon le terme consacré, par ce feu interne qui ne les abandonne jamais complètement."

Les métaux, fixés sous la forme industrielle que nous leur connaissons, gardent encore, au plus profond de leur substance, l'âme que le feu vulgaire a resserrée et condensée, mais qu'il n'a pu détruire.

"Et cette âme, les sages l'ont nommée feu ou soufre, par ce qu'elle est véritablement l'agent de toutes les mutations...Cherchez donc le soufre dans le tronc mort des métaux vulgaires, et vous obtiendrez en même temps ce feu naturel et métallique qui est la clef principale du labeur alchimique."


"Une pyramide hexagonale, faite de plaques de tôle rivées, porte accrochés à ses parois, divers emblèmes de chevalerie et d'hermétisme, pièces d'armure et pièces honorables: targes, armet, brassard, gantelets, couronne et guirlandes.

Son épigraphe est tirée d'un vers de Virgile (Enéide, XI, 641): .SIC.ITVR.AD.ASTRA. C'est ainsi qu'on s'immortalise."

Et Fulcanelli d'identifier cette construction pyramidale, dont la forme rappelle celle de l'hiéroglyphe adopté pour désigner le feu, comme nous venons de le voir, à l'Athanor, mot par lequel les alchimistes signalent le fourneau philosophique indispensable à la maturation de l'OEuvre. Mais ce fourneau n'est pas, bien entendu, celui du vulgaire.

"La matière seule étant le véhicule du feu naturel et secret, immortel agent de toutes nos réalisations, reste pour nous l'unique et véritable Athanor (du grec Athanatos, qui se renouvelle et ne meurt jamais)."

Ce feu est double, il renferme à la fois les vertus attractives, agglutinantes et organisatrices du mercure, et les propriétés siccatives, coagulantes et fixatives du soufre.

"Ainsi, la matière détruite, mortifiée puis recomposée en un nouveau corps, grâce au feu secret qu'excite celui du fourneau, s'élève graduellement à l'aide des multiplications, jusqu'à la perfection du feu pur, voilée sous la figure de l'immortel Phénix: sic itur ad astra.

De même l'ouvrier, fidèle serviteur de la nature, acquiert, avec la connaissance sublime, le haut titre de chevalier, l'estime de ses pairs, la reconnaissance de ses frères et l'honneur, plus enviable que toute la gloire mondaine, de figurer parmi les disciples d'Elie."




La cité d'Elie n'étant autre qu'Héliopolis, on comprend mieux, désormais, pourquoi Fulcanelli recommanda à son disciple Eugène Canseliet d'user à bon escient de son titre de Frère Chevalier
d'Héliopolis.

A l'occasion du centenaire de la naissance de Canseliet, un colloque lui fut dédié en 2000 à Paris, auquel votre serviteur eut le bonheur d'assister, et qui s'acheva à La Sorbonne. Il est excessivement dommage que les actes n'en aient pas été publiés.

Nous devons donc savoir gré à Pierre-Alexandre Nicolas, des Editions Arcadis, et à sa revue L'Alchimie, d'avoir dans le numéro 6 de cette dernière, partiellement pallié ce manque, au premier trimestre 2001.

http://www.lirexpress.com/advanced_search_result.php?keywords=ARCADIS&osCsid=
a4e2eb52e5c8ca552b471e82851fd6cb&x=2&y=11

Et alors à Julien Champagne, me direz-vous, aucune revue n'a encore daigné consacrer sa couverture? Si fait, si fait, mais "demain est un autre jour".




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27 septembre 2006 3 27 /09 /septembre /2006 18:54


Fulcanelli ne le cite que dans Le Mystère des Cathédrales. Et pourtant son empreinte s'étend bien au-delà de ces quelques mentions, et marque également, en particulier, certains passages des Demeures Philosophales du même auteur.

Je veux parler ici des travaux pour le moins non conformistes du docteur Gustave-Joseph Witkowski (1844-1923), dont vous constaterez avec moi qu'il est pratiquement un contemporain du mentor de Julien Champagne et d'Eugène Canseliet.

Je ne vais pas me livrer ici à une étude bio-bibliographique de ce médecin littérateur, actuellement bien oublié, mais que nous avons déjà rencontré lors de notre article Jean Schemit éditeur de Champagne (30 avril 2006).

En effet, cet auteur méconnu qui signant G.J. s'est parfois vu gratifier du prénom de Jules ou de Jean, et dont le troisième "petit nom" était Alphonse, a comme Fulcanelli à l'origine été publié par Schemit.

J'ai déjà rappelé les titres de ces principaux ouvrages, du moins de ceux qui ont attiré sur leur rédacteur l'attention de certains ésotéristes avertis; ce sont précisément ceux que Schemit, probablement averti lui-même, a publiés.

 

witkowski2010.champagne

 

L'art profane à l'église comporte en fait deux parties: France, 1908, dont nous voyons ici la page de garde, et Etranger (même année). La première partie a été réimprimée par Nabu Press (Etats-Unis) en 2010 et 2011.

http://www.uread.com/book/lart-profane-lglise-gustave-joseph/9781142885045

Présenté comme son complément, L'art chrétien, ses licences suivra en 1912, toujours chez Schemit.

Parfois licencieux en effet, ces trois livres, qui avaient été précédés des Seins dans l'histoire (Maloine, 1903) et des Seins à l'église (Maloine, 1907), visent en fait surtout à montrer que l'art religieux ne parvient pas toujours à s'abstraire - et heureusement  estime manifestement Witkowski - des pesanteurs de la chair pour s'élever d'entrée de jeu dans les sphères célestes.

Que leur auteur fut friand chasseur d'images équivoques ou scabreuses est incontestable. Il n'empêche que le résultat de cette quête constitue un ensemble où, pour reprendre l'expression d'Eugène Canseliet, "iconographie et texte uniquement axés sur le bizarre et semblablement étrangers à l'édification, sont riches, très souvent, de cet hermétisme que Jean Schemit avait décelé, avec autant de conviction que de sagesse."

Soyons honnête cependant, et reconnaissons que si l'on excepte ses trois publications schemitiennes, le distingué et prolifique docteur n'a guère bouleversé les annales médicales et littéraires:

http://ucsfcat.ucsf.edu:2082/search/a?Witkowski%2C+G.-J.+(Gustave+Joseph)%2C+1844-1923

Aussi prenons congé de son individualité terrestre, en saluant son érudition et également son humour, certes noir, d'un genre que n'aurait probablement pas désavoué un Julien Champagne.

Voici donc le faire-part "anticipé" de décès qu'il rédigea à son propre usage, et qui figure dans le post-scriptum de son Art chrétien.

 

GJW.champagne

 

Et prenons avec Fulcanelli et son dessinateur le chemin du mausolée François II de Nantes, dessiné par Jean Perréal et sculpté par Michel Colombe,qui fait l'objet de tout un chapitre des Demeures Philosophales.

Witkowski dans son Art profane à l'église y traite bien de la statue représentant la force, que nous avons brièvement étudiée en son temps (Champagne force aimant, 11 mars 2006).

A l'époque, Nantes était en Loire-Inférieure, et c'est donc à propos de ce département que notre libertin de toubib aborde vaillamment, mais très précisément, la cathédrale Saint-Pierre et ce tombeau:

"Aux angles du tombeau de François II, duc de Bretagne, et de Marguerite de Foix, sa seconde femme, les quatre Vertus cardinales se tiennent debout.

C'est la Justice, sous les traits de la fille des défunts, Anne de Bretagne; puis la Force, la Prudence, et la Sagesse qui a un double visage de jeune femme et de vieillard.

La force porte sur chaque sein un soleil, la source de toutes les forces vives et créatrices de la Nature (figure 329)."

Cette figure, dont il est inutile désormais de se demander pourquoi elle a été choisie plutôt que d'autres, a été dessinée vraisemblablement par G.A. Payraud, d'après nous explique Witkowski l'Iconographie de Monseigneur Barbier de Montault.


C'est curieusement encore la force - il est vrai un des chefs-d'oeuvre et de Colombe et de Champagne - qui sera choisie pour illustrer seule le même monument dans le remarquable petit livre de Josane Charpentier, compagne de Louis Charpentier, auteur notamment des Mystères de la cathédrale de Chartres (Laffont, 1985).

Je veux parler de La France des lieux et demeures alchimiques (Retz, 1980). Préfacé par Eugène Canseliet, qui était un ami du couple, et peut-être illustré par sa fille Isabelle Canseliet, cet ouvrage gagnerait à mon avis à être repris dans une perspective plus large, vraisemblablement européenne.


Voici pour terminer ce que dit Josane de la force ainsi statufiée:

"La tête couverte d'un casque au mufle de lion, la Force porte un corselet d'armure finement ciselé.
Elle tient de la main gauche une tour, tandis que de la droite, elle en arrache un petit dragon ailé, tout en lui tordant le cou.

Pour l'alchimiste, ce dragon représente la matière première, volatile, qu'on appelle mercure commun. On peut donc considérer la tour comme l'enveloppe, la gangue ou la minière du dragon, voire son refuge, d'où il faudra l'extraire, même en employant la force, tel qu'on sépare le mercure de la matière brute.

