Il y a entre autres dans le livre co-signé par Eugène Canseliet et Robert Amadou: Le feu du soleil, Pauvert, 1978, une sorte de "scoop" que j'ai déjà mentionné (Julien Champagne en famille, 5 avril 2006), mais qui ne l'a été qu'en passant, me semble insuffisamment connu, et mérite donc d'être rappelé.
C'est Canseliet qui évoque M. Devaux, en précisant à Amadou qu'il ne voyait plus Fulcanelli en 1925:
"J'ai essayé de lui demander quelque chose pour Champagne dans une lettre que j'avais fait passer par M. Devaux."
Le renvoi correspondant à ce Devaux dans l'index bibliographique du même ouvrage, réalisé non par Eugène mais par Robert, porte la mention suivante:
"Devaux, secrétaire de Fulcanelli."
Or, il se trouve que ce Devaux, Gaston de son prénom, n'est autre que le beau-frère de Julien Champagne, et ceci du fait qu'il est l'époux de Renée, la soeur du peintre (Renée Devaux et Julien Champagne, 8 novembre 2006).
Notons d'emblée que si Champagne avait été Fulcanelli, il eût été saugrenu que Canseliet intercédât en sa faveur, de plus en faisant appel aux services d'un parent proche.
Peut-être en tout cas cette mention par Amadou du nom du secrétaire de Fulcanelli est-elle partiellement à l'origine de la rancune que lui tint Canseliet après la publication de ce livre.
En substance, Eugène a en son temps reproché à Robert de ne pas lui avoir soumis les épreuves du livre à paraître, en dépit des engagements passés, et aussi d'avoir ici ou là dénaturé ses propos.
Cette querelle transparaît nettement dans la deuxième édition des Deux Logis Alchimiques de Canseliet (Pauvert again, 1979), où dans un fulminant avant-propos le disciple de Fulcanelli s'en prend avec virulence à l'auteur principal du Feu du Soleil, à un point tel que Pauvert saisi par Amadou se verra dans l'obligation d'insérer un mot d'excuses.
Ce passage d'ailleurs ne figure pas dans la dernière en date des éditions des Deux Logis (Bailly, 1998, cf. Julien Champagne aux logis alchimiques, 19 août 2006).
C'est que Canseliet, à la mode polémique de ce temps, moins prude à certains égards que le notre, n'y va pas de main morte, y compris par delà son propos liminaire, puisqu'à propos de l'"envoi" de Pierre Dujols à Fulcanelli (Julien Champagne et le libraire du merveilleux, 19 avril 2006), il écrit suavement:
"Au reste, non plus que de la tourbe, fût-elle la plus feuilletée et la plus noire, que celle du polyporus igniarius, c'est-à-dire de l'amadou, l'alchimiste ne tirera et ne recueille jamais:
Le Vulcain du Soleil = VULCAN - ELI."
Là encore, relevons le fait qu'il serait tout de même un peu fort de café, comme dirait Eugène, que Dujols, comme Champagne fulcanellisable reconnu, se dédicace à lui-même une de ses oeuvres.
Mais la mort étant passée par là, et nous ayant enlevé et Canseliet, et Amadou, oublions cette passe d'armes vengeresse et rendons tout de même hommage à Robert (1924-2006), homme d'incontestable talent, gnostique convaincu, et martiniste notoire, dans la ligne des Boucher et Ambelain:
http://jm.saliege.com/amadou1.htm
http://www.greguti.com/myblog/?p=67
http://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Amadou
http://www.metapsychique.org/Robert-Amadou.html
Je persiste à dire en particulier que son Anthologie littéraire de l'occultisme (avec Robert Kanters, Julliard, 1951) est et restera une vraie somme.
Revenons-en maintenant à Gaston Devaux, qui réapparait dans l'étude de Geneviève Dubois, Fulcanelli dévoilé (Dervy, 1992, 1996). Dubois nous confirme en fait son rôle d'intermédiaire, mais cette fois entre Champagne et Schwaller.
Je préfère vous citer in extenso ce passage à la fois substantiel et éclairant:
"Les lettres échangées, de même que les mensualités versées à Champagne, transitaient par le beau-frère de ce dernier, Gaston Devaux, qui vivait dans la Somme et faisait office de boîte aux lettres.
Eugène Canseliet dans le "Feu du Soleil" de Robert Amadou, présente Gaston Devaux comme "le secrétaire de Fulcanelli", qui possédait une bague identique à la sienne, avec un baphomet.
Bien après la mort du peintre Champagne, Canseliet continuera à se rendre dans la Somme chez les Devaux.
Gaston Devaux qui décèdera en 1969, affirmait en 1952 que l'affaire Fulcanelli n'était qu'un canular, monté de toutes pièces.
Contrairement à l'opinion de ses descendants avec lesquels nous sommes entrés en relation, G. Devaux s'intéressait de très près à l'alchimie. "
D'après Walter Grosse:
http://www.fulgrosse.com/article-2937784.html
Gaston Devaux s'appelait en réalité Nicolas Arsène Gaston, et, né en 1881, serait presque un contemporain de Julien Champagne. Il aurait été mobilisé en 1915 et aurait perdu l'oeil droit à la guerre. Il portait un bandeau sur cet oeil.
Nicolas Arsène aurait lui-même eu une soeur, Marthe, née en 1886...
Il aurait eu la même profession que son épouse, institutrice, et fut donc comme nous dirions maintenant, un professeur des écoles. Il n'aurait jamais quitté la Somme mais n'aurait pas résidé à Amiens. A compter de 1925, selon Eugène Canseliet, il pourrait avoir vécu dans la proximité de Fulcanelli.
Walter Grosse, qui fait état de documents au sujet de Devaux, dont son acte de décès, émet l'hypothèse que la famille Devaux a préservé le patrimoine de Fulcanelli comme celui de Julien Champagne.
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