Le testament de Julien, nous l'avons déjà évoqué en son temps et ici même (à la fin de notre article de ce blog qui est intitulé Champagne en 1931) et nous en avons même reproduit la partie finale, ponctuée par une signature qui nous est désormais ô combien familière.
Le moment est sans doute venu d'y revenir, et d'en donner de nouveaux extraits, significatifs à notre sens d'une personnalité de grande qualité, et non dépourvus au demeurant d'un certain intérêt pour l'histoire de l'hermétisme contemporain.
Quoiqu'il nous soit parvenu complet en apparence, grâce à l'obligeance de Xavier, que nous ne remercierons jamais assez de sa générosité, il se trouve dans un état tel que nous préférons en réserver la transcription totale, en espérant que peut-être notre compère Artero voudra bien l'inclure dans la biographie qu'il compte consacrer à "Hubert."
Ce document olographe nous semble rigoureusement authentique, il va sans dire, et on pourra constater sans surprise excessive qu'il est adressé à la soeur de notre artiste et alchimiste, qu'il appelle ici Reine, et non Renée.
Cette année là, Julien Champagne se sent gravement malade et semble même se savoir être condamné à une mort qu'il pressent comme prochaine.
N'ayant pas de descendance prouvée à notre connaissance, il se tourne donc assez naturellemment vers "Renée", dont il paraît avoir été plus proche sur le tard que de son frère Félix, sachant qu'une brouille pourrait même avoir éloigné l'un de l'autre les deux frères, que ce fût ou non durablement.
Comme nous l'avons déjà constaté récemment, Reine et Julien, ainsi sans doute que son beau-frère Gaston Devaux, ont sans doute partagé aussi certaines préoccupations alchimiques (cf. Esmeralda de Champagne).
En tout cas, nous allons bientôt pouvoir vérifier ensemble à quel point Champagne croyait pouvoir se fier à sa soeurette, et à quel point également il a eu raison de le faire.
Bien évidemment, il n'est pas question d'alchimie stricto sensu dans ces quatre feuillets, mais au delà du fait que Julien cherche bien sûr à rassurer Reine et à la consoler, c'est toute une philosophie de la vie et de la mort qui s'y exprime librement, et presque joyeusement.
On y retrouve donc sans peine les conceptions et les valeurs propres à l'hermétisme et partagées avec bien des ésotérismes, pour lequel (et lesquels) la mort corporelle est finalement surtout un passage obligé vers une forme de renaissance.
Pour sa part, l'esprit, que Champagne estime être forcément ailé, aura dès lors accès à la connaissance totale, non seulement du continuum matière-espace-temps, mais du mystère de la destinée de l'homme.
Faute d'avoir complètement abouti dans son entreprise alchimique, "Hubert" en réaffirme donc les fondements principaux et ce que la Science ne lui a pas offert, il espère simplement que la Religion le lui apportera.
Cette mort qui est communément considérée comme un scandale, et dont on veut parfois imputer la responsabilité de l'existence au Créateur même, Julien se la représente donc comme une authentique bénédiction.
Pour lui elle est l'expression même de la mansuétude divine, puisqu'aussi bien en naissant nous sommes -chaque jour- condamnés à mourir.
Et c'est bien sûr la vision traditionnelle qui conclut en définitive cette démonstration de sagesse si bien sentie: Les élus (oserons-nous ajouter: enfants d'Elie?) ont pour domicile le ciel.
On le voit, tel membre de la famille d'Eugène Canseliet (je crois me souvenir qu'il s'agit de sa fille Isabelle), avait bien raison, ayant lu certaine correspondance émamant de Champagne, de conclure à l'expression qu'elle y a trouvé d'une belle individualité.
Maintenant, il m'est impossible de continuer à passer sous silence plus longtemps le fait que Jean-Julien a donné à sa soeur aimée des instructions particulièrement nettes sur la façon dont il comptait être enterré.
Comme on pourra le vérifier en relisant mon article "Renée Devaux et Julien Champagne", Reine s'en est fait ensuite l'écho on ne peut plus fidèle dans sa lettre bien connue à René Schwaller, qui s'était offert à financer la sépulture de son ami.