Cette interprétation se trouve en quelque sorte confirmée, car elle porte sur ses bras une longue écharpe: elle s'est donc dévoilée et laisse supposer un sens caché, qu'il importe de découvrir.

On remarque également que les écailles, sur la gorgerette de la cuirasse, rappellent celles du dragon. Et des écailles de poisson sont disposées en demi-cercle autour de la taille. Or, le poisson est le symbole du soufre, comme le dragon est un emblème mercuriel."



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25 septembre 2006 1 25 /09 /septembre /2006 07:33


Après notre dernier article sur le manoir lexovien de la salamandre (Etoile de Champagne, 23 septembre 2006), dont nous avions alors franchi la porte, poursuivons sans nous désunir notre chemin de promenade vers le premier étage.

"Au premier étage du manoir de Lisieux, nous explique Fulcanelli dans ses Demeures Philosophales, et taillé dans le pilier gauche de sa façade, un homme d'aspect primitif soulève et paraît vouloir emporter un écot d'assez forte dimension."

Intitulée L'Homme à l'écot du poteau cornier, la planche correspondante, dessinée par Julien Champagne, porte dans l'édition originale des Demeures le numéro IV et est remplacée dans
l'édition Pauvert par une photo sensiblement différente (planche VII).


Ce symbole, qui semble fort obscur, cache cependant pour Fulcanelli le plus important des arcanes secondaires de l'alchimie.

"L'écot dont s'est saisi cet artisan d'un autre âge ne paraît guère devoir servir qu'à son génie industrieux. Et pourtant, c'est bien là notre arbre sec."

Tel est, précise-t-il bientôt, l'hiéroglyphe adopté par les philosophes pour exprimer l'inertie métallique, c'est-à-dire l'état spécial que l'industrie humaine fait prendre aux métaux réduits et fondus.

"L'ésotérisme hermétique démontre, en effet, que les corps métalliques demeurent vivants et doués du pouvoir végétatif, tant qu'ils sont minéralisés dans leurs gîtes.

Il s'y trouvent associés à l'agent spécifique, ou esprit minéral, qui en assure la vitalité, la nutrition et l'évolution jusqu'au terme requis par la nature."

Au contraire, ajoute-t-il, les minerais qui ont subi le grillage et la fusion ne possèdent pas d'agent vital propre.

"Les sages nous disent qu'ils sont morts, du moins en apparence, parce qu'il nous est impossible, sous leur masse solide et cristallisée, d'évertuer la vie latente, cachée au profond de leur être.

Ce sont des arbres morts, bien qu'ils recèlent encore un reste d'humidité, lesquels ne donneront plus de feuilles, de fleurs, de fruits, ni surtout, de semence."


Que faire à ce stade? Fulcanelli explique que la réincrudation qu'il s'agit opérer ne peut consister en un retour pur et simple du métal à son état primitif.

En effet, rappelle-t-il, suivant un axiome philosophique souvent énoncé, les corps n'ont point d'action sur les corps. Seuls les esprits sont actifs et agissants.

"L'animation du métal est réalisée par cet agent vital dont nous avons parlé. C'est lui l'esprit qui s'est enfui du corps lors de sa manifestation sur le plan physique;

c'est lui l'âme métallique, ou cette matière première qu'on n'a point voulu désigner autrement, et qui fait sa résidence dans le sein de la Vierge sans tache."

L'animation du métal, conclut-il, vitalisation de l'arbre sec, est donc à proprement parler la résurrection du mort.


Souvenons-nous que nous avons déjà rencontré, il y a tout juste un mois, l'arbre sec et l'arbre vert lors de notre examen  de la première série des caissons alchimiques de la galerie du chateau de Dampierre-sur-Boutonne (De Diane de Poitiers à Champagne, 26 août 2006).

Pour sa part, Eugène Canseliet, dans l'article de son recueil Alchimie (Pauvert, 1964) consacré à l'arbre alchimique est à son tour revenu sur le thème de l'arbre sec:

"Faut-il voir dans le chaos dont parlent les alchimistes, - et que Dieu garda sur la terre comme une parcelle précieuse de la matière primordiale, à la disposition des hommes de bonne volonté, faut-il voir dans ce chaos, cet arbre de la vie qu'on rencontre si fréquemment dans l'imagerie alchimico-religieuse?

Certes oui, parce qu'il se complète, dans l'hermétique réalisation, de l'arbre sec, hiéroglyphe du corps mort et privé d'âme, qu'il lui faudra ressusciter et animer par son eau vive.

Sur les deux parties opposées du petit monde philosophal, l'un ne saurait croître sans l'autre, tandis qu'ils poussent séparément leurs racines, le premier dans le ciel, le second au sein de la terre."


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24 septembre 2006 7 24 /09 /septembre /2006 12:22


Grâce à Walter Grosse de qui j'en profite pour recommander à nouveau le site dédié à Fulcanelli:

http://www.fulgrosse.com/

voici une adresse de Julien Champagne qui ne me paraît pas encore avoir été relevée. "Hubert" a incontestablement en 1905, époque à laquelle il a rencontré Fulcanelli, vraisemblablement dans la capitale, habité à Paris au 20 de la rue Torricelli, dans le 17ème arrondissement.

Je ne sais si vous arriverez à déchiffrer mon cliché extrait de la liste ad hoc des résidents parisiens par arrondissement, dénichée par Grosse, mais il établit qu'un Jean Julien Champagne, né le 23 janvier 1877 à Levallois Perret , élève aux Beaux Arts, vivait alors à cette adresse.

D'après Walter, il y résidait encore en 1907. Il me précise voir dans cette "liste électorale" qu'Alfred Alphonse Champagne, né à Béalcourt (Somme) le 18 décembre 1878 habitait également à cet endroit en 1905, mais plus en 1907.

Il pense qu'Alfred Alphonse pourrait être un cousin de Jean Julien. Toujours à la même adresse, il lit qu'habitait en 1905 et 1907 Alphonse Hubert Champagne, né à Paris le 5 août 1854. Pour lui, cet "agriculteur" ou employé d'agriculteur serait le père de Julien Champagne.

Il aurait été en fait employé au ministère de l'Agriculture entre 1900 et 1914 et la famille Champagne aurait habité la rue Toricelli jusqu'au début de la première guerre mondiale.

Je relève pour ma part que la déclaration de naissance de Julien:

http://archer.over-blog.net/article-2258329.html

établit que son père, effectivement prénommé Alphonse Hubert, était cocher. Et qu'il était effectivement âgé de 23 ans en 1877.

Il est tout de même amusant de constater, et ceci devrait plaire entre autres à Patrick Rivière, que Champagne ait résidé dans la rue d'un "thermo-maître".

En effet, Evangelista Torricelli ou Toricelli (1608-1647), élève et disciple de Galileo Galilei, passe pour être l'inventeur, ou un des inventeurs, du baromètre à mercure:

http://fr.wikipedia.org/wiki/Evangelista_Torricelli
http://mendeleiev.cyberscol.qc.ca/Chimisterie/2001-2002/andersonk.html
http://www.utc.fr/~tthomass/Themes/Unites/Hommes/torr/depart_torr.html



Je voudrais pour terminer ce post revenir avec vous un instant sur la dernière demeure de Julien Champagne.

Comme nous l'avons vu avec mon article du 25 février 2006:

http://archer.over-blog.net/article-1985596.html

il est enterré au cimetière d'Arnouville-lès-Gonesse, actuellement situé dans le Val d'oise (ex Seine et Oise).

Dans son Fulcanelli dévoilé, Geneviève Dubois nous précise la localisation exacte de sa tombe: carré D, numéro 45.

Elle nous fournit également deux clichés de celle-ci, dont le premier a déjà été reproduit par votre serviteur, et dont voici le second.

"La plaque a été enlevée ou volée", constate-telle avec nous. Dans Le Forum de la Librairie du Merveilleux:

http://forum.aceboard.net/?login=50340

Julien Champagne fait l'objet de deux "fils":

http://forum.aceboard.net/recherche.php?login=50340&posteur=&ou=2&forum=2498&mot=CHAMPAGNE&go=1

Sur le second, Ibrahim propose de restaurer la sépulture mutilée, et je m'associe bien sûr à cette heureuse initiative.

Ceci dit, foi de Saint Jacques, la tombe est vide, la pierre est nue, Champagne vit.


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23 septembre 2006 6 23 /09 /septembre /2006 10:18

C'est avec cette belle gravure romantique du manoir de la salamandre ou si vous préférez de la maison François 1er, à Lisieux, que je vous propose de revenir maintenant pour la troisième fois, en compagnie de Fulcanelli et de son dessinateur Julien Champagne, sur ce logis alchimique qui fut vraisemblablement édifié et occupé par un Adepte, resté dans un anonymat total.

Sans pouvoir conclure, Fulcanelli s'est cependant livré à son propos à toute une étude historique qui l'a conduit à se demander si cet alchimiste n'aurait pas été proche du groupe d'hermétistes qui à cette époque ont oeuvré, à Caen et à Flers, et qu'on connaît généralement sous le nom générique des "alchimistes de Flers": Grosparmy, Valois, et Vicot.

