Les armes parlantes de Johann Valentin Andreae nous aideront peut-être à bien rendre compte du récent colloque Fulcanelli, qui s'est tenu le 7 mai 2011 au Pradet, dans le Varois français, colloque où après tout il a aussi été question non seulement d'Héliopolis, mais aussi de R+C.
Disons d'emblée que cette première mondiale semble avoir été un sucès complet, de l'avis général, et que nous ne pouvons ici que nous en féliciter.
Parfaitement organisée par la librairie toulonnaise La Table d'Hermès, d'Antoine Palfroy, en outre président de l'Association de la Société Savante Amicale (ASSA), et par les Editions de la Pierre Philosophale, de Serge Goasguen, la journée consacrée au séminaire s'est déroulée dans une excellente ambiance, associant bonne humeur et ouverture d'esprit.
http://www.librairie-tablehermes.com/fr/
Les quelque cent auditeurs payants recensés témoignent à eux seuls de la vitalité du courant alchimique, non seulement en France métropolitaine, mais aussi en Europe (Belgique, Danemark, Espagne, Suède...) et en Amérique (Antilles françaises, Equateur, Etats-Unis...) notamment.
Parmi les rencontres informelles qu'il était possible de réaliser tout au long de la session, mentionnons dans l'ordre alphabétique celles de Franck Agier, Daniel Bleux, Christer Böke, Jean-Luc Chaumeil, Bernard Chauvière, Frédérick Coxe, Daniel Dumolard, Geneviève Dubois, Pierre-Alexandre Nicolas, Philippe Subrini...
Les "conférenciers" nous ont appris que, dans l'attente de la publication écrite des actes du colloque, prévue dans quelques mois, Baglis TV mettrait en ligne, dans quelques semaines, certaines au moins des prestations effectuées.
Le programme prévu a été intégralement respecté. Jean Artero (Présence de Fulcanelli, 2008 et Alchimie de Lesseps, 2010, parus chez Arqa) a commencé par caractériser l'alchimie de Fulcanelli, qui pour lui est avant tout une alchimie de la lumière.
Puis Patrick Burenteinas, auteur notamment de Le disciple, trois contes alchimiques (2004) et de De la matière à la lumière (2009), ouvrages parus au Mercure Dauphinois, qui intervenait en lieu et place de Walter Grosse, finalement retenu au Portugal, a concentré son propos sur le fait qu'en alchimie opérative, s'il n'y a qu'une lumière, il y a des ténèbres: L'alchimie est donc bien une quête de la lumière dans la matière.
Christian Dumolard (Croquis alchimiques du plafond de l'hotel Lallemant à Bourges, L'Or du Temps, 1982 et 1991) s'est ensuite interrogé sur le sens des erreurs apparentes qu'il a décelées dans l'oeuvre écrite de Fulcanelli, notamment en matière architecturale, ainsi que sur la signification de certaines anomalies ou silences fulcanelliens.
Michel Dziwak, auteur de Voir les étoiles au fond du puits (La Pierre Philosophale, 2011) a mis à son tour en perspective la relation complexe qui s'est depuis quelques siècles instaurée entre la science officielle et l'alchimie.
Enfin René Lachaud (L'Egypte ésotérique des Pharaons, Trajectoire, 2008) a fourni à l'auditoire une démonstration sur une alchimie égyptienne bien plus ancienne et sophistiquée qu'on ne le croit généralement. S'il se confirme qu'il prépare un livre à ce sujet, la lecture devrait en être passionnante.
Et Julien Champagne dans tout ça? Nous y venons. D'abord, plusieurs intervenants (Artero et Dumolard au moins) ont plaidé pour une reparution des ouvrages de Fulcanelli tels qu'il les approuvés, c'est-à-dire non seulement avec le texte d'Eugène Canseliet, mais aussi avec les illustrations d'"Hubert": Affaire à suivre.
Ensuite, un temps fort du colloque a incontestablement été la présentation par Phillipe Buchelot (Belgique) du livre de Filostène (Fulcanelli exhumé, La Pierre Philosophale, 2011).
