Nous en savons désormais un peu plus sur l'homme qui selon Geneviève Dubois pourrait bien avoir été l'initiateur de Julien Champagne en alchimie: Félix "Krishna" Gaboriau (voir notre article
Gaboriau et Champagne du 6 mars 2006).
Notre source est ici la même que celle qui nous a permis de découvrir que le frontispice du Mystère des Cathédrales de Fulcanelli dessiné par Champagne a été publié dès 1912 par la maison d'édition Chacornac dans une bibliographie de l'occulte réalisée par Sédir ( post Champagne en 1912 du 17 juillet 2006).
Le portrait ci-dessus est tiré du même catalogue, obligeamment mis à notre disposition par un libraire ami de Paris, déjà mentionné dans ces lignes, et que je tiens à remercier à nouveau.
J'ajoute que je lui suis non moins reconnaissant, ainsi qu'à son alter ego photographe, de l'excellent café colombien grâce à eux dégusté en agréable compagnie, au cours d'un entretien des plus intéressants et productifs.
Vous aurez noté, sans doute, que sur notre cliché la date de naissance de Félix diffère quelque peu de celle pronostiquée jusqu'alors.
"Krishna" est également présenté cette fois comme le fondateur de la revue Le Lotus rouge, alors qu'il est par ailleurs supposé être son repreneur.
Gaboriau est encore réputé ici avoir été le traducteur d'un célèbre traité de Corneille Agrippa, De la philosophie occulte.
En nous reportant à la page considérée du catalogue, nous pouvons constater que cette traduction, "la première complète en français", est parue en deux volumes en 1910 et 1911.
Cette édition est celle des frères Chacornac, et fait l'objet au même endroit d'un éloge de l'alchimiste Phaneg. Elle "comprend de nombreuses figures magiques".
Je ne résiste pas à l'envie de partager celle-ci avec vous, qui figure effectivement au-dessus de l'entrée du catalogue qui est consacrée au livre d'Agrippa, même si je ne peux vous garantir
qu'elle en est issue:
Pour en revenir au Lotus rouge, "revue des hautes études", il semble n'avoir eu que deux ans d'existence, de 1887 à 1889.
Notre catalogue Chacornac, décidémment fort bien fourni en informations utiles, nous en donne un aperçu du contenu.
Les numéros 2 et 3 comprennent un article sur L'élixir de vie. Dans les livraisons 7-12 se trouve un portrait de Paracelse. Les 21 à 23 incluent une reproduction de la Lettre philosophique du Cosmopolite.
Enfin, dans le numéro 24 je relève une présentation de Michel Maier qui n'est pas mentionnée dans la bibliographie de Sédir. Gaboriau y fait ses adieux aux lecteurs de sa revue, qu'il affirme expressément avoir fondée.
Il déclare prendre ses distances d'avec la Société Théosophique, et, remerciant entre autres son administrateur, M. Froment, se réfère explicitement à la philosophie alchimique:
"Un alchimiste me comprendra lorsque je dirai que notre Soleil a une Lune qui est elle-même hermaphrodite."
"Ainsi nous présenterons aux hommes les faces agréables de notre prisme psychique, de notre pierre angulaire, en attendant le jour béni où, les deux faces se confondant, sera réalisée la circulature du quadrant dans le triangle équilatéral de la très sainte Trinité."
Et il affirme finalement: "les livres de science courent les rues, un autre livre est partout: la Nature."
Dans son Fulcanelli et le cabaret du Chat Noir, Richard Khaitzine cite un passage de la biographie de Papus de Christophe Beaufils et Marie-Sophie André, suivant lesquels "quelques connections entre le milieu du Lotus, et par conséquent la Société Théosophique et le Chat Noir peuvent être invoquées".
Le chansonnier Maurice Mac-Nab, par exemple, avait pour frère ce Donald Mac-Nab qui, tout en collaborant au Lotus, menait avec Gaboriau une série d'expériences occultes dans sa "chambre rouge" de la rue Lepic."
Ingénieur des arts et manufactures, Donald a effectivement écrit dans le Lotus rouge, et dans le dernier numéro de cette revue Gaboriau lui-même nous confirme sa parenté avec le chansonnier du Chat Noir.
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