Sur le manoir de Lisieux et son histoire, sur laquelle nous reviendrons j'espère, n'hésitez pas dans l'attente à consulter:

http://hdelboy.club.fr/salamandre_lisieux.html
http://www.bmlisieux.com/normandie/maisonlx.htm

Dans mes précédents articles sur ce charmant édifice hélas disparu (Champagne lexovien, 17 avril 2006 et Champagne et le manoir de Lisieux, 28 aout 2006), je n'ai pas abordé l'une des pièces maîtresses de la "méson", qui est tout simplement sa porte d'entrée. Ouvrons donc ensemble cette porte, étudiée en détail par Fulcanelli dans le chapitre des Demeures Philosophales qu’il a consacré au manoir.

Et précisons d’emblée que la planche V de l'édition originale des Demeures, oeuvre de Julien Champagne, n'étant qu'imparfaitement remplaçée dans l'édition Pauvert de 1977 par un cliché que je trouve pour ma part peu élégant (planche VIII), j'ai choisi de vous en présenter un autre.



"Nous voici, nous dit donc Fulcanelli, à l'entrée, close depuis longtemps du joli manoir. La beauté du style, le choix heureux des motifs, la délicatesse de l'exécution font de cette petite porte l'un des plus agréables spécimens de la sculpture sur bois au XVIème siècle.

C'est une joie pour l'artiste, autant qu'un trésor pour l'alchimiste, que ce paradigme hermétique exclusivement consacré au symbolisme de la voie sèche, la seule que les auteurs aient réservée sans en fournir d'explication."

L'Adepte précise alors que dans l'analyse de ce paradigme, il respectera l'ordre du travail, sans se laisser guider par des considérations d'ordre esthétique ou de logique architecturale, et ce afin de rendre plus sensible aux étudiants la valeur des emblèmes examinés.

Et il enchaîne aussitôt:


"Sur le tympan de l'huis aux panneaux sculptés, on remarque un intéressant groupe allégorique composé d'un lion et d'une lionne se faisant vis-à-vis. Ils tiennent tous deux, par leurs pattes antérieures, un masque humain personnifiant le soleil, cerné d'une liane recourbée en manche de miroir."

Fulcanelli estime que lion et lionne, principe mâle et vertu femelle, reflètent l'expression physique des deux natures, de forme semblable, mais de propriétés contraires, que l'art doit élire au début de la pratique.

"De leur union, accomplie selon certaines règles secrètes, provient cette double nature, matière mixte que les sages ont nommée androgyne, leur hermaphrodite ou Miroir de l'Art.

C'est cette substance, à la fois positive et négative, patient contenant son propre agent, qui est la base, le fondement du Grand OEuvre."


"Au poteau d'huisserie gauche de la porte que nous étudions, un sujet en haut-relief attire et retient l'attention.

Il figure un homme richement vêtu du pourpoint à manches, coiffé d'une sorte de mortier, et la poitrine blasonnée d'un écu montrant l'étoile à six pointes.

Ce personnage de condition, campé sur le couvercle d'une urne aux parois repoussées, sert à indiquer,  suivant la coutume du moyen âge, le contenu du vaisseau."

C'est, ajoute Fulcanelli, la substance qui, au cours des sublimations, sélève  au-dessus de l'eau, qu'elle surnage comme une huile; c'est l'Hypérion et le Vitriol de Basile Valentin, le lion vert de Ripley et de Jacques Tesson, en un mot la véritable inconnue du grand problème.

Et il termine, naturellement, par une explication du motif de la salamandre:

"Voici maintenant le dernier sujet décoratif de notre porte. C'est une salamandre servant de chapiteau à la colonnette torse du jambage droit.

Elle nous paraît être, en quelque sorte, la fée protectrice de cette agréable demeure, car nous la retrouvons sculptée sur le corbeau du pilier médian, situé au rez-de-chaussée, et jusque sur la lucarne du grenier.

Il semblerait même, étant donné la répétition voulue du symbole, que notre alchimiste eût une préférence marquée pour ce reptile héraldique."

Pour lui, la salamandre est l'hiéroglyphe du feu secret des sages:

"Dans l'élaboration du mercure, rien ne saurait se substituer au feu secret, à cet esprit susceptible de l'animer, de l'exalter et de faire corps avec lui, après l'avoir extrait de la matière immonde...

Ce Bélier "qui cache en soy l'acier magique" porte ostensiblement sur son écu l'image du sceau hermétique, astre aux six rayons.

C'est donc dans cette matière très commune que nous devons rechercher le mystérieux feu solaire, sel subtil et soufre spirituel, lumière céleste diffuse dans les ténèbres du corps, sans laquelle rien ne peut se faire et que rien ne saurait remplacer."

 

 



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21 septembre 2006 4 21 /09 /septembre /2006 22:29


Peut-on en un seul article prétendre présenter Maryse Choisy (1903-1979), cette femme actuellement un peu oubliée aux multiples vies, et donc à l'individualité particulièrement riche, sinon complexe, voire étrange?

A vrai dire, je n'en aurai pas la prétention, car de quelle Maryse devrais-je sinon vous entretenir? De
la philosophe, de la psychanalyste, de la journaliste,  de la féministe, de l'amazone, de l'épouse, de la mère, de l'artiste peintre, de la mystique, et j'en passe, c'en est à se demander si cette amie des bêtes, qui a aussi fondé une alliance mondiale des religions, n'a pas réussi un improbable doublement, voire triplement de personnalité.

Pour vous en faire une idée, lisez le livre que lui a consacré Bernard Guillemain, Maryse Choisy ou l'amoureuse sagesse (CAMC Hachette, 1959), ou jetez un coup d'oeil à quelques sites:

http://fr.wikipedia.org/wiki/Maryse_Choisy
http://en.wikipedia.org/wiki/Maryse_Choisy
http://www.hommes-et-faits.com/contributions/bio_Choisy.html
http://www.lemondeduyoga.org/htm/lavie/article.php?ID_ARTICLE=27

Ou encore, et c'est peut-être mieux, finalement, lisez du Choisy!

Avant donc d'en venir à son penchant avéré pour l'ésotérisme, qui la relie au destin de Julien Champagne, disons quand même quelques mots de ce parcours hors norme. Pour simplifier, je dirais qu'elle s'est surtout fait connaître avant le second conflit mondial comme une sorte de publiciste...omnivore.

Et qu'après 1945 elle me paraît surtout s'être consacrée à deux des facettes principales de ses talents dans le relationnel et l'écriture, avec d'une part une discrète mais mémorable contribution à l'école française de psychanalyse, et de l'autre un rapprochement contesté mais évident avec l'église, et même avec toutes les églises.

Docteur en philosophie, ayant étudié à la Sorbonne et à Cambridge, elle est dans un premier temps très influencée par la pensée d'Henry Bergson, une influence qui ne se démentira pas.

Ses premiers contacts avec la psychanalyse sont houleux, puisqu'elle interrompt brutalement ses entretiens avec un certain docteur Sigmund Freud. Elle sera ensuite plus proche de Carl Gustav Jung, et ceci la rapproche déjà de l'alchimie.

Ses premières publications sont diverses: elle écrit des poèmes, des "romans philosophiques", mais très tôt se lance dans le journalisme grand public, avec quelques récits où transparaît clairement son caractère d'aventurière: Un mois chez les filles (1929), Un mois chez les hommes et L'amour dans les prisons (1930) asseoient sa notoriété.

Parallèlement, elle flirte avec le courant surréaliste (autre penchant intéressant d'un point de vue hermétique) et particulièrement...avec Joseph Delteil. Elle s'en séparera pour affirmer son propre moi (Delteil tout nu, 1930).

Mais dès 1929 Maryse a une crise mystique. Ellle s'en arrange en écrivant une Sainte Thérèse de Lisieux! Et surtout, tournant de sa vie, elle épouse Maurice Clouzet. En 1932, naît ainsi une Colette Clouzet. Sa marraine? L'écrivaine Colette, bien sûr.

En 1946, Maryse Choisy fonde Psyché, revue internationale de psychanalyse et des sciences de l'homme.

Le premier numéro s'en ouvre, avec éclat, par une étude de Louis de Broglie: La réalité des molécules et l'oeuvre de Jean Perrin...aussitôt suivie par une méditation du père Pierre Teilhard de Chardin, dont Maryse Choisy sera une proche: Le cône du temps.

Maryse est alors dans l'orbite du psychanalyste français René Laforgue. Elle est thérapeute et parmi ses disciples figure un certain Jacques Lacan.

La même année 1946 , Choisy écrit Contes pour ma fille...et quelques autres, et commence bientôt sa période indienne. Elle part pour l'Inde, pour la seconde fois, en 1952 et est reçue par le "pandit" Jawaharlal Nehru...

En 1965, elle créera l'Alliance mondiale des religions, qui suscitera en particulier l'adhésion enthousiaste du révérend père et futur cardinal Jean Daniélou.

Quel parcours! Si je devais vous conseiller de Maryse un autre livre que ceux déjà cités, ce serait non pas La guerre des sexes, réédité en 1970, mais plutôt ses mémoires de 1977, opportunément intitulés Sur le chemin de Dieu, on rencontre d'abord le diable.

En effet, et nous en revenons maintenant à ce diable de Julien Champagne, l'intérêt de Maryse Choisy pour l'occultisme est ancien. Dès 1929 elle publie un volume sur La chirologie.

