Julien Champagne au printemps, et Fulcanelli en prime time.
Alors que les deux colloques consacrés à leur disciple Eugène Canseliet, en 1999 et 2009 (nos articles Champagne au colloque Canseliet et Champagne en Atlantis) n'ont hélas pas fait à ce jour l'objet d'une publication digne de ce nom, c'est-à-dire complète, le colloque Fulcanelli organisé en 2011 par Serge Goasguen et Dominique & Antoine Palfroy vient d'être heureusement traduit en "actes" édités conjointement en 2012 par La Table d'Hermès et La Pierre Philosophale.
Saluons donc d'emblée cette rigueur dans la démarche, et réjouissons-nous tout aussitôt, en cet équinoxe si propice au labeur, que les dits actes soient explicitement dédiés "à la mémoire d'Eugène Canseliet et Jean-Julien Champagne, qui ont permis la diffusion de l'oeuvre de Fulcanelli."
Comme nous avions en son temps rendu compte de nos premières impressions à l'issue de cette manifestation (notre article Champagne au colloque Fulcanelli), nous voudrions simplement les compléter ici par quelques considérations purement subjectives, à la lecture de ce beau petit ouvrage, dont nous recommandons évidemment l'étude , en reprenant brièvement et une par une les interventions de chacun des "conférenciers."
http://lapierrephilosophale.free.fr/lapierrephilosophale/page1.html
http://www.lescahiersdelailleurs.fr/?p=344
Dans son exposé sur L'alchimie de Fulcanelli, une alchimie de la lumière, Jean Artero a essayé, au delà de la question de l'identité du maître alchimiste, d'inciter à la réflexion sur sa conception de l'alchimie:
"C'est sans doute le moment de nous rappeler de la définition obscure en apparence de l'alchimie qui a été avancée par Fulcanelli lui-même: "la permutation de la forme par la lumière."
Et le maître de Canseliet de scander immédiatement: "lumière, feu, ou esprit." Et même d'insister par ailleurs: "l'esprit, flamme divine." Et enfin, "l'esprit, feu ou lumière cachée." L'objectif à atteindre est ici clairement énoncé, malgré tout, et je suis tenté pour ma part d'interpréter cette permutation de la matière informée comme son bouleversement, comme une permutation des éléments qui la constituent."
Dans son De la matière à la lumière, traduisant le point de vue d'un opératif, Patrick Burensteinas est également revenu à plusieurs reprises sur la portée de l'enseignement dispensé par Fulcanelli:
"Dans un de ses livres, Fulcanelli écrit textuellemment: "l'antimoine est la matière première", et puis quelques pages plus loin "l'antimoine n'est pas la matière première; dans les deux cas, il a raison."
"Le premier travail de l'alchimiste, avant de faire entrer la lumière dedans, sera de l'éveiller."
"Ce sera la première chose, mais pas la seule, l'animation du mercure. Je n'en parlerai pas, parce que je ne peux en parler. Fulcanelli dit qu'il y a une raison hermétique."
Pour Philippe Buchelot, dans sa présentation de Fulcanelli exhumé, il s'agit avant tout de revenir sur la personnalité de Fulcanelli.
Selon lui, Paul Decoeur, alias Vulcain Solaire, dont l'identité a été mise en avant par Walter Grosse, est en fait apparenté à la famille des Lesseps et pourrait bien être notre "Volcan d'Elie."
Cependant, il nuance son propos, en l'absence dit-il de preuve indubitable: "Fulcanelli n''est pas Vulcain Solaire." S'interrogeant finalement sur le ou les initiateurs du maître de Champagne et Canseliet, il nous incite à regarder dans plusieurs directions:
"Fulcanelli aurait ainsi, d'une part un maître breton, et d'un autre côté une filiation sur Bourges. Un second initiateur donc dont les prédécesseurs ou les compagnons auraient été des Parisiens."Le berruyer en question serait Alphonse Brunet d'Anvaux.
D'après Eric Calendrier, Le maître secret de Fulcanelli est malgré tout principalement le Breton Pierre-Aristide Monnier, alias M.A. de Nantes, auteur notamment du traité Clef des oeuvres de Saint-Jean et de Michel de Nostredame.
Sa démonstration est notamment fondée sur deux arguments: l'usage du grec et l'intérêt apporté par "M.A." à la langue des oiseaux.
"Tout d'abord, l'usage du grec, pour Monnier une langue primordiale."
"Pierre-Aristide avait une tendresse particulière pour l'expression "langue ou langage des oiseaux"."
Avec Christian Dumolard (Le marécage et le piédestal) nous en revenons à l'oeuvre même de l'auteur du Mystère des Cathédrales et des Demeures Philosophales.
