Voici sans doute avec celui de notre ami espagnol Otero (Julien Champagne et le Bec Hellouin, 24 août 2006) et bien sûr celui de Geneviève Dubois un des meilleurs livres sur Fulcanelli qui soient parus à ce jour.
Ma fée Clochette à moi me souffle d'ailleurs dans l'oreille que cette série-là n'est pas prête de s'achever. Elle pourrait même s'allonger dans les prochains mois et les prochaines années.
Mais est-il de mauvais livres sur cet alchimiste? Personnellement je ne le crois pas, s'y intéresser c'est un peu déjà comme une sorte de grâce, à mon avis, un peu du même genre que celle qui nous pousse en général à l'étude de l'alchimie...
Quoiqu'il en soit, le travail de Frédéric Courjeaud: Fulcanelli, une identité révélée (Claire Vigne, 1996) s'avère remarquable à plusieurs égards, comme au demeurant bien d'autres de cet éditeur dont on peut à bon escient selon moi regretter la disparition prématurée.
On n'est pas forcé pour autant d'adhérer de façon inconditionnelle à la thèse de Courjeaud, qui finalement nous propose d'identifier Fulcanelli à l'astronome Camille Flammarion (1842-1925).
Il n'en demeure pas moins qu'il a su mettre...en lumière certains aspects peu connus de la biographie et de l'oeuvre d'un homme dont l'attrait pour l'ésotérisme était connu, certes, mais dont beaucoup ignoraient jusqu'à ce que Frédéric l'écrive que ce "ponte" de la Société Astronomique de France avait aussi participé à une toute autre aventure: celle de la Société Alchimique de France.
Autre SAF donc, dont la juxtaposition à la première s'avère conforme, il nous faut bien le noter, à l'esprit qui est celui même de l'hermétisme: "as above, so below."
J'avais d'ailleurs - il y a déjà dix ans, comme le temps passe, aurait mélancoliquement constaté Robert Brasillach - eu le plaisir de m'entretenir de son livre avec Frédéric Courjeaud, qui en me recevant chez lui m'a fait le plaisir de me le dédicacer.
Bref, un auteur sympathique, et un livre méritoire dont on peut regretter qu'il n'ait pas eu plus d'écho, ni de suite connue, car notre professeur d'histoire nous propose là une étude admirablement construite et particulièrement bien écrite sur les divers "fulcanellisables".
Et avant de coaguler sur Camille Flammarion, il se livre à un vigoureux solve des prétendants que pour lui il convient d'écarter résolument.
Parmi ceux-ci, car bien entendu nous y arrivons sans coup férir, un certain Julien Champagne, que Courjeaud appelle Jean-Julien Champagne, et auquel il consacre tout un chapitre de son essai.
Hélas, trois fois hélas, Frédéric dans ces quelques pages déploie toute son énergie à pulvériser - sans doute à juste titre - la thèse soutenue par Robert Ambelain puis par Geneviève Dubois selon laquelle Fulcanelli est Champagne.
Et de ce point de vue, d'ailleurs, il est convaincant à mes yeux. Mais voilà, il est manifeste dès le début de son argumentation qu'il ne s'est pas vraiment soucié de faire des recherches sur le peintre:
"De J.J. Champagne, nous savons peu de choses." Et notre ami enchaîne approximations et erreurs.
"Il serait surprenant qu'un enfant né en proche banlieue parisienne, d'une famille aisée, ait attendu l'âge de sept ans pour admirer une cathédrale gothique." Soit, mais Julien Champagne, dont le père était cocher, est-il vraiment issu d'un milieu bourgeois?
"Il étudia les Beaux-Arts", exact, mais quelle imprécision!
"Il fit partie du groupe des Veilleurs dans les années (dix neuf cent) vingt, où il rencontra certainement Schwaller de Lubicz." Oui, il fut dans l'orbite de ce groupe, mais sa rencontre avec Schwaller remonte à 1913.
Et pour finir, le poncif que pour ma part je trouve pour le moins réducteur: " La fin de sa vie fut misérable, minée par l'alcool, la drogue et la gangrène, qui l'emporta au mois d'août 1932." Imagine-t-on un instant son ami Eugène Canseliet conserver son estime à un tel déchet?
Dans sa hâte simplificatrice, Frédéric Courjeaud va même jusqu'à cautionner sur Julien Champagne les affirmations d'Ambelain qu'il dénonce par ailleurs:
"Ces renseignements peu glorieux sur l'exacte personnalité de Champagne nous sont donnés par Ambelain."
Quel dommage, quelle tristesse! En définitive, Coujeaud, avec d'excellentes intentions sans aucun doute, non seulement ne nous apporte rien de neuf sur notre peintre et dessinateur, mais contribue bien involontairement, je l'admets volontiers, à son occultation.
Pour reprendre son expression même: Solve!
Et pour terminer sur une note positive, voici sur Camille Flammarion deux passages percutants du livre de Thierry Emmanuel Garnier: Sur les remparts de Saint Jean d'Acre (Arqa, 2005).
Le premier est de Thierry lui-même:
"Camille Flammarion, astronome français certes, mais aussi grand hermétiste et médium hors pair étudia dans Les Phénomènes de la Foudre (Paris, 1905) les propriétés de celle-ci.
Il indique page 240 de son ouvrage qu'un des effets les plus curieux produits sur les métaux qu'elle frappe, concerne la polarité magnétique que la foudre communique à des objets de fer et d'acier, quels qu'ils soient.
L'aimantation occasionnée dans certains cas étant si forte que certains objets foudroyés étaient capables de soulever trois fois leur poids.
Ces précisions de détail n'étant pas sans un rapport certain avec diverses expérimentations que le savant mena à Juvisy-sur-Orge et dont il ne fit jamais officiellement état."
Le second extrait du même livre serait dû à "AA":
"Qui peut encore supposer qu'il eût été envisageable de pratiquer l'autopsie d'une biographie pour jeter en pâture à la foule ignorante le message non altéré de l'universelle Rose+Croix et des authentiques Frères d'Héliopolis.
Camille Flammarion fut de ceux qui surent préserver jusqu'à la transparence l'ubiquité de son anonymat."
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