Mais surtout, en 1935, elle participe à la création de l'Association pour la rénovation de l'occultisme traditionnel (AROT):

http://www.franc-maconnerie.org/web-pages/hermetisme/occultisme.htm
http://ufoweb.free.fr/dossier-soc-secretes.htm
http://www.psychiatrie-und-ethik.de/rundbriefe/Rb1_05.htm

L'AROT, organisation très confidentielle, semble d'ailleurs avoir été créée au sein d'un hebdomadaire de grande diffusion qu'elle dirigeait alors: Votre bonheur, qui s'est également "avant guerre" appelé Consolation.

Parmi ses quelques rares membres, nous retrouvons des hommes que nous avons déjà rencontrés par ailleurs, tels Jules Boucher et Robert Ambelain (Champagne et Jules Boucher,
13 février 2006, Champagne à l'ombre de Robert Ambelain, 4 mai 2006).

Cette AROT a été villipendée, peut-être à juste titre, par Luis Miguel Martinez Otero, dans son Fulcanelli, une biographie impossible, Arista (1989).

On pourra également se reporter, à propos de Votre bonheur, à mon article Julien Champagne en parapsychologie, 2 septembre 2006.

On retrouve encore Maryse Choisy avec Oswald Wirth, dans une Société des sciences anciennes dont on ne sait à peu près rien...

Rappelons enfin que c'est en 1936, dans la revue Consolation, dirigée par elle, que paraîtra un article de J.B. (Jules Boucher), sur la croix d'Hendaye, article que reproduit Geneviève Dubois dans son Fulcanelli dévoilé (Dervy, 1992 et 1996), et croix sur laquelle nous entendons revenir, naturellement.

Cet article serait paru dans le numéro 37 (30 avril 1936). Il aurait été précédé d'un autre dans le 26
(13 février 1936).

Ne perdons pas de vue, en effet, que la croix d'Hendaye refera son apparition, comme déjà souligné, dans la deuxième édition du Mystère des Cathédrales de Fulcanelli, avec des dessins de Julien Champagne (Omnium Littéraire, 1957). L'année suivante, Maryse fait d'ailleurs paraître un livre étrange, tout empli de réminiscences et de prémonitions: Mais la terre est sacrée...

 

MCsignure.champagne

 

Ne quittons pas en tout cas, et peut-être provisoirement, Maryse Choisy, sans mentionner de cet auteur un texte très intéressant de 1947, consacré aux symboles et aux mythes:

http://www.hommes-et-faits.com/ima_cult/Mc_Symbole_01.htm

En voici les dernières lignes:

"Allons toujours à la plus grande vie...Nous sommes ce champ de bataille perpétuel où les instincts de vie triomphent pour quelques années seulement des instincts de mort qui nous reprennent à l'heure de l'agonie.

Pour sortir de cette duperie individuelle, pour monter sur le plan de l'éternel, nous devons d'abord dépasser ce qui en nous est voué à la destruction finale.

Seul l'amour oblatif - l'expression supérieure des instincts de vie - peut nous faire accéder au Tout et nous rendre indépendants du temps, de l'espace, de la désintégration.

Quel mythe nous donnera rapidement ce plus grand amour, pour vaincre la guerre et la destruction? On cherche un mythe moderne...

On cherche...Et s'il était déjà trouvé?"





Mystique gris pcc
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17 septembre 2006 7 17 /09 /septembre /2006 13:43


Sauf erreur, voici après notre article "Champagne et le caput mortuum" (11 septembre 2006) la dernière planche que nous devions évoquer de Julien Champagne qui soit consacrée à l'hotel Lallemant de Bourges, dans l'édition originale du Mystère des Cathédrales de Fulcanelli.

Elle y porte le numéro XXXIV et est remplacée dans l'édition Pauvert par le cliché XLV. Comme son titre l'indique, elle n'illustre qu'un fragment du plafond de la chapelle.



En effet, sur la trentaine de caissons alchimiques que comporte ce plafond, qui est comme un modèle réduit de la galerie du chateau de Dampierre-sur-Boutonne, Fulcanelli a curieusement choisi de n'en faire reproduire que six.

"Notre intention, explique-t-il, n'est pas d'analyser par le menu toutes les images qui décorent les caissons de ce plafond modèle dans le genre.

Le sujet, fort étendu, nécessiterait une étude spéciale et nous obligerait à de fréquentes redites."

Cette étude, il l'entreprendra pourtant sur Dampierre, dans Les Demeures Philosophales, à propos d'un ensemble architectural bien plus volumineux...

"Nous nous bornerons donc, annonce l'Adepte, à en donner une rapide description et à résumer ce qu'expriment les plus originaux."

Quant à nous, nous allons bien entendu nous concentrer sur les six caissons dessinés par Julien Champagne, que comme pour Dampierre nous allons aborder un par un.


J'ai pensé qu'il pourrait être intéressant de reproduire à côté des dessins d'"Hubert " ceux de Christian Dumolard dans son excellent site de La Rue de l'Alchimie:

http://hermetism.free.fr/archi-lallemant.htm

Notons d'ailleurs en passant que Bourges a ou a eu une rue de l'alchimie. Notons surtout qu'avec Jean-Jacques Mathé, Christian Dumolard est un des très rares auteurs à avoir étudié de près les caissons de la chapelle de l'hotel Lallemant.

Les Croquis du plafond alchimique de l'hôtel Jean Lallemant à Bourges de Christian Dumolard ont paru en 1982, puis semble-t-il en 1991 aux éditions L'Or du Temps.

 

CDchampagne



Le livre de Jean-Jacques Mathé sur L'interprétation alchimique des caissons de l'hotel Lallemant a été publié aux éditions belges du Baucens en 1976.

Je m'inspirerai également, bien entendu, de l'excellente étude d'Hervé Delboy sur le même monument:

http://hdelboy.club.fr/plafond_lallemant.html
http://hdelboy.club.fr/plafond_lallemant.pdf

Mais il va aussi de soi que pour chaque emblème,  je signalerai la mention qui en est faite par Fulcanelli, fût-elle laconique.

C'est précisément le cas, en particulier, du premier d'entre eux, puisque l'Adepte se contente d'écrire à son propos:

"Nous remarquons aussi le livre ouvert dévoré par le feu."

Ce symbole du livre ouvert ou fermé est bien connu, nous avons déjà compris que le livre ouvert représente pour sa part la matière préparée, ouvrée.

Delboy cite ici Eugène Canseliet:

"Cet emblème allégorise la liquation de la matière au début du Grand OEuvre, exactement la séparation de la lumière d'avec les ténèbres par l'intervention du fer ouvrant, avec l'aide du feu, le grand Livre de la Nature."


Fulcanelli n'est guère plus disert à propos de notre second caisson, qu'il se contente de décrire et de commenter ainsi:

"La colombe auréolée, radiante et flamboyante, emblème de l'esprit."

La colombe, ajoute et confirme Delboy, exprime au mieux les félicités à venir, pour l'artiste qui aura su peser juste les matières de l'OEuvre: L'esprit, l'âme et le corps.

Que ce volatile soit ici plus spécialement voué à la représentation de l'illumination nécessaire à cette juste pesée me semble être bien souligné par les langues de feu qui l'entourent et semblent en émaner, et qui nous rappellent celles de la Pentecöte.

Du troisième caisson, Fulcanelli ne dit que quelques mots, se montrant là encore extrêmement...lapidaire:

"Le corbeau igné, juché sur le crâne qu'il becquète, figures assemblées de la mort et de la putréfaction."

Dumolard identifie pour sa part ce volatile avec le faucon pèlerin des chasses royales du Moyen Age et de la Renaissance, et cite Charles d'Arcussia, grand fauconnier royal:

" Il faut préférer le faucon parce qu'il est le signe hiéroglyphique de la victoire et parce que les os de ses cuisses attirent l'or comme l'aimant attire le fer."


Pour Delboy, le corbeau est l'autre nom que l'on donne au laiton, à l'airain, bref à l'amalgame philosophique.

Les Latins dédièrent sa constellation à Apollon, parce qu'il désaltéra le dieu de la lumière. C'est donc l'oiseau du soleil, ce qu'on aurait tendance à oublier, les alchimistes ne cessant de parler de tête de corbeau lorsqu'ils veulent signifier leur putréfaction.

Peut-être tient-on ici l'explication de cette parabole obscure de Philalèthe: "Le lion mourant, naît le corbeau."

Nouvelle illustration du fait que c'est la mort qui détient le secret de la vie.

Le quatrième motif est tout de même un peu moins austère et - peut-être par coïncidence - Fulcanelli se montre un peu plus bavard à ce moment précis:

"L'ange qui fait tourner le monde à la façon d'une toupie, sujet repris et développé dans un petit livre intitulé Typus Mundi, oeuvre de quelques pères Jésuites."


Dans cette toupie, Delboy voit un bilboquet et estime que ce jouet nous renvoie à un artifice précis:

"L'ange dévide un fil qui s'entoure autour d'une sphère surmontée du symbole cruciforme, en somme de la stibine."

C'est pour lui indiquer par là le mouvement requis au troisième oeuvre, où l'artiste doit entretenir un va-et-vient incessant de son compost.

