Atchoum en soit chaleureusement remercié, en cette fin d'été, nous allons pouvoir grâce à lui rendre hommage à un scientifique qui était aussi un humaniste, et dont l'intérêt pour l'alchimie a été précoce, profond et durable.
Gabriel Edmond Monod, dit Monod-Herzen (1899-1983) était pratiquement un contemporain d'Eugène Canseliet, puisqu'il est né la même année que lui et nous a quittés un an après lui.
Comme je voudrais concentrer mon propos sur son apport à l'hermétisme, aussi substantiel que méconnu, je vous invite si vous voulez découvrir une personnalité aussi riche dans toutes ses facettes, à consulter certains sites qui l'évoquent, et où vous pourrez notamment vous rendre compte que cet homme de réflexion fut également un homme d'action:
http://www.monod-herzengabriel.fr/accueil/accueil.html
http://www.francaislibres.net/liste/fiche.php?index=86219
http://yoga-associationmosaique.blogs.letelegramme.com/archive/2010/11/30/gabriel-monod-herzen.html
Comme d'autres alchimistes de son époque, à commencer par Julien Champagne, il fut proche dans sa jeunesse, ou plutôt dès son jeune âge, de la Société Théosophique.
C'est donc dans la revue de la ST française, Le Lotus Bleu, qu'un tout jeune homme publia un des premiers compte-rendus parus sur l'édition originale des Fulcanelli.
Nous avons déjà relevé celui de Paul Le Cour dans le périodique médical AEsculape (cf. notre article AEsculape de Champagne), sur le Mystère des Cathédrales de 1926, celui de Monod a trait aux Demeures Philosophales (1930).
Il est précoce, puisque je pense qu'il est paru en mai 1931.
Comme l'article de Gabriel Edmond est assez bref, ouvrant en fait la rubrique bibliographique de la fin de la livraison ad hoc du Lotus Bleu, j'ai pensé que le mieux était sans doute, avant de le commenter un tantinet, de vous le livrer dans son intégralité.
Comme on voit, Monod-Herzen se réfère d'emblée à la première oeuvre de Fulcanelli, dont il connaît donc l'existence, sans que nous puissions être sûrs qu'il l'ait lue, car il ne semble pas faire de distinction particulière, sur le fond, entre Mystère et Demeures.
On se réjouira, je pense sur ce blog, qu'il ait été sensible à l'esthétique du livre qu'il a eu entre les mains, et en particulier à ses splendides illustrations. Voici donc apparaître d'emblée Julien Champagne.
Monod s'interroge ensuite rapidement sur le fait que cet ouvrage ait pu être écrit par un ou plusieurs auteurs...Pas mal, en 1931. Et voilà donc aussitôt devant nous Fulcanelli et Eugène Canseliet.
Et puis, Gabriel Edmond n'est manifestement pas un novice. Il est déjà conscient des particularités du symbolisme alchimique, de ses pièges, qu'on ne peut déjouer sans une étude approfondie, de sa cabale...Pour lui, Fulcanelli est certes très instruit, mais ni plus charitable ni plus envieux que ses prédécesseurs. Nous n'y contredirons pas.
A l'inverse, nous devenons un peu plus sceptiques quand notre théosophe affirme que Fulcanelli ne donnerait aucune directive (ou presque) sur la façon d'extraire la vérité alchimique dont il se fait un héraut.
Je me demande même, à sa lecture, s'il a bien compris que l'alchimie a exigé, exige, non seulement l'étude et la prière de l'oratoire, mais aussi la confirmation, ou une confirmation, par le laboratoire, dont récemment encore Patrick Lebar et Roger Bourguignon, viennent, chacun à sa manière, de nous entretenir publiquement:
http://www.editions-arqa.com/editions-arqa/spip.php?rubrique53
Enfin Gabriel Edmond Monod nous prouve qu'on peut avoir trente ans, et faire montre d'un esprit critique acéré, allant jusqu'à découvrir quelques anomalies, qu'il prend peut-être un peu hâtivement pour des erreurs, dans le texte et les illustrations des Demeures.
Peut-être aurait-il été mieux inspiré, à mon humble avis, d'y relever comme des sortes d'indications, dans certains cas au moins.
Prenons rapidement quelques exemples. Factuellement, on verra qu'il a raison (cf. notre article Constance de Champagne) sur le "prudentia linitur dolor."
Il serait aisé de plaider la faute de typographie, mais surtout, en quoi ceci grève-t-il la leçon de Fulcanelli? De même (cf. encore notre article ci-dessus) sur le "luz in tenebris lucet", son point de vue nous semble un peu réducteur.
