Peut-on en un seul article prétendre présenter Maryse Choisy (1903-1979), cette femme actuellement un peu oubliée aux multiples vies, et donc à l'individualité particulièrement riche, sinon complexe, voire étrange?
A vrai dire, je n'en aurai pas la prétention, car de quelle Maryse devrais-je sinon vous entretenir? De
la philosophe, de la psychanalyste, de la journaliste, de la féministe, de l'amazone, de l'épouse, de la mère, de l'artiste peintre, de la mystique, et j'en passe, c'en est à se demander si cette amie des bêtes, qui a aussi fondé une alliance mondiale des religions, n'a pas réussi un improbable doublement, voire triplement de personnalité.
Pour vous en faire une idée, lisez le livre que lui a consacré Bernard Guillemain, Maryse Choisy ou l'amoureuse sagesse (CAMC Hachette, 1959), ou jetez un coup d'oeil à quelques sites:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Maryse_Choisy
http://en.wikipedia.org/wiki/Maryse_Choisy
http://www.hommes-et-faits.com/contributions/bio_Choisy.html
http://www.lemondeduyoga.org/htm/lavie/article.php?ID_ARTICLE=27
Ou encore, et c'est peut-être mieux, finalement, lisez du Choisy!
Avant donc d'en venir à son penchant avéré pour l'ésotérisme, qui la relie au destin de Julien Champagne, disons quand même quelques mots de ce parcours hors norme. Pour simplifier, je dirais qu'elle s'est surtout fait connaître avant le second conflit mondial comme une sorte de publiciste...omnivore.
Et qu'après 1945 elle me paraît surtout s'être consacrée à deux des facettes principales de ses talents dans le relationnel et l'écriture, avec d'une part une discrète mais mémorable contribution à l'école française de psychanalyse, et de l'autre un rapprochement contesté mais évident avec l'église, et même avec toutes les églises.
Docteur en philosophie, ayant étudié à la Sorbonne et à Cambridge, elle est dans un premier temps très influencée par la pensée d'Henry Bergson, une influence qui ne se démentira pas.
Ses premiers contacts avec la psychanalyse sont houleux, puisqu'elle interrompt brutalement ses entretiens avec un certain docteur Sigmund Freud. Elle sera ensuite plus proche de Carl Gustav Jung, et ceci la rapproche déjà de l'alchimie.
Ses premières publications sont diverses: elle écrit des poèmes, des "romans philosophiques", mais très tôt se lance dans le journalisme grand public, avec quelques récits où transparaît clairement son caractère d'aventurière: Un mois chez les filles (1929), Un mois chez les hommes et L'amour dans les prisons (1930) asseoient sa notoriété.
Parallèlement, elle flirte avec le courant surréaliste (autre penchant intéressant d'un point de vue hermétique) et particulièrement...avec Joseph Delteil. Elle s'en séparera pour affirmer son propre moi (Delteil tout nu, 1930).
Mais dès 1929 Maryse a une crise mystique. Ellle s'en arrange en écrivant une Sainte Thérèse de Lisieux! Et surtout, tournant de sa vie, elle épouse Maurice Clouzet. En 1932, naît ainsi une Colette Clouzet. Sa marraine? L'écrivaine Colette, bien sûr.
En 1946, Maryse Choisy fonde Psyché, revue internationale de psychanalyse et des sciences de l'homme.
Le premier numéro s'en ouvre, avec éclat, par une étude de Louis de Broglie: La réalité des molécules et l'oeuvre de Jean Perrin...aussitôt suivie par une méditation du père Pierre Teilhard de Chardin, dont Maryse Choisy sera une proche: Le cône du temps.
Maryse est alors dans l'orbite du psychanalyste français René Laforgue. Elle est thérapeute et parmi ses disciples figure un certain Jacques Lacan.
La même année 1946 , Choisy écrit Contes pour ma fille...et quelques autres, et commence bientôt sa période indienne. Elle part pour l'Inde, pour la seconde fois, en 1952 et est reçue par le "pandit" Jawaharlal Nehru...