Pour lui, "Fulcanelli est le maître en alchimie du XXème siècle", ce qui ne le dissuade nullement de souligner ses contradictions et erreurs, réelles ou supposées.
Il relève en particulier le caractère collectif de l'élaboration de ces ouvrages: "L'idéal de ce groupe était de donner à l'alchimie des lettres de noblesse, en l'enracinant dans une connaissance secrète et lointaine, remontant au moyen-âge et au-delà, véhiculée par les images de pierre de nos cathédrales ou châteaux, réservées à des élites.
Ce fut là un travail formidable d'expression littéraire et iconographique, qui par l'élan impulsé porte encore aujourd'hui des fruits."
Egyptologue, René Lachaud nous a ensuite entrainés vers l'Alchimie d'Héliopolis, celle de l'ancienne Egypte, dans un exposé que j'ai personnellement trouvé spécialement brillant, et qui mériterait sans doute un examen approfondi.
Certes, quand il reprend à son compte la thèse...fulcanellienne selon laquelle "l'origine de l'alchimie occidentale est égyptienne", il n'arrive guère à nous surprendre.
Mais il va plus loin, car il dépasse les notions communément admises d'une antiquité récente, en étudiant les manifestations précoces de l'art de Thot-Hermès, bien avant Zosime de Panapolis et l'époque gréco-romaine. Enfin, il a développé des considérations dont la convergence avec le corpus de Fulcanelli est on ne peut plus frappante, à propos de certains temples de l'Egypte pharaonique, notamment ptolémaïque:
"Où sont les textes les plus hermétiques? Ils sont à l'extérieur du temple, au niveau de votre regard. Vous avez là toute la tradition hermétique et alchimique de l'Egypte. A l'intérieur, il n'y a que des anecdotes. Vous savez que le meilleur moyen de cacher quelque chose, c'est évidemment de le montrer."
Enfin, Michel Dziwak (Voir les étroiles au fonds du puits) s'est interrogé sur les rapports complexes entre alchimie et science officielle.
Tout en manifestant publiquement son scepticisme sur le caractère avéré des résultats de l'Art Sacré, il n'en a pas moins conclu son propos par un appel vibrant à une certaine ouverture d'esprit:
"La recherche d'une théorie unitaire reste un objectif commun aux alchimistes et aux physiciens actuels...L'alchimie apparaît encore, aux yeux de certains, comme la Science avec concience que Rabelais appelait de ses voeux.
Ceux-là ne comptent alors pas sur une de ces quelconques explications pour accorder du crédit à la discipline antique, préférant lui garder toute sa poésie et son mystère. Science où l'oratoire reste indissociable du laboratoire."
Pour en terminer avec les parutions récentes ayant retenu notre attention, je m'en voudrais de ne pas signaler deux d'entre elles:
D'abord la réédition par Massanne en 2012 de l'Histoire de la philosophie hermétique de Nicolas Lenglet du Fresnoy:
http://www.massanne.com/boutique.html?page=shop.product_details&flypage=flypage.tpl&product_id=237&category_id=5
http://www.massanne.com/components/com_virtuemart/shop_image/product/Histoire_de_la_P_4f695e0b9662f.jpg
Le livre troisième de ce classique du XVIIIème siècle, entre autres, demeure une véritable mine pour tout étudiant en histoire de l'alchimie.
Ensuite, la première édition française intégrale par Sesheta, toujours en 2012, de l'Aurea Catena Homeri, tantôt attribuée à Kirchweger, tantôt à Naxagoras (inter alia):
http://www.lescahiersdelailleurs.fr/?p=265
Cet autre texte remontant lui aussi au XVIIIème siècle fait l'objet d'une présentation érudite de Fred MacParthy, et se présente initialement comme un commentaire extrêmement disert de notre fameuse Table d'Emeraude.
Il n'en reste pas moins que ce traité regorge de révélations pratiques, sans doute comme toujours approximatives, telle celle-ci: "La rosée et la pluie sont le chaos universel régénéré, la semence universelle et générale du macrocosme, l'esprit et l'âme du monde, de laquelle tout ce qui existe est non seulement conservé jusqu'à son terme, mais encore détruit et régénéré."
Ou celle-là:"Lorsque le Mars commence à rougeoyer, alors ajoutes-y l'antimoine, et laisse-les fondre ensemble; s'il est bien fondu, alors verses-y quatre demi-onces d'un salpêtre pur et deux de sel de tartre réduits en fine poudre...et tu obtiens ainsi un régule comme de l'argent massif, qui est prêt pour le travail."
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