Et de citer de nouveau Canseliet:

"La pénétration de la matière brute et frigide par l'esprit incisif et igné, celle du globe par le fer, demeure tributaire du tour de main que la Nature exige de l'artiste la copiant et lui aidant."

Fulcanelli précise que le cinquième caisson se rapporte à "la calcination philosophique, symbolisée par une grenade soumise à l'action du feu dans un vase d'orfèvrerie.

Au-dessus du corps calciné, ajoute-t-il, on distingue le chiffre 3 suivi de la lettre R, qui indiquent à l'artiste la nécessité des trois réitérations d'un même procédé."


L'Adepte ajoute d'ailleurs avoir déjà plusieurs fois insisté sur la nécessité de ces réitérations. Il ne se prive pas, pourtant, d'y revenir encore peu après, en analysant l'énigme de la crédence de l'hôtel Lallemant, que nous avons déjà exposée (Julien Champagne au rebis, 25 juillet 2006):

"Les trois grenades ignées du fronton confirment cette triple action d'un unique procédé, et, comme elles représentent le feu corporifié dans ce sel rouge qu'est le Soufre philosophal, nous comprendrons aisément qu'il faille réitérer trois fois la calcination de ce corps pour réaliser les trois oeuvres philosophiques."

"Enfin, écrit Fulcanelli, l'image suivante représente le ludus puerorum commenté dans la Toison d'or de Trismosin et figuré d'une manière identique:

Un enfant fait caracoler son cheval de bois, le fouet haut et la mine réjouie."


Delboy rapproche ce fouet qui fustige de la marotte des fous, et donc du mercure. Mais de quel mercure s'agit-il? Il semble pencher pour le premier. Et de citer...Fulcanelli:

"On sait qu'après leur sortie d'Egypte les enfants d'Israël durent camper à Réphidim, où il n'y avait point d'eau à boire; Moïse par trois fois frappa de sa verge le rocher Horeb, et une source d'eau vive jaillit de la pierre aride."

Et le cheval, me direz-vous? Peut-être symbolise-t-il le langage des simples, des parvuli, qui est aussi celui de la Nature, des Rois et des Dieux.


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16 septembre 2006 6 16 /09 /septembre /2006 19:44

 

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Dans son René Guénon témoin de la tradition (Guy Trédaniel, 1978),  Jean Robin dit à propos du docteur Rouhier, déjà rencontré dans notre post Champagne au grand lunaire du 25 juin 2006:

"Il écrivit entre autres, sous le pseudonyme de R.P. Sabazius, Envoûtement et Contre-Envoûtement, et appartenait de surcroît à une société secrète appelée le "Très Grand Lunaire", dont l'enseignement était basé sur les ouvrages de Lotus de Païni, Schwaller de Lubicz, Fulcanelli et Aleister Crowley, et qui comptait parmi ses membres Jules Boucher, Jean Marquès-Rivière et Robert Ambelain.

On trouvera des renseignements sur ce T.G.L. (rebaptisé pour la circonstance "Très Haut Lunaire") dans Les Sociétés secrètes de Paris, par Pierre Geyraud, éditions Emile-Paul, 1938."

Hélas, je n'ai pas trouvé dans le dernier volume cité de mention de Marquès-Rivière, et je ne suis donc pas en mesure de confirmer pour l'instant l'appartenance de Rivière au Grand Lunaire, ce qui l'aurait relié directement à Julien Champagne.


Mais je considère cependant cette appartenance comme possible, voire probable, si je prends en compte d'une part le livre de Geyraud, où je vois effectivement écrit que "La magie et le Mystère de la Femme" de Lotus de Païni fait partie des enseignements de la secte en question, et d'autre part que celle-ci comprenait, outre un journaliste réputé, de simples exécutants.

Et également ce que Marie-France James nous explique dans son ouvrage Esotérisme et christianisme autour de René Guénon (NEL, 1981):

"Rivière se trouva obsédé en permanence par des êtres du monde intermédaire dont il n'arrivait pas à se débarrasser.

En dernier recours, il avait dû faire appel au grand exorciste de l'archidiocèse de Paris, le Père Joseph de Tonquédec s.j.

Réintégré dans le giron de l'Eglise, il fournit au Voile d'Isis un article mettant en garde les lecteurs contre Le danger des plans magiques (1931)."


Mais qui était ce Rivière qui se fit appeler Marquès? Toujours selon James, il est né Jean-Marie Paul Rivière en 1903.

Fréquentant précocement la Société Théosophique, il est reçu macon au milieu des années 1920 à la Grande Loge de France et y fait la connaissance de Guénon, qui l'introduit dans le cercle du Voile d'Isis.

Sa collaboration y est bientôt interrompue, un an avant le décès de Julien Champagne,  par l'article mentionné ci-dessus et par son ouvrage anti-maçonnique  sur La trahison spirituelle de la franc-maçonnerie (Editions des Portiques, 1931, Deterna, 2010).

Je note en outre que Marquès-Rivière pourrait selon certaines informations avoir été proche également, à la même époque, de la Fraternité des Polaires.

En 1940, il fera paraître un de ses travaux les plus connus, Histoire des doctrines ésotériques, (Payot) où je crois bien me souvenir que Fulcanelli est mentionné.

Puis il s'engage dans la croisade du régime de Vichy contre les Loges maçonniques, et devient co-rédacteur en chef, avec Robert Vallery-Radot, des Documents maçonniques dirigés par Bernard Fay (1941-1944).

A la fin de la seconde guerre mondiale, il fera le choix de l'exil et Walter Grosse me précise aimablement qu'il serait décédé en 2000.

Pour en terminer pour l'instant avec Marquès-Rivière, alias Verax, je citerai également de lui Talismans, amulettes et pentacles (Payot, 1938) et Rituels secrets de la franc-maçonnerie (Plon, 1941) qui actuellement encore font l'objet de rééditions, au moins à l'étranger.

http://touscesgens.hautetfort.com/archive/2006/09/16/jean-marques-riviere.html

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14 septembre 2006 4 14 /09 /septembre /2006 10:56


En ce jour de la Croix glorieuse (Holyrood en anglais), nous voici devant la cinquième série de caissons alchimiques de la galerie haute du château de Dampierre-sur-Boutonne.

Ces caissons font dans l'édition originale des Demeures Philosophales de Fulcanelli l'objet de la planche XXX, dessinée par Julien Champagne.

Dans l'édition Pauvert de 1977, la même planche de dessins est numérotée XXXII. Etudions ces emblèmes un par un, sous la houlette de Fulcanelli.


"Représentée en plein vol, une colombe tient en son bec un rameau d'olivier. Ce sujet est distingué par l'inscription:

.SI.TE.FATA.VOCANT. Si les destins t'y appellent."

Fulcanelli rapproche cet emblème de la description du Déluge universel dans la Bible, au livre de la Genèse. Noé, ayant donné l'essor à la colombe de son arche, celle-ci revint le soir en rapportant une branche verte d'olivier.

"C'est là le signe par excellence de la véritable voie et de la marche régulière des opérations. Car le travail de l'OEuvre étant un abrégé et une réduction de la Création, toutes les circonstances de l' ouvrage divin doivent se trouver en petit dans celui de l'alchimiste."

Et de conseiller au débutant d'attendre prudemment la manifestation de la couleur verte, symptôme du dessèchement de la terre, de l'absorption des eaux et de la végétation du nouveau corps formé:

"Ainsi, frère, si le ciel daigne bénir ton labeur et, selon la parole de l'Adepte, si te fata vocant, tu obtiendras d'abord le rameau d olivier, symbole de paix et d'union des éléments, puis la blanche colombe qui te l'aura apporté.

Alors seulement tu pourras être certain de posséder cette lumière admirable, don de l'Esprit-Saint, que Jésus envoya, au cinquantième jour, sur ses apôtres bien-aimés."


"Deux avant-bras dont les mains se joignent, sortent d'un cordon de nuages. Ils ont pour devise:
ACCIPE.DAQVE.FIDEM. Reçois ma parole et donne-moi la tienne."

Fulcanelli estime que ce motif n'est en somme qu'une traduction du signe utilisé par les alchimistes pour exprimer l'élément eau.

"Nuées et bras composent un triangle à sommet dirigé en bas, hiéroglyphe de l'eau, opposée au feu que symbolise un triangle semblable mais retourné."

Il remarque en outre que les deux mains serrées en pacte de fidélité et d'attachement appartiennent à deux individualités distinctes, le mercure féminin et le soufre masculin.

"Le mercure philosophique est impuissant à produire la pierre, et cela parce qu'il est seul. C'est lui, pourtant, qui tient dans le travail le rôle de femelle, mais celle-ci, disent d'Espagnet et Philalèthe, doit être unie à un second mâle, si l'on veut obtenir le composé connu sous le nom de Rebis, matière première du Magistère.

C'est le mystère de la parole cachée, ou  verbum dimissum, que notre Adepte a reçue de ses prédécesseurs, qu'il nous transmet sous le voile du symbole, et pour la conservation de laquelle il nous demande la nôtre."


"Sur un sol rocheux, deux colombes, malheureusement décapitées, se font vis-à-vis. Elles portent pour épigraphe l'adage latin:

.CONCORDIA.NVTRIT.AMOREM. La concorde nourrit l'amour."

