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  • : Site consacré à l'artiste français Julien Champagne (1877-1932), à sa vie et à ses oeuvres.
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...consacré à l'artiste français Julien Champagne (1877-1932), à sa vie et à ses oeuvres.


Peintre et dessinateur, Julien Champagne est surtout connu de nos jours pour avoir illustré les ouvrages de Fulcanelli, un mystérieux alchimiste contemporain.

Et pourtant, il figure au Bénézit, la "Bible" internationale des créateurs. Et suivant son ami Eugène Canseliet, il fut bien un maître du pinceau et du crayon.

C'est à la découverte de cet artiste méconnu, mais profondément attachant, que je voudrais vous inviter. Je voudrais aussi vous demander de ne pas hésiter à enrichir mes articles de vos propres commentaires et de vos découvertes personnelles.

Bon voyage donc au pays légendaire de Julien Champagne.

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14 septembre 2006 4 14 /09 /septembre /2006 10:56


En ce jour de la Croix glorieuse (Holyrood en anglais), nous voici devant la cinquième série de caissons alchimiques de la galerie haute du château de Dampierre-sur-Boutonne.

Ces caissons font dans l'édition originale des Demeures Philosophales de Fulcanelli l'objet de la planche XXX, dessinée par Julien Champagne.

Dans l'édition Pauvert de 1977, la même planche de dessins est numérotée XXXII. Etudions ces emblèmes un par un, sous la houlette de Fulcanelli.


"Représentée en plein vol, une colombe tient en son bec un rameau d'olivier. Ce sujet est distingué par l'inscription:

.SI.TE.FATA.VOCANT. Si les destins t'y appellent."

Fulcanelli rapproche cet emblème de la description du Déluge universel dans la Bible, au livre de la Genèse. Noé, ayant donné l'essor à la colombe de son arche, celle-ci revint le soir en rapportant une branche verte d'olivier.

"C'est là le signe par excellence de la véritable voie et de la marche régulière des opérations. Car le travail de l'OEuvre étant un abrégé et une réduction de la Création, toutes les circonstances de l' ouvrage divin doivent se trouver en petit dans celui de l'alchimiste."

Et de conseiller au débutant d'attendre prudemment la manifestation de la couleur verte, symptôme du dessèchement de la terre, de l'absorption des eaux et de la végétation du nouveau corps formé:

"Ainsi, frère, si le ciel daigne bénir ton labeur et, selon la parole de l'Adepte, si te fata vocant, tu obtiendras d'abord le rameau d olivier, symbole de paix et d'union des éléments, puis la blanche colombe qui te l'aura apporté.

Alors seulement tu pourras être certain de posséder cette lumière admirable, don de l'Esprit-Saint, que Jésus envoya, au cinquantième jour, sur ses apôtres bien-aimés."


"Deux avant-bras dont les mains se joignent, sortent d'un cordon de nuages. Ils ont pour devise:
ACCIPE.DAQVE.FIDEM. Reçois ma parole et donne-moi la tienne."

Fulcanelli estime que ce motif n'est en somme qu'une traduction du signe utilisé par les alchimistes pour exprimer l'élément eau.

"Nuées et bras composent un triangle à sommet dirigé en bas, hiéroglyphe de l'eau, opposée au feu que symbolise un triangle semblable mais retourné."

Il remarque en outre que les deux mains serrées en pacte de fidélité et d'attachement appartiennent à deux individualités distinctes, le mercure féminin et le soufre masculin.

"Le mercure philosophique est impuissant à produire la pierre, et cela parce qu'il est seul. C'est lui, pourtant, qui tient dans le travail le rôle de femelle, mais celle-ci, disent d'Espagnet et Philalèthe, doit être unie à un second mâle, si l'on veut obtenir le composé connu sous le nom de Rebis, matière première du Magistère.

C'est le mystère de la parole cachée, ou  verbum dimissum, que notre Adepte a reçue de ses prédécesseurs, qu'il nous transmet sous le voile du symbole, et pour la conservation de laquelle il nous demande la nôtre."


"Sur un sol rocheux, deux colombes, malheureusement décapitées, se font vis-à-vis. Elles portent pour épigraphe l'adage latin:

.CONCORDIA.NVTRIT.AMOREM. La concorde nourrit l'amour."

Fulcanelli précise à ce propos que l'ouvrage hermétique tout entier n'est, en effet, qu'une harmonie parfaite, réalisée d'après les tendances naturelles des corps inorganiques entre eux et, si le mot n'est pas trop excessif, de leur amour réciproque.

"Les deux oiseaux composant le sujet de notre bas-relief représentent ces fameuses Colombes de Diane, objet du désespoir de tant de chercheurs...

Limojon de Saint-Didier, pour aider l'investigateur à déchiffrer l'énigme, écrit dans l'Entretien d'Eudoxe et de Pyrophile:

"Considérez enfin par quels moyens Geber enseigne de faire les sublimations requises à cet art; pour moi, je ne peux faire davantage que de faire le même souhait qu'a fait un autre philosophe: "Que les astres de Vénus et de Diane cornue te soient favorables."