En 1965, elle créera l'Alliance mondiale des religions, qui suscitera en particulier l'adhésion enthousiaste du révérend père et futur cardinal Jean Daniélou.
Quel parcours! Si je devais vous conseiller de Maryse un autre livre que ceux déjà cités, ce serait non pas La guerre des sexes, réédité en 1970, mais plutôt ses mémoires de 1977, opportunément intitulés Sur le chemin de Dieu, on rencontre d'abord le diable.
En effet, et nous en revenons maintenant à ce diable de Julien Champagne, l'intérêt de Maryse Choisy pour l'occultisme est ancien. Dès 1929 elle publie un volume sur La chirologie.
Mais surtout, en 1935, elle participe à la création de l'Association pour la rénovation de l'occultisme traditionnel (AROT):
http://www.franc-maconnerie.org/web-pages/hermetisme/occultisme.htm
http://ufoweb.free.fr/dossier-soc-secretes.htm
http://www.psychiatrie-und-ethik.de/rundbriefe/Rb1_05.htm
L'AROT, organisation très confidentielle, semble d'ailleurs avoir été créée au sein d'un hebdomadaire de grande diffusion qu'elle dirigeait alors: Votre bonheur, qui s'est également "avant guerre" appelé Consolation.
Parmi ses quelques rares membres, nous retrouvons des hommes que nous avons déjà rencontrés par ailleurs, tels Jules Boucher et Robert Ambelain (Champagne et Jules Boucher,
13 février 2006, Champagne à l'ombre de Robert Ambelain, 4 mai 2006).
Cette AROT a été villipendée, peut-être à juste titre, par Luis Miguel Martinez Otero, dans son Fulcanelli, une biographie impossible, Arista (1989).
On pourra également se reporter, à propos de Votre bonheur, à mon article Julien Champagne en parapsychologie, 2 septembre 2006.
On retrouve encore Maryse Choisy avec Oswald Wirth, dans une Société des sciences anciennes dont on ne sait à peu près rien...
Rappelons enfin que c'est en 1936, dans la revue Consolation, dirigée par elle, que paraîtra un article de J.B. (Jules Boucher), sur la croix d'Hendaye, article que reproduit Geneviève Dubois dans son Fulcanelli dévoilé (Dervy, 1992 et 1996), et croix sur laquelle nous entendons revenir, naturellement.
Cet article serait paru dans le numéro 37 (30 avril 1936). Il aurait été précédé d'un autre dans le 26
(13 février 1936).
Ne perdons pas de vue, en effet, que la croix d'Hendaye refera son apparition, comme déjà souligné, dans la deuxième édition du Mystère des Cathédrales de Fulcanelli, avec des dessins de Julien Champagne (Omnium Littéraire, 1957). L'année suivante, Maryse fait d'ailleurs paraître un livre étrange, tout empli de réminiscences et de prémonitions: Mais la terre est sacrée...
Ne quittons pas en tout cas, et peut-être provisoirement, Maryse Choisy, sans mentionner de cet auteur un texte très intéressant de 1947, consacré aux symboles et aux mythes:
http://www.hommes-et-faits.com/ima_cult/Mc_Symbole_01.htm
En voici les dernières lignes:
"Allons toujours à la plus grande vie...Nous sommes ce champ de bataille perpétuel où les instincts de vie triomphent pour quelques années seulement des instincts de mort qui nous reprennent à l'heure de l'agonie.
Pour sortir de cette duperie individuelle, pour monter sur le plan de l'éternel, nous devons d'abord dépasser ce qui en nous est voué à la destruction finale.
Seul l'amour oblatif - l'expression supérieure des instincts de vie - peut nous faire accéder au Tout et nous rendre indépendants du temps, de l'espace, de la désintégration.
Quel mythe nous donnera rapidement ce plus grand amour, pour vaincre la guerre et la destruction? On cherche un mythe moderne...
On cherche...Et s'il était déjà trouvé?"
Mystique gris pcc
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