Qu'est devenue la bibliothèque alchimique de Julien Champagne? Voici pour l'instant une question sans réponse, même si nous l'avons déjà posée (Julien Champagne aux ex-libris,
16 novembre 2006).
Je voudrais ce soir, Agnès et son petit chat aidant, vous proposer quelques éléments d'appréciation, partiellement déjà connus en fait, mais qui vont nous permettre de réaliser un premier point de situation.
Le personnage-clef dans cette affaire est dans un premier temps un certain Stanislas de Guaita
(1861-1897), occultiste et rosicrucien de talent, précocément disparu:
http://www.la-rose-bleue.org/Biographies/Guaita.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/Stanislas_de_Guaita
http://kingsgarden.org/french/organisations.f/om.f/Guaita/Guaita.html
Comme disait Jean Bodin, "il n'est de richesse que d'hommes", aussi disons d'abord quelques mots de Guaita lui-même.
Lorrain comme son ami et un temps compère en martinisme Maurice Barrès, ce marquis d'ascendance lombarde vint à l'ésotérisme à la lecture de Fabre d'Olivet et d'Eliphas Lévi, et comme Paul Sédir, qui en fut proche:
http://www.archerjulienchampagne.com/article-3504191.html
se rapprocha rapidement de Papus. Ce dernier le rejoignit en 1888 lorsqu'il fonda l'"ordre kabbalistique de la rose-croix."
En 1896, nous retrouvons Guaita parmi les membres fondateurs de la Société alchimique de France:
http://www.archerjulienchampagne.com/article-4691639.html
Guaïta fréquenta d'ailleurs assidûment l'alchimiste aujourd'hui méconnu Rémi Pierret et entretint une volumineuse correspondance avec un autre "labourant" qui, lui, a conservé une certaine notoriété: Albert Poisson.
Son oeuvre majeure est sans doute un Essai de sciences maudites paru en trois tomes, entre 1890 et 1895. Mais n'oublions pas non plus le poète symboliste de Rosa mystica (1885).
Quel rapport maintenant entre Stanislas de Guaita et Julien Champagne? Je ne sais s'ils se sont connus, quoique ce soit possible, le second ayant une vingtaine d'années à la mort du premier et fréquentant les mêmes cercles.
Mais surtout Julien fut un lecteur de Stanislas. Et il en posséda des oeuvres, au moins en tout cas celle que nous signale Robert Amadou dans un de ses articles de la revue L'autre monde (N°76, 1983).
Nous avons ici affaire au dernier article d'une série intitulée L'affaire Fulcanelli. Amadou nous y explique que des notes attribuées à Fulcanelli figurent en marge d'un exemplaire d'un livre de Guaita : La clef de la magie noire (1897). Cet exemplaire serait celui d'une réédition de 1920. Et Amadou explique:
"L'exemplaire provient de la bibliothèque de Jules Boucher qui attribue les notes à Fulcanelli...L'ex-libris au recto du frontispice est celui de Boucher, dessiné par Champagne.
De Jules Boucher, le volume passa à mon ami Robert Le Tourneur...Il est aujourd'hui la propriété d'un ami de Robert, qui à la mort de ce dernier en 1980 se porta acquéreur de l'ensemble de sa bibliothèque."
Et Amadou de préciser honnêtement:
"Compte tenu de la provenance seconde du volume annoté et du responsable de l'attribution des notes à Fulcanelli, s'étonnera-t-on que leur écriture soit celle de Julien Champagne?"
Ce livre vient bien de la bibliothèque de Julien, et est ensuite passé à Jules Boucher:
http://archer.over-blog.net/article-1868575.html
Robert Amadou a raison de déduire de ces annotations l'idée que Champagne "se mêlait d'alchimie très intimement." A l'inverse sans doute de Guaita...
En fait, si certains des commentaires reproduits sont plutôt approbateurs:
la plupart sont franchement sarcastiques et laissent planer peu de doute sur le jugement de Julien s'agissant des compétences alchimiques de Stanislas:
Finalement Robert Amadou a à mon sens raison de nous renvoyer à une confidence méconnue d'Eugène Canseliet, ami de Champagne et disciple de Fulcanelli:
"Fulcanelli était trop homme de laboratoire pour qu'il eût beaucoup apprécié le livre principal de Stanislas de Guaita, Essais de sciences maudites." (Revue La tourbe des philosophes, N° 12, 1980).
Et de rappeler que La clef de la magie noire en constitue le second tome. Ce qu'Amadou ne nous dit pas, mais que nous savons, est qu'il est lui-même un disciple de Jules Boucher. Et comme lui martiniste.
Il a d'ailleurs présenté à plusieurs reprises dans l'organe officiel de l'ordre martiniste des documents issus du fonds Stanislas de Guaita de l'ordre (L'initiation, N°s 1 et 2, 1984):
Nous en étions là de nos réflexions quand en décembre 2006 l'excellente revue espagnole Azogue est venue nous rappeler un fait similaire, qui illustre à nouveau la proximité Champagne-Guaita:
http://www.archerjulienchampagne.com/article-4786512.html
"Dans un catalogue de la librairie parisienne L'Intersigne d'Alain Marchiset (catalogue N°60),
http://www.livresanciens.eu/catalogue.php?catnr=74
il est fait mention à propos de l'ouvrage de Stanislas de Guaïta sur Les sciences maudites, dont un exemplaire parut chez Durville en 1920, d'un bristol de la main de Gaston Sauvage: "provenant de la bibliothèque de Jules Boucher, ami et collaborateur de Fulcanelli."
Vous pourrez avoir accès au texte de l'annonce de L'Intersigne en consultant le site de La librairie du merveilleux (fil Fulcanelli):
http://50340.aceboard.net/50340-2490-10299-21-%2A%2AFULCANELLI%2A%2A.htm#vb
Visiblement, il s'agit du même livre, qui a donc été récemment remis en vente. Son nouvel acquéreur sait-il seulement qu'il détient un ouvrage annoté par Julien Champagne?
Quoiqu'il en soit, je m'en voudrais de ne pas laisser le mot de la fin au magiste Guaita, ne serait-ce que pour persuader quiconque en douterait qu'il fut surtout un adepte de la magie blanche. Voici en effet ce qu'il écrivit en 1894:
"Je crois en Dieu et en la Providence, et il ne se passe pas de jour que je n'élève plusieurs fois mon âme vers l'absolue Bonté ou mon esprit vers la Vérité absolue.
Que voulez-vous de plus? "
http://hermetism.free.fr/Fulcanelli_et_Stanislas_de_Guaita.htm
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