En a-t-elle fait couler de l'encre, cette croix d'Hendaye que nous avons déjà évoquée à plusieurs reprises (Champagne et Louise Barbe, 31 janvier 2006, Champagne et Jules Boucher, 13 février 2006, Julien Champagne entre chien et chat, 21 septembre 2006)...
Et ce n'est pas fini! Tout a commencé par l'article de "J.B." dans Consolation, paru après la mort de Julien Champagne.
Pour moi, il est clair que l'auteur de l'article s'est tout simplement servi des notes alors non publiées de Fulcanelli. Si vous voulez lire cette prose de 1936, elle se trouve dans le livre de Geneviève Dubois, Fulcanelli dévoilé.
Le chapitre correspondant du Mystère des Cathédrales (La croix cyclique d'Hendaye) ne comporte ce dessin signé de Julien Champagne que dans l'édition Omnium Littéraire de 1957, peut être est-il bon d'y insister à nouveau.
Dans l'édition Pauvert de 1964, la planche XXXVI ci-dessus cède la place à un cliché (XLVII).
C'est bien dommage, car comme le montrent mes deux agrandissements partiels, le travail d'"Hubert" s'avère une fois de plus remarquable.
Mais continuons à dire quelques mots de la saga scripturaire suscitée par cette modeste croix basque, qu'on peut raisonnablement penser remonter au XVIIème siècle et qu'il est toujours possible d'aller voir près de l'église Saint-Vincent:
http://www.balades-pyrenees.com/eglise_de_hendaye.htm
Toujours est-il qu'on n'a pas été loin ici ou là à partir de 1957 d'accuser Fulcanelli ou Eugène Canseliet d'avoir dans cette affaire...plagié J.B. Mieux vaut en rire.
Et voilà que dès 1980 dans son ouvrage déjà mentionné: The Fulcanelli Phenomenon (Neville Spearman, Jersey), Kenneth Rayner Johnson donne en guise d'épilogue la parole à un ingénieur en retraite pseudonymé Paul Mevryl, qui étudie le symbolisme de la croix cyclique d'Hendaye.
Dès lors, la fortune du monument est faite, et bientôt ce seront des livres entiers qui lui seront consacrés, outre-Atlantique d'abord.
En 1999, année faste pour les millénaristes du "grand roi l'effrayeur", paraît la première version de l'étude de Jay Weidner et Vincent Bridges, intitulée Monument to the End of Time: Alchemy, Fulcanelli and the Great Cross (Aethyrea Books).
L'an 2000 s'étant passé sans trop de dommage, une version remaniée s'ensuivra en 2003: The mysteries of the Great Cross of Hendaye (Destiny Books).
Enfin, last but probably not least, Axel Brücker, comme déjà dit également, a fait paraître chez Séguier, en 2005 son livre Fulcanelli et le mystère de la croix d'Hendaye.
Mais qu'a-t-elle donc de particulier cette fameuse croix, allez-vous me dire? Et bien Fulcanelli estime qu'elle est une rare manifestation de la doctrine du chiliasme, qui affirme le caractère cyclique de l'histoire.
Nous irions ainsi en quelque sorte éternellement de création du monde en fin du monde. Cette doctrine n'a d'ailleurs pas été toujours rejetée par l'Eglise...de Pierre.
Mais ce monument-ci irait plus loin qu'une affirmation somme toute philosophique et de portée très générale.
Dans Le Mystère des Cathédrales, on peut en effet lire que l'inscription O Crux Ave Spes Unica qui se situe à son sommet et que l'on retrouve sur bien des calvaires aurait à cet endroit un sens ésotérique:
"Ecrit que la vie (se réfugie en un) espace unique." Au moment de la grande tribulation, en effet, la tradition veut qu'une certaine zone soit préservée, et constitue ainsi pour les élus qui s'y retrouvent
une sorte d'arche de Noé.
De là à penser que la croix d'Hendaye révèle aussi l'endroit du globe terrestre dont il s'agira lors de l'apocalypse prochaine, il n'y a qu'un pas, et certains l'ont allègrement franchi.
Et c'est vrai qu'une interprétation symbolique de cette croix semble plausible. Tenez, par exemple,
puisque je viens de parler du globe terrestre, il figure bien au pied du monument, embrasé...
Notre hémisphère nord ne serait donc pas promis au déluge biblique, mais de façon au moins aussi peu réjouissante à la crémation.
Je m'en voudrais cependant de ne pas signaler aux "studieux de l'arcane", et aux autres, qu'en matière de symbolisme, la polysémie est de règle.
Que l'apocalypse c'est en grec la révélation. Que l'apocalypse hermétique est d'abord microcosmique, que l'artiste, nouveau démiurge, la contemple avant tout dans son creuset. L'alchimie, science de la création, est aussi celle des "recréations".
Et que ce globe terrestre surmonté de la croix pointe avant tout me semble-t-il, vers une matière plus que toutes bénie.
Je terminerai pour cette fois sur cette belle couverture de l'édition russe des Demeures Philosophales, qui s'est inspirée de celle de Pauvert en 1977 et comporte donc plusieurs dessins
de Julien Champagne.
Elle est parue en 2004 chez Aenigma:
http://aenigma.ru/php/content.php?razdel=books&file1=21
et je voudrais ici remercier encore, et publiquement, mon ami canadien Gleb Butuzov de m'en avoir considérablement facilité l'accès.
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