Dans cette publication se trouve la reproduction d'une lettre de Pierre Dujols à Paul Decoeur qui vient manifestement à l'appui de la thèse de Walter Grosse, déjà examinée ici-même, et d'ailleurs récemment reprise par son auteur (Le puzzle Fulcanelli, La Pierre Philosophale, 2011): Fulcanelli ne serait autre que Decoeur.
Datée de 1911, la missive de "Magophon" est très troublante, puisqu'il y qualifie Decoeur de Vulcain Solaire, en le complimentant de son succès en alchimie, intervenu à ce qu'il dit deux ans plus tôt (1909).
Probablement authentique, ce document n'est pas pour autant définitivement probant. Vulcain Solaire est-il bien Fulcanelli? Ce dernier est il arrivé au bout de sa quête en 1909 (cela semble précoce)? Si Decoeur est Fulcanelli, son décès en 1923 pour l'état-civil est-il compatible avec l'activité postérieure de Fulcanelli (1924, assiste aux obsèques d'Anatole France, 1925, approuve la préface de Canseliet au Mystère des Cathédrales, etc)?
Mais à l'inverse, il est impressionnant de contater que Dujols et Decoeur sont liés, et liés en alchimie. D'autant que l'épistole de "Magophon" à "Vulcain Solaire" est adressée aux bons soins de Charles de Lesseps, fils de Ferdinand, ce que Filostène explique par le fait que Decoeur serait en fait secrètement apparenté aux Lesseps. Voici donc pour la première fois à notre connaissance établi le lien Dujols-Lesseps.
Filostène paraît d'ailleurs avoir accès à une documentation sur cette époque, dont il n'utilise qu'une partie dans ce livre, et qui lui viendrait indirectement d'un secrétaire de Dujols. C'est ainsi qu'il nous gratifie de documents aparemment inédits, comme le portrait reproduit ci-dessus de "Magophon" en 1885, ou celui (ci-dessous, non daté dans le livre)...du père de Julien Champagne.
Ce dernier, cocher chez les Lesseps depuis 1896, aurait ensuite fait entrer Julien à leur service. Alphonse Hubert Champagne est qualifié au verso du cliché de "fiacre et messager fidèle de Charles de Lesseps."
Pour en revenir à la correspondance de Dujols, finalement, Julien Champagne y est bel et bien mentionné, et pas sur un mode mineur, puisque nous y trouvons la confirmation de l'existence d'une étude (alchimique?) sur la cathédrale de Chartres, que Dujols a "rendue" à Champagne.
La fin du paragraphe est particulèrement étonnante: Dujols avoue à Decoeur qu'il ignore si Champagne compte s'en inspirer pour un texte à publier sur cette cathédrale, et paraît solliciter l'avis de Decoeur.
Quoiqu'il en soit, on voit bien ici la force de la relation Dujols-Champagne (et on ne peut que s'interroger sur l'auteur des quinze feuillets dont il s'agit, même si ce n'est en principe ni Champagne, ni Decoeur). Cette étude actuellement disparue pourrait avoir constitué un projet pour un possible chapitre Chartres du Mystère des Cathédrales.
Toujours dans la lettre à Decoeur, Dujols paraît mentionner leur maître commun en alchimie, "notre bon vieux maître, véritable Chouan et disciple breton des anciens druides."
Ce chouan a été identifié par Filostène et Nicodème (Le Maître secret de Fulcanelli, La Pierre Philosophale, 2011) comme étant le Nantais Pierre Aristide Monnier (1824-1899), auteur notamment du traité alchimique Clef de Saint-Jean et de Michel de Nostredame (Mazeau, 1872 et Arma Artis, 1983), dû en apparence à un certain "M.A. de Nantes."
L'excellent livre de Nicodème a fait l'objet au colloque d'une non moins remarquable communication d'Eric Calendrier. Décidémment, les éditions de La Pierre Philosophale viennent de prendre un beau départ, avec aussi, toujours en 2011, La clé alchimique de l'oeuvre d'Hergé, d'Etienne Badot, et...La pierre philosophale scientifique, de Walter Grosse.
http://lapierrephilosophale.free.fr/editions/index.html
Notre conclusion sera donc simple: des colloques comme celui-ci, on en re-de-mande!
Les deux ARCHERs de Basile Valentin,
premier ou véritable initiateur, resté anoNyme, de Fulcanelli