Comme annoncé, nous reprenons (brièvement) la parole afin de signaler quelques publications qui nous semblent significatives dans le cadre imparti à ce petit blog.
Nous commencerons volontiers par la récente parution aux éditions de La Pierre Philosophale du second ouvrage de Filostène (junior), dont nous ne pouvons évidemment que recommander la lecture...attentive. Il s'agit naturellement de son De Vulcain Solaire à Fulcanelli:
http://lapierrephilosophale.free.fr/lapierrephilosophale/page1.html
Ayant en son temps commenté le livre précédent de Filostène (Fulcanelli exhumé, même éditeur, 2011) dont cestui constitue à maints égards le prolongement, nous allons chercher à nous concentrer sur ce que nous croyons être l'essentiel.
Cet essentiel est à notre avis qu'après avoir identifié l'an dernier Paul Decoeur (1839-1923) comme alchimiste sous le pseudonyme de Vulcain Solaire (et non Fulcanelli) au travers d'une lettre que lui adressa Pierre Dujols en 1911, l'auteur rapproche cette fois Vulcain et Fulcanelli (c'est tout le sens du titre de 2012).
Il le fait maintenant en reproduisant une autre missive du même Magophon, adressée en 1906 à Roussel (très vraisemblablement Raymond Roussel).
Précisons aussitôt que sur les quelque 250 pages publiées de son travail, la moitié environ est consacrée à ce sujet, et que le reste, pour intéressant qu'il soit, c'est-à-dire un survol personnel de l'histoire de l'alchimie, de sa théorie et de sa pratique, échappe naturellement à notre modeste propos.
On nous a déjà interrogés sur l'authenticité de cette missive que nous ne pouvons hélas reproduire ici, mais dont il sera possible de se faire une idée en consultant le blog de l'éditeur:
http://editionslapierre.blog.free.fr/index.php?post/lettre-de-Pierre-Dujols...
En effet, on peut se poser quelques questions sur la façon dont cet autographe de Dujols est passé de Samuel Cohen Lidiakos (secrétaire de Dujols vers 1911) aux deux Filostène (sénior et junior), d'autant que cette lettre est supposée être parvenue à Roussel (Raymond de son prénom).
D'un autre côté, Dujols aurait pu en garder un double (cette pratique semble avoir été aussi celle d'un Eugène Canseliet, par exemple).
Je suis un peu plus interpellé par la comparaison qu'on peut faire entre les signatures de Dujols en 1906 et 1920 (cette dernière étant reproduite par Canseliet justement à partir de la deuxième parution de ses Deux Logis). Elles paraissent très semblables, mais mon impression est que Magophon écrit mieux sur le tard que précédemment, ce qui pourrait paraître paradoxal.
Cependant, n'étant pas graphologue, je suis partisan de considérer qu'en principe ce document (comme celui de 2011 reproduit dans le Fulcanelli exhumé) est authentique, d'autant que connaissant Filostène je n'ai aucune raison particulière de suspecter son honnêteté foncière.
Ceci étant posé et pour en venir au fond, cette correspondance Dujols-Roussel est indibutablement du plus haut intérêt, d'une part parce qu'elle nous prouve que comme Eugène Canseliet et Richard Khaitzine notamment l'ont soutenu, il y a une réelle proximité entre Fulcanelli et Roussel, d'autre part parce qu'elle installe objectivement Paul Decoeur dans le premier cercle fulcanellien, et comme alchimiste, voire comme le ou au moins un concepteur de l'oeuvre de Fulcanelli.
Encore qu'à ce stade, il ne soit visiblement question que du Mystère des Cathédrales, et non des Demeures Philosophales, et bien sûr encore moins du Finis Gloriae Mundi. Mais la chronologie telle que nous la connaissons à ce jour semble respectée à ce moment: Champagne entre en relation avec Fulcanelli vers 1905, et dès 1906 dessine son principal ex-libris, précurseur dans une certaine mesure du frontispice du Mystère.
Il me paraît cohérent en outre de considérer que le dit Mystère aurait pu dans un premier temps être illustré par un autre que Julien Champagne, certains médaillons de Notre Dame de Paris n'étant pas signés de lui, et ce même s'il ne signait pas toujours ses dessins. Enfin, je suis frappé par le fait que le projet initial portait non pas sur deux mais cinq cathédrales, tant il me semble évident que celle de Chartres au moins devait être concernée, comme d'ailleurs nous le prouve la lettre de Dujols à Paul Dec... de 1911 (également reproduite dans le Vulcain solaire de Filostène).
Si j'ajoute succintement que le rôle éminent de Dujols dans le "complot" fulcanellien est à nouveau conforté, ce qui ne manquera pas de faire plaisir à Geneviève Dubois, j'en aurai presque terminé avec les plus. Mais Filostène me paraît aussi avoir le grand, l'immense mérite même, d'accorder crédit à la parole de Canseliet. Et c'est ici qu'à mon sens le bât continue de blesser quelque peu.
Comment Decoeur, décédé en 1923 (ou 1924 selon Walter Grosse, dont les travaux antérieurs et déductifs avaient déjà permis de remonter jusqu'à Decoeur, ce que les deux documents "inventés" par Filostène ont ensuite quasi miraculeusement permis de valider plus ou moins) aurait-il pu, dixit Canseliet, non seulement assister en tant que Fulcanelli aux obsèques de son ami Anatole France en 1924, mais encore approuver la préface du Mystère (1925), retirer à Eugène le Finis (1927 ou 1928), approuver les Demeures (1929)? On ne voit pas très bien.
Ces doutes qui me semblent raisonnables étant posés, concluons donc provisoirement qu'il y a là non pas "lumière sur lumière" (Coran), mais mystère sur mystère. Et puisqu'il vient d'être question de Grosse, signalons la nouvelle initiative de Dominique Dubois, qui après son passionnant périodique Historia Occultae nous propose ces jours-ci une nouvelle revue: Les Cahiers de l'Ailleurs, où Walter initie une dissertation savante sur Le gothique chimique (et où, entre autres articles de qualité, Denis Andro nous propose des informations nouvelles sur Félix Gaboriau, possible initiateur en alchimie de Julien Champagne).
Finalement, pour nous tourner vers l'étanger, j'estime nécessaire de saluer quelques initatives en cours de la si bien nommée maison Salamander & Sons, qui publie un inédit d'un alchimiste anglo-saxon largement méconnu en France, le In pursuit of Gold de Lapidus n'y étant pas encore été traduit:
http://www.salamanderandsons.com/modern-magistery/the-pass-keys.html
Salamander qui s'apprête également à faire paraître en anglais une nouveauté d'un groupe d'alchimistes espagnols: The dry path of Alchemy- In the footsteps of Fulcanelli.
http://thefirelizard.wordpress.com/category/alchemy-books/the-dry-path-of-alchemy/
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