On peut donc suivant Fulcanelli envisager les Colombes de Diane comme deux parties du mercure dissolvant, - les deux pointes du croissant lunaire, - contre une de Vénus, laquelle doit tenir étroitement enlacées ses colombes favorites.

"La correspondance se trouve confirmée par la double qualité, volatile et aérienne, du mercure initial dont l'emblème a toujours été pris parmi les oiseaux, et par la matière même d'où provient le mercure, terre rocailleuse, chaotique, stérile sur laquelle les colombes se reposent."


"Narcisse s'efforce de saisir, dans le bassin où il s'est miré, sa propre image, cause de sa métamorphose en fleur, "afin qu'il puisse revivre grâce à ces eaux qui lui ont donné la mort":

 .VT.PER.QVAS.ERIIT.VIVERE.POSSIT.AQVAS."

Fulcanelli nous rappelle ici que les narcisses sont des végétaux à fleurs blanches ou jaunes, colorations respectives des deux soufres chargés d'orienter les deux Magistères. Pour lui, le Narcisse mythique est donc l'emblème du métal dissous.

"Quant au soufre extrait par le dissolvant, - l'eau mercurielle du bassin, - il reste le seul représentant de Narcisse, c'est-à-dire du métal dissocié et détruit."

Mais, de même que l'image réfléchie par le miroir des eaux porte tous les caractères apparents de l'objet réel, de même le soufre garde les propriétés spécifiques et la nature métallique du corps décomposé.

"C'est donc avec raison que Narcisse, métal transformé en fleur, ou soufre, - car le soufre, disent les philosophes, est la fleur de tous les métaux, - espère retrouver l'existence, grâce à la vertu particulière des eaux qui ont provoqué sa mort.

S'il ne peut extraire son image de l'onde qui l'emprisonne, celle-ci du moins lui permettra de la matérialiser en un "double" chez lequel il retrouvera conservées ses caractéristiques essentielles."


"L'arche de Noé flotte sur les eaux du Déluge, tandis qu'auprès d'elle une barque menace de sombrer.

Dans le ciel du sujet se lisent les mots .VERITAS.VINCIT. La vérité victorieuse."

D'après Fulcanelli, l'arche représente la totalité des matériaux préparés et unis sous les noms divers de composé, rebis, amalgame, etc., lesquels constituent proprement l'archée, matière ignée, base de la pierre philosophale.

"Sous l'action du feu externe, excitant le feu interne de l'archée, le compost tout entier se liquéfie, revêt l'aspect de l'eau; et cette substance liquide, que la fermentation agite et boursoufle, prend, chez les auteurs, le caractère de l'inondation diluvienne."

Au bout du temps requis, poursuit-il, on voit monter à la superficie, flotter et se déplacer sans cesse sous l'effet de l'ébullition, une très mince pellicule, en ménisque, que les sages ont nommée l'Ile philosophique, manifestation première de l'épaississement et de la coagulation.

"Cette île flottante est aussi l'arche salvatrice de Noé portée sur les eaux du déluge."

Progressivement, et sous l'action continue du feu interne, la pellicule se développe, s'épaissit, gagne en étendue, jusqu'à recouvrir toute la surface de la masse fondue. L'île mouvante est alors fixée, l'arche peut toucher terre.

"Par ces concordances, et le témoignage matériel du labeur lui-même, la vérité s'affirme victorieuse en dépit des négateurs toujours prêts à rejeter la réalité positive qu'ils ne sauraient comprendre, parce qu'elle n'est point connue et moins encore enseignée."


"Une femme, agenouillée au pied d'une tombe sur laquelle on lit ce mot bizarre: TAIACIS affecte le plus profond désespoir.

La banderole qui agrémente cette figure porte l'inscription: .VICTA.JACET.VIRTVS. La vertu gît vaincue."

L'interprétation de Fulcanelli est simple, c'est l'hiéroglyphe de la mortification que nous avons sous les yeux.

"Il est ici question de la vertu du soufre, ou de l'or des sages, lequel repose sous la pierre, attendant la décomposition complète de son corps périssable.

Car la terre sulfureuse, dissoute dans l'eau mercurielle, prépare, par la mort du composé, la libération de cette vertu, qui est proprement l'âme ou le feu du soufre."

Quant à la femme qui, sur la tombe de notre caisson, traduit ses regrets en gestes désordonnés, elle figure la mère métallique du soufre; c'est à elle qu'appartient le vocable singulier gravé sur la pierre qui recouvre son enfant: Taiacis.

"Ce terme baroque, né sans doute d'un caprice de notre Adepte, n'est, en réalité, qu'une phrase latine aux mots assemblés, et écrite à l'envers de manière à être lue en commençant par la fin: Sic ai at, hélas! ainsi du moins...(pourra-t-il renaître)."