Fulcanelli précise à ce propos que l'ouvrage hermétique tout entier n'est, en effet, qu'une harmonie parfaite, réalisée d'après les tendances naturelles des corps inorganiques entre eux et, si le mot n'est pas trop excessif, de leur amour réciproque.

"Les deux oiseaux composant le sujet de notre bas-relief représentent ces fameuses Colombes de Diane, objet du désespoir de tant de chercheurs...

Limojon de Saint-Didier, pour aider l'investigateur à déchiffrer l'énigme, écrit dans l'Entretien d'Eudoxe et de Pyrophile:

"Considérez enfin par quels moyens Geber enseigne de faire les sublimations requises à cet art; pour moi, je ne peux faire davantage que de faire le même souhait qu'a fait un autre philosophe: "Que les astres de Vénus et de Diane cornue te soient favorables."

On peut donc suivant Fulcanelli envisager les Colombes de Diane comme deux parties du mercure dissolvant, - les deux pointes du croissant lunaire, - contre une de Vénus, laquelle doit tenir étroitement enlacées ses colombes favorites.

"La correspondance se trouve confirmée par la double qualité, volatile et aérienne, du mercure initial dont l'emblème a toujours été pris parmi les oiseaux, et par la matière même d'où provient le mercure, terre rocailleuse, chaotique, stérile sur laquelle les colombes se reposent."


"Narcisse s'efforce de saisir, dans le bassin où il s'est miré, sa propre image, cause de sa métamorphose en fleur, "afin qu'il puisse revivre grâce à ces eaux qui lui ont donné la mort":

 .VT.PER.QVAS.ERIIT.VIVERE.POSSIT.AQVAS."

Fulcanelli nous rappelle ici que les narcisses sont des végétaux à fleurs blanches ou jaunes, colorations respectives des deux soufres chargés d'orienter les deux Magistères. Pour lui, le Narcisse mythique est donc l'emblème du métal dissous.

"Quant au soufre extrait par le dissolvant, - l'eau mercurielle du bassin, - il reste le seul représentant de Narcisse, c'est-à-dire du métal dissocié et détruit."

Mais, de même que l'image réfléchie par le miroir des eaux porte tous les caractères apparents de l'objet réel, de même le soufre garde les propriétés spécifiques et la nature métallique du corps décomposé.

"C'est donc avec raison que Narcisse, métal transformé en fleur, ou soufre, - car le soufre, disent les philosophes, est la fleur de tous les métaux, - espère retrouver l'existence, grâce à la vertu particulière des eaux qui ont provoqué sa mort.

S'il ne peut extraire son image de l'onde qui l'emprisonne, celle-ci du moins lui permettra de la matérialiser en un "double" chez lequel il retrouvera conservées ses caractéristiques essentielles."


"L'arche de Noé flotte sur les eaux du Déluge, tandis qu'auprès d'elle une barque menace de sombrer.

Dans le ciel du sujet se lisent les mots .VERITAS.VINCIT. La vérité victorieuse."

D'après Fulcanelli, l'arche représente la totalité des matériaux préparés et unis sous les noms divers de composé, rebis, amalgame, etc., lesquels constituent proprement l'archée, matière ignée, base de la pierre philosophale.

"Sous l'action du feu externe, excitant le feu interne de l'archée, le compost tout entier se liquéfie, revêt l'aspect de l'eau; et cette substance liquide, que la fermentation agite et boursoufle, prend, chez les auteurs, le caractère de l'inondation diluvienne."

Au bout du temps requis, poursuit-il, on voit monter à la superficie, flotter et se déplacer sans cesse sous l'effet de l'ébullition, une très mince pellicule, en ménisque, que les sages ont nommée l'Ile philosophique, manifestation première de l'épaississement et de la coagulation.

"Cette île flottante est aussi l'arche salvatrice de Noé portée sur les eaux du déluge."

Progressivement, et sous l'action continue du feu interne, la pellicule se développe, s'épaissit, gagne en étendue, jusqu'à recouvrir toute la surface de la masse fondue. L'île mouvante est alors fixée, l'arche peut toucher terre.

"Par ces concordances, et le témoignage matériel du labeur lui-même, la vérité s'affirme victorieuse en dépit des négateurs toujours prêts à rejeter la réalité positive qu'ils ne sauraient comprendre, parce qu'elle n'est point connue et moins encore enseignée."


"Une femme, agenouillée au pied d'une tombe sur laquelle on lit ce mot bizarre: TAIACIS affecte le plus profond désespoir.

La banderole qui agrémente cette figure porte l'inscription: .VICTA.JACET.VIRTVS. La vertu gît vaincue."

L'interprétation de Fulcanelli est simple, c'est l'hiéroglyphe de la mortification que nous avons sous les yeux.

"Il est ici question de la vertu du soufre, ou de l'or des sages, lequel repose sous la pierre, attendant la décomposition complète de son corps périssable.

Car la terre sulfureuse, dissoute dans l'eau mercurielle, prépare, par la mort du composé, la libération de cette vertu, qui est proprement l'âme ou le feu du soufre."

Quant à la femme qui, sur la tombe de notre caisson, traduit ses regrets en gestes désordonnés, elle figure la mère métallique du soufre; c'est à elle qu'appartient le vocable singulier gravé sur la pierre qui recouvre son enfant: Taiacis.

"Ce terme baroque, né sans doute d'un caprice de notre Adepte, n'est, en réalité, qu'une phrase latine aux mots assemblés, et écrite à l'envers de manière à être lue en commençant par la fin: Sic ai at, hélas! ainsi du moins...(pourra-t-il renaître)."


"Un stryge cornu, velu, pourvu d'ailes membraneuses, nervées et griffues, les pieds et les mains en forme de serres, est figuré accroupi.

L'inscription fait parler en vers espagnols ce personnage de cauchemar: .MAS.PENADO.MAS.PERDIDO.Y.MENOS.AREPANTIDO. Plus tu m'as nui, plus tu m'as perdu, et moins je me suis repenti."

Fulcanelli voit en ce diable, image de la grossièreté matérielle opposée à la spiritualité, l'hiéroglyphe de la première substance minérale, telle qu'on la trouve aux gîtes métallifères où les mineurs vont l'arracher.

"Il faut convenir que, pour être ainsi symbolisé sous des dehors difformes et monstrueux, - dragon, serpent, vampire, diable, tarasque, etc., - ce malheureux sujet doit être fort disgracié par la nature."

Ce premier mercure, insiste Fulcanelli, est non pas liquide mais solide; il s'agira alors de le purifier progressivement, par une série d'opérations réitérées de solution et de sublimation.

"A chaque opération, le corps se morcelle, se désagrège peu à peu, sans réaction apparente, en abandonnant quantité d'impuretés;

l'extrait, purifié par sublimations, perd également des parties hétérogènes, de telle sorte que sa vertu se trouve condensée à la fin en une faible masse, de volume et de poids très inférieurs à ceux du sujet minéral primitif."

C'est ce que justifie très exactement l'axiome espagnol:

"Plus les réitérations sont nombreuses, plus on fait de tort au corps brisé et dissocié, moins la quintessence qui en provient a lieu de s'en repentir; au contraire, elle augmente en force, en pureté et en activité.

Par là même, notre vampire acquiert le pouvoir de pénétrer les corps métalliques, d'en attirer le soufre, ou leur véritable sang, et permet au philosophe de l'assimiler au stryge cornu des légendes orientales."


"Une couronne faite de feuilles et de fruits: pommes, poires, coings, etc., est liée par des rubans dont les noeuds serrent également quatre petits rameaux de lauriers.

L'épigraphe qui l'encadre nous apprend que "nul ne l'obtiendra s'il n'accomplit les lois du combat": .NEMO.ACCIPIT.QVI.NON.LEGITIME.CERTAVERIT.

Cette couronne est selon Fulcanelli la couronne fructifère du sage.

"Ses fruits marquent l'abondance des biens terrestres, acquise par la pratique de l'agriculture céleste."

Mais cette guirlande rustique ne se laisse pas gagner aisément; dès la première et la plus importante des opérations de l'OEuvre, rude est le combat que l'artiste doit livrer.

"En vérité, ce n'est pas l'alchimiste en personne qui défie et combat le dragon hermétique, mais une autre bête, également robuste, chargée de le représenter et que l'artiste, en spectateur prudent, sans cesse prêt à intervenir, se doit d'encourager, d'aider et de protéger.

C'est lui le maître d'armes de ce duel étrange et sans merci."


"Une pièce d'artillerie du XVIème siècle est représentée au moment du coup de feu. Elle est entourée d'un phylactère portant cette phrase latine:

.SI.NON.PERCVSSERO.TERREBO. Si je n'atteins personne, du moins j'épouvanterai."

Fulcanelli nous livre ici un commentaire purement théorique, et s'abstient de toute interprétation relative à la pratique. Pour lui, le créateur de ce sujet s'adresse aux profanes:

"Les modernes sages, écrit-il en souriant, prendront ce labeur ancien pour une oeuvre de dément.

Et de même que le canon mal réglé surprend seulement par son tapage, notre philosophe pense avec raison que s'il ne peut être compris de tous, tous seront étonnés du caractère énigmatique, étrange et discordant qu'affectent tant de symboles et de scènes inexplicables."

