Célébrer les morts, c'est une manière comme une autre d'honorer les vivants. Et s'il est permis avec Maurice-Consantin Weyer, qui met en scène certain Archer canadien, de se pencher avec nostalgie sur notre passé, ne manquons pas de faire renaître aussi celui de notre prochain.
Il est notre présent comme nous sommes son avenir. Sa mémoire nourrit notre imaginaire, et la transmission de sa parole se trouve au coeur même de notre appréhension spirituelle de la Tradition. Chère Fanny, voyez en ce deux cent cinquantième article du blog de Julien Champagne comme mes compatriotes Elmiro et Rose Celli reposent en paix au pied de la croix, cachés tous deux derrière la pierre du soleil.
Mais qu'ont-ils à nous dire, Rose et Elmiro, en ces lendemains de Toussaint? Et quels rapports, déjà avec notre cher "Hubert"?
Je pense qu'Elmiro est le mieux placé pour nous répondre dans un premier temps, grâce notamment aux écrits d'Alexandra Charbonnier sur Milosz.
"Je suis né en Italie, dans une famille de musiciens ambulants très pauvres. Enfant, je joue instinctivement du violon pour gagner ma vie, ce qui me conduit au conservatoire de Bologne, puis à celui de Paris. Mais mes amis ne se trompaient pas en disant déjà que j'avais une oreille de peintre et un oeil de musicien.
Vers 1912, une illumination me fait me tourner vers la peinture, et j'appelle précisément mon approche personnelle celle de la peinture de sensations. Je commence à exposer dans l'immédiat après-guerre (1919-1920) à la même période où je rencontre ma future femme.
Mes tableaux de l'époque témoignent déjà de ma sensibilité ésotérique: Prière à la Nature, Commencement, Gestation, Initiation, Vision, Le Feu, Alchimie.
Comme l'indique l'article me concernant du dictionnaire Bénézit, j'exposerai de 1920 à 1927 au Salon d'Automne, aux Indépendants et à la Nationale.
La principale toile de moi qui est actuellement accessible au grand public est ce Chemin de Lumière qui fit partie de la collection de René et Isha Schwaller et aurait rejoint depuis la bibliothèque de la fondation Bozawola.
J'ai noué des relations avec Aor et Isha en 1916-1917 et je suis alors entré dans son groupe des Veilleurs, dont j'ai fait partie du cercle intérieur des frères d'Elie. Rose et moi avons un temps rejoint son phalanstère de Suhalia, dont Julien Champagne devait être le directeur de recherche.
En 1920 je me suis installé provisoirement à Théoule, auprès du maître verrier Richard Burgsthal. Puis j'ai gagné l'Algérie, où nous avions à ce moment dans l'idée de refonder un groupe de Veilleurs.
De retour à Saint-Paul de Vence, j'y ai repris mes travaux et Rose n'a pas manqué de témoigner plus tard qu'une bonne part de ceux-ci se sont toujours déroulés dans mon laboratoire d'alchimie."
http://www.archerjulienchampagne.com/article-3826243.html
http://touscesgens.hautetfort.com/archive/2006/08/18/celli-elmiro.html
Rose confirme aussitôt, puis: "Je suis née en Algérie, comme mon frère le poète Edmond Brua, et à part Elmiro ma grande passion au delà de mes études littéraires à l'école normale supérieure de Sèvres a toujours été l'écriture, ce qui a fait de moi assez rapidement une proche de Milosz et plus tard de Jean Giono.
Charbonnier rapporte à ce sujet que j'ai obtenu un prix littéraire (Fémina, 1925). Dans Comme l'eau (1930) j'ai bien pu comme avancé par Geneviève Dubois livrer sous forme de roman à clefs un épisode de la vie du Veilleur Henri Coton, alchimiste aussi connu sous le nom d'Alvart. Nous étions amis des Coton.
Elmiro et moi avons aussi à une époque fréquenté divers salons, à Paris celui de Nathalie Clifford Barney et à Nice celui de nos autres amis les Prozor, Maurice et Greta. Greta avec laquelle j'ai aussi échangé une correspondance, notamment en 1927 au sujet de l'alchimie de Coton.
Mon rôle auprès de mon mari ne doit pas être sous-estimé, y compris au plan alchimique. Je l'ai aidé au laboratoire, j'y ai tenu des notes, j'ai recopié des traités classiques de l'alchimie.
http://www.archerjulienchampagne.com/article-4849361.html
http://www.archerjulienchampagne.com/article-3552044.html
http://www.lemercuredauphinois.fr/data/pages_site/bio_henri.php
Dans le même temps et tout en restant romancière j'ai commencé une oeuvre de traductrice, avant de bifurquer finalement vers les contes pour enfants, qui ont assis ma notoriété (Boucle d'or et les trois ours, Le bateau de pierre...). Tout ceci sans oublier de promouvoir l'oeuvre d'Elmiro, bien entendu comme dans cet article de La revue métapsychique de mon ami Hubert Larcher que j'ai rédigé en 1967 sur "Elmiro Celli et la peinture de sensation."
http://touscesgens.hautetfort.com/archive/2006/08/18/celli-rose.html
Ce qui nous conduit en définitive à évoquer également ici la mémoire d'Hubert Larcher (1921-2008), docteur en médecine qui hélas nous quitté récemment et qui écrivit ceci, dans la livraison 35 (1996) de l'excellente revue des Amis de Milosz, patronnée par André Silvaire:
"J'avais commencé à étudier la médecine à Montpellier lorsque passant mes vacances à Saint-Paul ma mère me dit qu'il s'y trouvait un alchimiste du nom d'Elmiro Celli.
Je n'eus alors de cesse de le rencontrer et nous devînmes amis au point qu'il me permit de visiter son laboratoire, m'enseigna des éléments de son art et me conseilla sur le choix des verreries indispensables et d'un athanor."
Dans ce même numéro de revue on trouvera en outre divers articles sur "deux amis de Milosz, Rose et Elmiro Celli", dont un de Rose, Cet arbre mort devenu ange, et un autre de Milosz sur Elmiro: Un paysagiste mystique. Ce dernier est extrait du catalogue de l'exposition Celli, organisée par L'Affranchi en 1919.
Ami de Jean Guitton, Hubert Larcher est plus connu comme tanathologue que comme alchimiste. Il fut d'ailleurs en 1966 l'un des fondateurs de la société de tanathologie.
Dès 1957 il a cependant publié un essai retentissant intitulé Le sang peut-il vaincre la mort (Gallimard) qui a été réédité en 1990 par Désiris sous un autre titre, plus poétique (La mémoire du soleil) et dont les préoccupations alchimiques sont loin d'être absentes, comme l'a tout de suite vu certain disciple de Fulcanelli et ami de Julien Champagne: Eugène Canseliet.
Notons enfin qu'il travailla un temps comme assistant chercheur au Laboratoire de chimie organique de l’Ecole Polytechnique (1948-1951), sous la direction du Professeur Pierre Baranger (passionné de mystique et d’alchimie).
http://www.metapsychique.org/Hubert-Larcher.html
Sur Celli, Larcher, et tant d'autres alchimistes vivants ou pas de notre belle Provence, et sur certaines demeures philosophales somptueuses comme Cimiez et Saorge, je vous recommande en outre chaudement un petit livret fort bien fait de l'UNIA, paru à Nice en cette fin d'année de l'an de grâce 2009: "Alchimie et Alpes maritimes, une quête":
http://www.universite-nice-inter-ages.fr/?uniaPage=26&acti=ALCHIMIE%20ALPES%20MARIT
"Le paranormal, nous n'y croyons pas, nous l'étudions."
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