Carême prenant, je vais incontinent vous entraîner pour la septième fois à l'hotel Lallemant de Bourges.
Notre dernière visite commune en ce logis alchimique remonte si je ne me trompe pas au 17 septembre 2006 (Champagne en chapelle):
http://www.archerjulienchampagne.com/article-3904333.html
Je vous propose en ce jour de trêve dominicale non pas de nous arrêter de progresser, mais de revenir sur nos pas. On dit parfois qui n'avance pas recule, c'est vrai, mais il y a des progressions circulaires, ou si vous préférez en spirale. Et puis dans le labyrinthe de Thésée, le fil d'Ariane indique bien et l'aller, et le retour.
Bref, au-delà du Minotaure, pourquoi ne pas inscrire nos pas dans ceux d'un certain Jean-Jacques Mathé?
Hélas, il semble bien que Jean-Jacques, qui fut un disciple de Bernard Husson, nous ait quitté tout récemment.
Mais il est après tout, tout comme Jean-Julien Champagne, un inconnu...illustre. Son rare ouvrage sur l'hotel Lallemant, publié en 1976 aux éditions belges du Baucens (ou du beau sens, sises à Braine-le-Comte) est si peu accessible qu'il n'est même pas cité dans le livre pourtant postérieur de Michel Bulteau: L'hotel Lallemant de Bourges (Garancière, 1984).
Et pourtant Bulteau n'est pas n'importe qui, puisque outre cet estimable bouquin, il nous a notamment gratifié, également, d'un remarquable Le Plessis-Bourré, alchimie et mystères (Livre-Essor, 1983).
Pour en rester un moment aux éditions du Baucens, elles nous ont par ailleurs donné aussi dès 1974 une publication francophone de l'essai de l'allemand Rudolf von Sebottendorff sur "l'ancienne franc-maçonnerie turque" et ses rapports avec l'alchimie:
http://freemasonry.bcy.ca/anti-masonry/sebottendorff_r.html
http://www.bibliotecapleyades.net/sociopolitica/sociopol_thule06.htm
Quant à Mathé lui-même, il n'apparaît guère à ma connaissance sur le devant de la scène alchimique qu'en quelques occasions:
D'abord dans le recueil Alchimie des Cahiers de l'Hermétisme (Albin Michel, 1978, puis Dervy, 1996), où il fournit une très fouillée bibliographie de l'alchimie depuis 1945;
Ensuite dans l' excellent essai déjà cité de Luis Miguel Martinez Otero consacré à Fulcanelli: Une biographie impossible (Obelisco, Barcelone, 1986, et Arista, 1989):
"Notre ami Bernard Allieu, éditeur émérite de Grasset d'Orcet et prochain auteur d'un Index général de l'oeuvre de Fulcanelli que nous attendons avec impatience, insistait lors d'un dîner célèbre au restaurant Au coq hardi, aux alentours de Bayonne, en compagnie du critique et auteur, mais surtout bon alchimiste, auquel nous devons tant, - et nous avons ainsi nommé Jean-Jacques Mathé -, insistait donc sur l'idée que l'alchimie est l'étude des mécanismes de la mort."
Et Otero de contester cette approche, en se référant à la maxime de Martin Ruland, chère à Eugène Canseliet: L'alchimie est avant tout "separatio impuri a substantia puriore." Au fait, Jean-Jacques Mathé n'aurait-il pas été libraire à Bayonne?
Quoiqu'il en soit, je vous suggère à partir de là de comparer ce qui figure dans mon précédent article sur l'hotel Lallemant à ce que présente Mathé dans son opuscule, dont j'ai extrait les clichés joints, qui tous se rapportent aux caissons dessinés par Julien Champagne.
Nous pourrons ainsi établir ensemble, mais chacun pour ce qui nous concerne, concordances et discordances dans les présentations et interprétations, suivant une méthode dont le moins que l'on puisse avancer est qu'elle est classique en alchimie.
C'est pour celà que les emblèmes se trouvent dans cet article présentés dans le même ordre que naguère: Les comparaisons devraient ainsi en être facilitées, en théorie du moins.
"EMBLEME XXVII
Livre ouvert en flammes.
"Cet emblème allégorise, dit Canseliet, la liquation de la matière au début du Grand-OEuvre, exactement la séparation de la lumière d'avec les ténèbres par l'intervention du fer ouvrant, avec l'aide du feu, le grand Livre de la Nature."
Ce livre est également représenté dans le Livre d'Heures du même Jean Lallemant, mais il y est fermé par sept sceaux appendus et la couverture porte l'inscription: .DELAR.PRIVS. Que je sois détruit auparavant.
Nous attirons également l'attention du lecteur sur le voisinage immédiat au Saint-Esprit qui représente le creuset...
EMBLEME XXVI
Le Saint-Esprit.
"Le Saint-Esprit, dit Fulcanelli, est toujours figuré par une colombe en plein vol, les ailes étendues selon un axe perpendiculaire à celui du corps, c'est-à-dire en croix. Car la croix grecque et celle de Saint André ont, en hermétisme, une signification exactement semblable."
...La croix est également le hiéroglyphe du creuset, le signe de la umière, et, par extension, celui de l'illumination...
EMBLEME XXV
Faucon grilleté et igné empiétant un crâne qu'il becquette.
C'est là le soufre métallique. En dépit de sa qualité ignée, il ne brûle pas, mais putréfie. Remarquons au passage que le faucon - falco - vient de falx, la faux qui est l'emblème de Saturne...
EMBLEME XXII
Enfant ailé se disposant à faire tourner un moulinet par traction d'une ficelle; le moulinet surmonté d'une croix grecque.
Il s'agit du tour de main nécessaire à la séparation dans le premier oeuvre...
EMBLEME XXIII
Grenade posée dans un vase d'orfèvre ardent et surmontée de l'inscription 3R.
La grenade représente la matière première préparée et le signe 3R symbolise les trois réitérations du premier oeuvre...
EMBLEME XXIV
Enfant ailé chevauchant un cheval de bois et faisant claquer un fouet.
Le Ludus puerorum avait été explicité par Salomon Trismosin en sa Toyson d'or, mais Eugène Canseliet est revenu sur cette question dans ses commentaires du Mutus Liber et nous y renvoyons le lecteur.
Nous citerons toutefois sa traduction d'un fragment de l'antique traité dans lequel on traite du travail des femmes et du jeu des enfants:
"Or le triple jeu des enfants doit précéder le travail des femmes. Car les enfants jouent en trois choses. En premier lieu avec les vieux murs, secondement avec l'urine, troisièmement avec les charbons."
JJ pcc
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