Cette apparente discordance, qui est en fait destinée à cacher une harmonie réelle, sera encore amplifiée par les considérations saugrenues d'observateurs trop pressés:

"Leurs descriptions ne sont au fond qu'un bruit de paroles confuses, vaines et sans portée."

Je me trompe peut-être énormément, mais ma lecture et du dessin de Julien Champagne et de la glose fulcanellienne me pousse à nous donner à tous le conseil d'être toujours prêts, non seulement à voir de nos yeux, mais aussi à "ouïr par le son."

Sur la route du creuset, rappelle Eugène Canseliet dans l'introduction de son Alchimie (Pauvert, 1964 et 1978), les indications chromatiques, qui échappent aux yeux, sont remplacées par celles d'étranges strideurs.

Pour terminer, voici la couverture de l'édition roumaine du Mystère des Cathédrales que je cherche à me procurer. Je ne pense pas que ce soit la première réalisée en Roumanie, et celle-ci, Misterul Catedralelor, publiée par Editura Nemira en 2005, semble actuellement introuvable.

Mais on dit que l'espoir fait vivre, alors esperamos.



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13 septembre 2006 3 13 /09 /septembre /2006 20:01



Avez-vous déjà entendu parler d'un certain René Billa, alias Richard Burgsthal (1884-1944)? Si ce n'est pas le cas, vous ignorez le nom d'un des principaux maîtres verriers du XXème siècle, un des grands de l'art français du vitrail.

Soit, me direz-vous, mais où est le crime? Oh, bien sûr, si crime il y a, il est ailleurs, mais rappelez-vous tout de même le but principal de la collaboration entre René Schwaller et Julien Champagne: retrouver les bleus et les rouges des vitraux de la cathédrale de Chartres, dont le procédé de fabrication était (et est toujours) supposé perdu. Voyez à ce sujet mon post du 2 février 2006: Champagne et Schwaller.

Je n'ai aucune information à ce stade sur d'éventuels liens entre Champagne et Burgsthal, hélas, mais sur la relation Burgsthal-Schwaller, les preuves sont là, ainsi que sur le fait que Burgsthal est sans doute celui qui a le mieux cerné la problèmatique de la coloration dans la masse de certains  vitraux médiévaux.

Commençons si vous voulez par Schwaller. Burgshtal apparaît dans l'entourage de son groupe des Veilleurs, sans que je sache encore formellement s'il en fit partie, comme O.V. Milosz, du cercle intérieur dénommé Les Frères d'Elie.

Ouvrons précisément un des livres qu'Alexandra Charbonnier a consacrés à Milosz, alias Pierre d'Elie (O.V. Milosz, L'Age d'Homme, 1996). Nous y voyons que dès 1920 Burgsthal expose certains de ses vitraux à l'occasion d'une exposition d'oeuvres provenant des métiers d'art pratiqués par la "communauté".

En 1923, lorsque Schwaller tente de créer en Suisse son centre initiatique de Suhalia, ce centre "paraît avoir été jumelé avec un château délabré situé à Théoule (Alpes Maritimes) où le maître verrier Burgsthal travaillait suivant d'anciens procédés alchimiques."

"C'est en ce lieu que Carlos Larronde (Jacques d'Elie) réussira des coulées de verre reproduisant les bleus et les rouges des vitraux de Chartres." En 1924, Milosz demande à Schwaller de le recevoir soit à Suhalia, soit à Théoule, pour ses vacances.

Quant à un autre frère d'Elie, le peintre Elmiro Celli, il s'était installé dès 1920 à Théoule auprès de Burgsthal, pour les mêmes raisons que Carlos Larronde. Ce n'est qu'ensuite qu'il rejoindra Suhalia. Toute sa vie, Celli entretint un laboratoire d'alchimie.

Je pense donc qu'il est établi que les travaux verriers de Schwaller et Champagne, au Plan de Grasse (Alpes Maritimes), en 1929-1930 ont été précédés de ceux de Burgsthal et qu'ils leur sont liés. Mais qui est cet illustre inconnu?


burgsthal.champagne

 

La seule étude qui à ma connaissance ait été consécrée à Richard Burgsthal est celle de Claude Arnaud.

Il s'agit d'un mémoire de maîtrise non publié, que j'aimerais beaucoup pouvoir lire; soutenu en 1995 à l'université de Toulouse Le Mirail, il s'intitule: Richard Burgsthal à l'abbaye de Fontfroide (peintures et vitraux), la naissance d'un maître verrier.

Fort heureusement, la Société archéologique du midi de la France a eu la bonne idée d'y consacrer un compte-rendu, partiellement disponible sur la "toile" et dont on peut toujours aux dernières nouvelles se procurer un exemplaire papier:

http://www.societes-savantes-toulouse.asso.fr/samf/memoires/T_56/bull962.htm
http://touscesgens.hautetfort.com/archive/2007/06/14/richard-burgsthal.html

Pour nourrir sa recherche, Claude Arnaud a en particulier exploité des archives privées, ainsi que celles du musée des beaux-arts de Nice.

Grâce à elle, nous savons donc que René Billa était justement d'origine niçoise. S'étant orienté très tôt vers des études musicales, il rencontre Rita Strohl (1865-1941, née Aimée Rita Larousse La Villette), pianiste, compositeur et dessinateur, issue d'une famille d'artistes bretons:

http://www.resonances-bretagne.org/spip2005/00/article.php3?id_article=296

C'est cette femme, qu'il épousera plus tard, qui l'introduira au monde musical wagnérien, dont il restera imprégné toute sa vie. A propos de Rita, dont je reproduis une photo en noir et blanc, notons tout de même aussi que certaines de ses oeuvres portent des noms évocateurs, comme L'athanor, La conquête de l'ambroisie ou L'oeuf d'or.

Relevons également le fait que Carlos Larronde lui a consacré un essai paru en 1931 chez Denoël & Steele: L'art cosmique et l'oeuvre musicale de Rita Strohl.

RB1910.champagne

 

2RB.champagne

 

En 1905, Burgsthal se dirige pourtant vers...une carrière de peintre, et en 1910 participe sous forme de sept dessins à une réédition des Clefs de l'Orient de Saint-Yves d'Alveydre (A la librairie hermétique, Paris) où l'on peut lire dès l'introduction: "Nous avons fait appel, pour les illustrations, à un artiste mystique qui sera bientôt célèbre à juste titre, Richard Burgsthal."

 

La même année se produit l'événement décisif qui le vouera définitivement à l'art du vitrail: sa rencontre avec un couple de mécènes, passionnés d'hermétisme, les Fayet, représentés ici par deux tableaux.

Gustave Fayet (1865-1925) était un collectionneur, mais aussi un peintre talentueux:

http://fr.wikipedia.org/wiki/Gustave_Fayet

Avec son épouse Madeleine d'Andoque, ils avaient en 1908 acheté l'abbaye de Fontfroide dans l'Aude. Ils entreprirent de la restaurer et en firent un des hauts lieux du mouvement hermétique, avec en particulier l'aide d'Odilon Redon qui décora la bibliothèque de 1909 à 1912.

C'est justement en 1912 que, financé par Fayet, Burgsthal créa pour décorer les verrières de Fonftroide sa propre fabrique de verre, près de Bièvres, dans la vallée de Chevreuse.

Ses travaux à Fonfroide dureront une douzaine d'années, et ne s'achèveront qu'en 1925. Ce chantier nous précise Claude Arnaud annonce ses autres oeuvres, exécutées pour les Monuments Historiques. Fontfroide est une des principales "demeures" de Burgsthal.

Mais il y en a bien d'autres...Le mémoire de Claude ne dénombre pas moins de soixante-neuf monuments pour lesquels Burgsthal a créé des vitraux modernes ou restauré des vitraux anciens.

La plupart sont situés dans le midi de la France, et on y relève les noms d'édifices prestigieux, comme les cathédrales de Narbonne, Carcassonne et Albi, Saint Bertrand de Comminges...

Après avoir lu le Milosz de Charbonnier, je pense d'ailleurs que Larronde sûrement, et peut-être Celli, ont participé, en particulier à Albi, à ses travaux de restauration tombés ensuite dans un oubli dont il convient de les tirer.

Voici précisément ce qu'Alexandra dit à propos de Carlos Larronde (1888-1940) :

"Il rejoint Schwaller en Suisse à Suhalia et travaille avec Burgsthal, maître verrier, afin d'acquérir un nouveau métier en accord avec ses recherches alchimiques.

Il retrouve certaines techniques du vitrail, perdues depuis la fin du Moyen Age: l'obtention dans la masse des bleus et des rouges, tels qu'on les voit encore à la cathédrale de Chartres.

Ses travaux suscitent des commandes de l'Etat. Il restaure les vingt-neuf verrières de la cathédrale d'Albi. La vie dans le midi ne lui convenant plus, il rentre à Paris en 1929."


Comment Burgsthal et ses compagnons ont-ils fait pour retrouver ce savoir perdu? Arnaud s'en explique dans son mémoire.

Pour elle, leur travail se situe dans la lignée des maîtres verriers du XIXème siècle, les Thiboud, Thévenot, etc. qui recherchèrent les "secrets" de fabrication du vitrail médiéval.