Pourquoi évoquer, certes négativement, une erreur inexpliquable du graveur, bien invraisemblable, alors que ce mot de luz, considéré comme espagnol par Fulcanelli, l'est bien en effet, et que l'auteur des Demeures, loin d'ignorer l'hébreu, y fait précisément référence à propos de ce motif?
Cela n'enlève rien, cependant, au mérite de l'analyse sur ce point de Monod-Herzen, ni à sa...lucidité générale, puisqu'il conclut, malgré de "petites imperfections", à la valeur considérable de l'ouvrage dans son ensemble.
Ensuite, Gabriel Edmond a eu le mérite de poursuivre assidûment son étude de l'alchimie, puisqu'on lui doit au moins deux ouvrages significatifs sur ce sujet:
De mon point de vue, son étude sur L'alchimie méditerranéenne, centrée en fait sur la Table d'Emeraude, et publiée elle aussi sous les auspices de la S.T. (Adyar, 1963), reste une des approches modernes les plus intéressantes sur le Credo des alchimistes, avec d'ailleurs des références à Julius Ruska et Paul Chevallier qui prouvent le sérieux et l'honnêteté de Monod.
Un Chevallier que n'ignora pas non plus, d'ailleurs, un Eugène Canseliet, dont le petit essai sur la Tabula Smaragdina, récemment publié par Arqa, mérite lui aussi pour l'occasion d'être à nouveau salué...
Enfin, Monod-Herzen a aussi approfondi son interprétation du symbolisme alchimique, et bien qu'édité après son décès, son Alchimie et son code symbolique (Rocher, 2000), reste un outil de travail des plus utiles, avec d'autres, comme (notamment) ceux de Suzanne Colnort-Bodet et Léon Gineste.
Et puisque nous sommes en train de rejoindre progressivement l'actualité, relevons avec plaisir le fait que la dernière livraison de la revue Atlantis, au second trimestre de 2011, vient de consacrer l'essentiel de son propos (et sa couverture) à l'alchimie, au travers d'un dossier spécial sur Rouen, cathédrale alchimique.
Dû à Jean-Pierre Bollen, ce dossier d'une grande érudition vient après d'autres travaux récents, tel celui sur Chartres de Patrick Burensteinas, conforter encore les vues de Fulcanelli sur le mystère de nos cathédrales.
Bollen y avance au demeurant avec plus ou moins de justesse l'idée que la basilique n'ait pas été évoquée par Fulcanelli ou Eugène Canseliet, ce qui ne nous semble pas absolument incontestable.
Si on ouvre l'Index Canseliet de Jean Laplace, il est vrai, certes, que Rouen n'y figure pas; mais dans celui de Bernard Allieu et Bernard Lonzième sur Fulcanelli, c'est le contraire qu'on pourra vérifier, y compris pour sa cathédrale.
Ceci dit, reconnaissons volontiers que ce monument n'avait pas été jusqu'alors traité comme il convenait dans sa dimension alchimique, et donc sachons gré à Jean-Pierre, fin connaisseur et de l'alchimie et de notre belle Normandie, d'y avoir consacré l'étude générale qu'effectivement il méritait, à l'instar de ceux de Paris, d'Amiens, et d'autres sans doute.
"Parmi les édifices qui nous offrent des roses étoilées à six pétales, reproduction du traditionnel sceau de Salomon, citons la cathédrale Saint-Jean de Lyon...le portail de la Calende à la cathédrale de Rouen..." (Fulcanelli, Mystère).
Un des intérêts de l'étude de Bollen est d'ailleurs de chercher à retrouver une parenté d'inspiration entre les divers édifices, et de dégager ainsi certaines similitudes, déjà évidentes à Paris et Amiens, puis à Chartres, et désormais aussi à Rouen.
Il en fournit en particulier une démonstration illustrée à propos du "combat des deux natures", que je ne reproduis pas ici, car malheureusement certains clichés ne sont pas, à la reproduction atlantéenne, d'une qualité suffisante.
Espérons donc que cet article pourra être repris, éventuellement en livret ou en livre, et dans l'attente contentons-nous de savourer comme il le mérite ce "bel ouvraige", au travers en particulier de deux des médaillons rouennais:
L'un a trait selon l'auteur, que nous suivons volontiers, à la création du monde (et ajouterons-nous pour notre part aux conditions de l'OEuvre).
L'autre est ainsi commenté par Jean-Pierre Bollen, à qui bien sûr nous entendons laisser ici le dernier mot:
"L'alchimiste de la cathédrale de Rouen a reçu le Lion Vert et il nous le montre en transmutation...Il se trouve, ici, en plein travail de l'union du fixe et du volatil."
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