Dans son livre Fulcanelli dévoilé, Geneviève Dubois qualifie l'entourage de Julien Champagne d'éminemment franc-maçon.
Et elle cite sa source, qui est excellente : L'ouvrage de Serge Caillet, La Franc-Maçonnerie égyptienne de Memphis-Misraïm, Cariscript, 1988.
Ce dernier essai a reparu en 2003 chez Dervy, et quand on le consulte on est effectivement intrigué par un certain nombre de faits et documents relatés ou reproduits dans cette édition augmentée.
Je voudrais d'abord ici rendre hommage au sérieux de Serge, dont l'érudition n'a d'égale que celle de son préfacier, lequel n'est autre que Robert Amadou, que nous avons déjà rencontré.
Et pour cause, tous deux, tout comme d'ailleurs Robert Ambelain et Jules Boucher, autres familiers de ce blog, savent de quoi ils parlent, puisqu'ils appartiennent à la même obédience maçonnique.
Sans vouloir vous infliger un cours sur cette obédience, je crois devoir préciser qu'elle se caractérise de mon point de vue de...profane, d'une part par une certaine effervescence, qui la fait tolérer en son sein le pire (des charlatans) et le meilleur (des spiritualistes), d'où un mélange qui est en permanence détonant et qui explique son cheminement passablement chaotique (encore de nos jours).
Et d'autre part par une certaine propension à l'ésotérisme, à l'hermétisme, notamment dans leurs aspects martiniste et swedenborgien.
Je ne connais pas Serge Caillet, mais outre son livre, que je me permets de vous recommander même s'il est d'abord difficile, vous pourrez vous faire une bonne idée de qui il est au travers du site de son Institut Eléazar:
http://www.institut-eleazar.org/index.php?option=com_content&task=view&id=24&Itemid=53
Il y propose en particulier un cours de martinisme.
Maintenant, que nous apprend ou que nous confirme Caillet (que je ne dissocie pas d'Amadou dans ce qui suit)? D'abord, comme en fait foi le premier cliché que dès 1894 un des frères Thomas, familiers de Champagne, est un "frère" de la maçonnerie égyptienne. Il s'agit ici d'Albéric.
On pourra utilement à ce propos se reporter à mon article du 4 juin 2006: Champagne ami des frères Thomas.
Ensuite, qu'Abel Thomas est en 1986 un "vénérable" de la même obédience. Son frére Albéric apparaît parmi ses adjoints.
Le Chacornac qui fait partie des membres actifs est sans doute encore à l'époque Henri Chacornac.
Voyez à ce sujet mes posts Champagne au pays Chacornac (3 juin 2006) et D'Henri Chacornac à Champagne (26 juillet 2006).
Le fils d'Henri, Paul, qui reprendra la librairie de son père, apparaîtra plus tard et tout naturellement dans le même paysage. Selon Serge Caillet, il sera le trésorier du "convent" parisien de 1908, dont j'ai reproduit ci-dessous une photo tirée de son ouvrage.
A son endroit, je vous renvoie à mon article De Paul Chacornac à Julien Champagne du 24 octobre 2006.
Rappelons tout de même qu'un des Thomas était associé de Pierre Dujols, ami et employeur de Champagne, et que de même Champagne a travaillé pour les Chacornac.
Et qu'Abel pourrait être à l'origine du premier livre sur le poële alchimique de Zurich, étude parue justement en 1896.
Souvenons-nous également qu'en 1908, Julien Champagne connaît sans doute déjà Fulcanelli, et que ses premiers dessins alchimiques connus remontent à 1910-1911.
Le frontispice du Mystère des Cathédrales, d'allure clairement...égyptienne, sera d'ailleurs publié pour la première fois en 1912 par la maison Chacornac (mon article Champagne en 1912, 17 juillet 2006).
Mais revenons en 1896, et donc aux dix-neuf ans de Julien, et regardons ensemble cette liste de membres actifs de la maçonnerie.
Et oui, vous avez bien vu, les frères Thomas ne sont pas les seuls domiciliés au 10 rue Durand-Claye...
Qui est donc ce Lalande, sinon Emmanuel Lalande (1868-1926), dit Marc Haven, intime de Papus et auteur comme Pierre Dujols d'une introduction à l'alchimique Mutus Liber:
http://www.arbredor.com/auteurs/haven.html
Et qui est enfin ce Philipon, sinon René Philipon, alias Jean Tabris (1869 ou 1870-1936), chevalier de la rose croissante, féru du rosicrucien Stanislas de Guaïta et membre comme Sédir de la Société alchimique de France?
Sur Sédir, un temps lui aussi maçon égyptien, ami des Thomas et de Philipon, et employé des Chacornac, je vous incite à relire au besoin : Champagne et l'homme de désir, 10 août 2006.
N'oublions pas également que c'est apparemment le bibliophile Philippon qui a "orienté" vers l'occultisme le fondateur de la maison Chacornac.
Comment conclure après tout cela? Des questions subsistent, par exemple est-il question de Fulcanelli dans le Caillet?
Oui, un renvoi alléchant, intitulé avec point d'interrogation à la clé "pseudo de Fulcanelli", mais à la page correspondante on ne lit qu'une mention de Jules Boucher, magicien et disciple ou supposé tel du maître de Julien Champagne et Eugène Canseliet.
Et de la famille Lesseps, dont le partriarche Ferdinand s'y connaissait tout de même en Egypte, et dont Dubois dit à son propos qu'en 1876 un banquet maçonnique eut lieu en son honneur? Dont elle dit que ses fils étaient "aussi" probablement maçons? Rien du tout...
Et enfin, bien sûr, nada sur Julien Champagne. Mais alors, sur son entourage...
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