Elle ajoute que c'est à partir de la lecture des traités du Moyen Age, comme celui du moine Théophile, que Burgsthal mit au point son propre four et ses propres techniques de fabrication, de coloration et de cuisson.

Ce que je ne sais pas...encore, c'est si Claude Arnaud a ou non eu connaissance du deuxième chef d'oeuvre de Burgsthal.

Le premier est bien sûr celui de Fontfroide, qui d'ailleurs semble toujours appartenir à la famille d'Andoque:

http://www.fontfroide.com/le_sauvetage.19.htm

Toutes les reproductions de vitraux de cet article en sont issues, c'est en quelque sorte le chef d'oeuvre du praticien Burgsthal.

Mais je donne également ici la photo de couverture de son chef d'oeuvre de théoricien, puisque Burgsthal nous a aussi délivré un message écrit, et non seulement visuel.


"Les précieux vitraux qui ornent ses fenêtres", tel est le titre d'un petit livre très rare d'une cinquantaine de pages, que Richard fit paraître en 1933 chez Jean Naert, et dont je dois à un ami d'outre Rhin, que je salue au passage, d'avoir appris il y a quelques mois l'existence.

Depuis quelques semaines cette fois, ce remarquable ouvrage, presque inconnu des bibliothèques parisiennes, est consultable en ligne, grâce à la charitable initiative d'un autre ami et voisin, cette fois d'outre Pyrénées. Merci encore, Eaj1es:

http://eaj1es.aceblog.fr/

Je vous recommande la lecture du livret de Burgsthal, non pas qu'il nous y dise tous ses secrets de fabrication, encore qu'il y entre dans des détails très précis, mais parce qu'il a su à merveille y traduire l'esprit dans lequel il a conduit ses travaux.


De cet esprit, le titre lui-même de l'essai témoigne magnifiquement. Claude Arnaud a vu juste, il s'inspire du Traité de divers arts de Théophile, dont il serait dommage de vous priver de la citation qui ici sert de frontispice à l'ouvrage entier:

"O toi qui liras cet ouvrage...je t'enseignerai ce que savent les Grecs dans l'art de choisir et de mélanger les couleurs; les Italiens, dans l'art de dorer, dans la fabrication des vases; les Toscans, dans celui de nieller et de travailler l'ambre; les Arabes, dans la ciselure et les incrustations.

Je te dirai ce que pratique la France dans la fabrication de ses précieux vitraux qui ornent ses fenêtres (Theophili diversarum artium schedula)."

Evocation, invocation, incantation, presque une prière, j'écoute cela comme un chant d'amour. En voulez-vous une autre preuve? Voici cette fois les deux dernières lignes du livre de Burgsthal:

"Les vitraux n'ont été signés, ni datés, jusqu'à la fin du XIVème siècle. C'est la France entière qui en est l'auteur."


Soit, me direz-vous, mais quand même, ce Burgsthal, pour se faire préfacer ainsi par un Paul Léon, entre autres titres professeur au Collège de France, il a certainement dû rédiger bien d'autres lignes que ces quelques envolées lyriques?

Et bien parlons-en, déjà, de cette préface. Il n'y va pas de main morte, lui non plus, le distingué membre de l'Institut et directeur général honoraire des Beaux Arts. En plus d'Albi et Fontfroide, il affirme que le palais des Papes d'Avignon a aussi été restauré par Burgsthal.

Et d'évoquer le lieu d'origine de ces vitraux décorant, dit-il, d'innombrables églises:

"La Verrerie des Filagnes, ferme antique accolée aux âpres montagnes qui dominent la vallée du Var.

Une écurie, une remise au toit de plus en plus disjoint sous l'assaut continu du lierre, c'est l'agreste et patriarcale usine d'où sortent tant de merveilles."


Manifestement, Noël est convaincu par le travail théorique et pratique de Burgsthal:

"La beauté de l'oeuvre réside dans son unité. Burgsthal conçoit et exécute, il dessine et il fond, il est son propre ingénieur.

Dans les fours qu'il a construits, c'est lui qui dirige et surveille toutes les phases de la cuisson. Du tas de sable originel à la pose même du vitrail serti dans son armature, aucun détail ne lui demeure indifférent ou étranger.

Nulle intervention que la sienne. Il est son juge et sur lui-même exerce sa propre critique. S'il oeuvre comme le faisaient les ancêtres du Moyen Age, s'il réussit à retrouver la trace de leurs procédés et l'essentiel de leurs secrets, il sait, d'autre part, adapter à ses mystérieuses recherches l'outillage le plus moderne...

Traditionnel et novateur, il nous rend la vraie beauté d'un art trop souvent détourné de son sens et de sa fin. Nul n'est mieux qualifié pour nous initier à l'histoire du verrre.

Modeste et silencieux, tendu vers le souffle du feu, sans cesse épiant la vision créatrice de la matière, Burgsthal sort aujourd'hui de sa réserve. Il raconte, il explique en maître.

Remercions-le d'avoir fait vivre à nos yeux et à nos esprits le plus antique et le plus moderne des arts, celui en qui, plus qu'en tout autre, la flamme épure et vivifie."


Allons, pour terminer je vais justement vous donner un petit aperçu de ce que raconte Burgsthal, de façon à vous donner encore plus envie, et de lire son livre, et de contempler ses vitraux:

"La couleur rouge se perd très souvent. Elle apparaît dans le vaisseau quand on y regarde, et aussitôt après, elle est disparue, le verre se décolorant du rouge; il ne faut pas se décourager, mais rajouter encore des scories de fer, puis du cuivre, et tâcher que le vaisseau reste sur la mer du Feu, sans qu'il n'arrive aucun vent qui ne batte les flammes.

C'est l'apparition du vent sur les flammes qui fait disparaître la couleur rouge. Combien de fois cette expérience est décevante! Mais quand l'ouvrier a réussi à retenir le rouge, il peut être fier d'avoir atteint, par cette épreuve, le rang de Maître dans l'Art de la Verrerie."

Et encore:

"Les bleus des XIIème et XIIIème siècles sont brillants et possèdent une qualité particulière qui les fait paraître bleus à la lumière artificielle, tandis que ceux des époques postérieures passent au gris aqueux ou au violet."

"Alors toute la France n'est qu'un vitrail. Toute la France n'est que pierres sertissant pierres, les sculptées enchâssant les précieuses."

Deux tout derniers mots, si Burgsthal était niçois, Fayet était biterrois. Je ne serais pas autrement surpris que l'hotel Fayet de Béziers, qui abrite une partie du musée des beaux-arts de la ville, contienne une part au moins des archives Billa, de provenance nissarde.

Dans son opuscule sur L'abbaye de Fontfroide (Carcassonne, Gabelle, 1932 et Lacour, Nîmes 1999), Charles Boyer, qui s'est manifestement inspiré d'un essai de René-Louis Doyon: L'art décoratif moderne, d'autres couleurs, ou les tapis de Gustave Fayet (La Connaissance, Paris, 1924), y insiste en tout cas:

"Le propriétaire de l'abbaye, Gustave Fayet, voulant garder à Fontfroide son aspect mystique, connut le verrier Burgsthal qui fit pour l'abbaye des vitraux symboliques avec les couleurs perdues depuis le treizième siècle. Ces vitraux montrent que Fontfroide tendait dans la pensée de Fayet à devenir un Montsalvat laïque."


Enfin, je vous signale que "l'éclat retrouvé des vitraux de Fontfroide" a fait l'objet d'un excellent article dans le numéro 158 de la revue Demeure historique, en 2005.

Florence Trubert y précise que les vitraux de l'abbatiale sont fabriqués à partir de verres colorés dans la masse, Burgsthal retrouvant les couleurs des grandes cathédrales, le bleu de Chartres, le rouge rubis de Bourges, et les grisailles. Conclusion de Trubert:

"Formulons le voeu que, parée de ses vitraux restaurés, l'abbaye de Fonfroide poursuive sa traversée des siècles en restant fidèle à l'image magnifique qu'en a eue Richard Burgsthal:

"Impressionnante comme un jugement et calme comme une litanie."

Actuellement propriété de la famille de Nicolas d'Andoque, soutenu par sa fille Laure et Nicolas de Chevron-Villette, mari de cette dernière, cette abbaye des plus vastes (11000m2) et des plus anciennes est toujours en cours de restauration.

Mais qui s'y souvient encore de Richard Burgsthal? Dans son savant ouvrage intitulé Journal inédit de Ricardo Vines (Aux amateurs de livres, 1987), et sous-titré Odilon Redon et le milieu occultiste, Suzy Levy nous propose en tout cas un édifiant inventaire d'une partie de la bibliothèque de l'abbaye de Fontfroide.

Citons sans surprise excessive mais avec une délectation certaine un petit nombre de ces livres si "julienchampagnesques": Papus, La pierre philosophale (1889); Albert Poisson, Nicolas Flamel (1893); Sédir, Bréviaire mystique (1909); Cyliani, Hermès dévoilé (1915); Paul Le Cour, L'ère du verseau (1937, dédicacé en 1940 à Madame Fayet d'Andoque); René Schwaeblé, Cours pratique d'alchimie (sans date).

En effet, sans date, c'est-à-dire comme l'abbaye: hors du temps, intemporelle.




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