Est-elle bien fleurie, désormais, la tombe de notre "apôtre de la science hermétique"? Et qui, dans la descendance de Renée, de Félix, ou autre, me rejoindra quand je prône, avec Ibrahim notamment, la restauration de la stèle voulue par Champagne, et mystérieusement disparue il y a quelques années?
Comme ce blog a aussi ou surtout pour objet d'honorer sa mémoire, je crois qu'il fallait que ceci soit de nouveau rappelé, puisqu'il en a notamment encore été question au récent colloque Fulcanelli.
Comme je viens de mentionner Schwaller, dit Aor, au "nom de lumière et d'or", nous allons à ce stade entrer dans des détails apparemment triviaux du testament de Julien, où sont également mentionnées de petites sommes d'argent.
Mais en fait, nous trouvons ici bien plutôt la confirmation du lien très fort qui unissait Julien à René, lien que nous avons souligné à maintes reprises.
Champagne a donc été rétribué après sa prise de fonctions comme directeur technique des laboratoires Suhalia, fondés en Suisse par Schwaller, et à l'existence relativement éphémère.
Il me semble que ce fait n'était pas bien connu jusqu'alors, il est désormais établi comme il méritait de l'être, et nous avons ici à nouveau devant nous un autre Julien que, par exemple, "l'ingénieur de Nicolas II" du fameux traîneau à hélice: Le scientifique, le chercheur, le chimiste.
Le legs enfin, consenti à Reine par Champagne, dont nous n'évoquerons pour l'instant qu'une partie, est visiblement très large, même si ses biens matériels restent modestes.
Il s'accompagne de quelques dons divers, comme un portrait laissé à une dame Bergeron, sur qui et sur lequel on aimerait en savoir plus.
Il va de soi que l'oeuvre du peintre et dessinateur revient ainsi, dans son ensemble, à sa soeur, mais Julien lui laisse aussi la propriété de ses livres.
Nous savons donc désormais qui a hérité légalement et directement de l'ensemble de la bibliothèque de Julien Champagne.
Eugène Canseliet, qui fut l'élève et l'ami d'"Hubert" pendant presque vingt ans, n'est cependant pas oublié. Outre le fait que le premier avait prêté au second des ouvrages que Reine est chargée de lui restituer, elle pourra aussi, précise Champagne, lui donner les livres dont elle n'aurait pas l'usage.
Et puis Julien laisse à Eugène ce mystérieux fichier, comme déjà indiqué, et comme prouvé désormais, fichier qui ne peut être à mon avis qu'alchimique et dont on peut, et même on doit, continuer à sa demander ce qu'il est devenu.
Comme ceux de Fulcanelli, de Canseliet lui-même...
Je m'en voudrais, finalement, de ne pas mettre en garde contre les interprétations erronées et éventuellement malveillantes qui pourraient être faites de l'expression "brave garçon" utilisée par Champagne à propos d'Eugène: Il convient selon moi de la prendre dans un sens positif, celui de la bienveillance, justement, d'un ami aîné pour son disciple, et cadet de plus de vingt années.
On retrouvera avec plaisir Julien Champagne, Eugène Canseliet et bien sûr Fulcanelli dans le numéro spécial que la revue Planète Gaïa vient en juin 2011 de consacrer à l'alchimie.
C'est toujours une joie pour nous de saluer la parution d'une nouveauté significative dans notre domaine de prédilection, même si nous regrettons que Jean-Julien y soit très injustement qualifié de "rapin", ce que vient opportunément démentir, aux yeux de tous, le choix de la couverture de cette livraison, représentant bien sûr le magistral Vaisseau du Grand OEuvre de Champagne.
On pourra donc lire avec intérêt dans cette publication les articles que Planète Gaïa a réunis sur la Science des Sciences, en particulier et dans l'ordre alphabétique ceux de Georges Combe sur Le voyage alchimique de Patrick Burensteinas, de Geneviève Dubois sur Henri Coton-Alvart, d'Arnaud de l'Estoile sur Roger Caro et la voie dite du cinabre, enfin de Richard Khaitzine (conseiller de rédaction) sur L'histoire moderne de l'alchimie.
Ce dernier article, notamment, comporte une chronologie détaillée qui pourra rendre d'éminents services à certains chercheurs.
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Bon été à chacune et à chacun, qu'il soit illuminé pour vous par la splendeur du soleil.
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