"Un stryge cornu, velu, pourvu d'ailes membraneuses, nervées et griffues, les pieds et les mains en forme de serres, est figuré accroupi.

L'inscription fait parler en vers espagnols ce personnage de cauchemar: .MAS.PENADO.MAS.PERDIDO.Y.MENOS.AREPANTIDO. Plus tu m'as nui, plus tu m'as perdu, et moins je me suis repenti."

Fulcanelli voit en ce diable, image de la grossièreté matérielle opposée à la spiritualité, l'hiéroglyphe de la première substance minérale, telle qu'on la trouve aux gîtes métallifères où les mineurs vont l'arracher.

"Il faut convenir que, pour être ainsi symbolisé sous des dehors difformes et monstrueux, - dragon, serpent, vampire, diable, tarasque, etc., - ce malheureux sujet doit être fort disgracié par la nature."

Ce premier mercure, insiste Fulcanelli, est non pas liquide mais solide; il s'agira alors de le purifier progressivement, par une série d'opérations réitérées de solution et de sublimation.

"A chaque opération, le corps se morcelle, se désagrège peu à peu, sans réaction apparente, en abandonnant quantité d'impuretés;

l'extrait, purifié par sublimations, perd également des parties hétérogènes, de telle sorte que sa vertu se trouve condensée à la fin en une faible masse, de volume et de poids très inférieurs à ceux du sujet minéral primitif."

C'est ce que justifie très exactement l'axiome espagnol:

"Plus les réitérations sont nombreuses, plus on fait de tort au corps brisé et dissocié, moins la quintessence qui en provient a lieu de s'en repentir; au contraire, elle augmente en force, en pureté et en activité.

Par là même, notre vampire acquiert le pouvoir de pénétrer les corps métalliques, d'en attirer le soufre, ou leur véritable sang, et permet au philosophe de l'assimiler au stryge cornu des légendes orientales."


"Une couronne faite de feuilles et de fruits: pommes, poires, coings, etc., est liée par des rubans dont les noeuds serrent également quatre petits rameaux de lauriers.

L'épigraphe qui l'encadre nous apprend que "nul ne l'obtiendra s'il n'accomplit les lois du combat": .NEMO.ACCIPIT.QVI.NON.LEGITIME.CERTAVERIT.

Cette couronne est selon Fulcanelli la couronne fructifère du sage.

"Ses fruits marquent l'abondance des biens terrestres, acquise par la pratique de l'agriculture céleste."

Mais cette guirlande rustique ne se laisse pas gagner aisément; dès la première et la plus importante des opérations de l'OEuvre, rude est le combat que l'artiste doit livrer.

"En vérité, ce n'est pas l'alchimiste en personne qui défie et combat le dragon hermétique, mais une autre bête, également robuste, chargée de le représenter et que l'artiste, en spectateur prudent, sans cesse prêt à intervenir, se doit d'encourager, d'aider et de protéger.

C'est lui le maître d'armes de ce duel étrange et sans merci."


"Une pièce d'artillerie du XVIème siècle est représentée au moment du coup de feu. Elle est entourée d'un phylactère portant cette phrase latine:

.SI.NON.PERCVSSERO.TERREBO. Si je n'atteins personne, du moins j'épouvanterai."

Fulcanelli nous livre ici un commentaire purement théorique, et s'abstient de toute interprétation relative à la pratique. Pour lui, le créateur de ce sujet s'adresse aux profanes:

"Les modernes sages, écrit-il en souriant, prendront ce labeur ancien pour une oeuvre de dément.

Et de même que le canon mal réglé surprend seulement par son tapage, notre philosophe pense avec raison que s'il ne peut être compris de tous, tous seront étonnés du caractère énigmatique, étrange et discordant qu'affectent tant de symboles et de scènes inexplicables."

Cette apparente discordance, qui est en fait destinée à cacher une harmonie réelle, sera encore amplifiée par les considérations saugrenues d'observateurs trop pressés:

"Leurs descriptions ne sont au fond qu'un bruit de paroles confuses, vaines et sans portée."

Je me trompe peut-être énormément, mais ma lecture et du dessin de Julien Champagne et de la glose fulcanellienne me pousse à nous donner à tous le conseil d'être toujours prêts, non seulement à voir de nos yeux, mais aussi à "ouïr par le son."

Sur la route du creuset, rappelle Eugène Canseliet dans l'introduction de son Alchimie (Pauvert, 1964 et 1978), les indications chromatiques, qui échappent aux yeux, sont remplacées par celles d'étranges strideurs.

Pour terminer, voici la couverture de l'édition roumaine du Mystère des Cathédrales que je cherche à me procurer. Je ne pense pas que ce soit la première réalisée en Roumanie, et celle-ci, Misterul Catedralelor, publiée par Editura Nemira en 2005, semble actuellement introuvable.

Mais on dit que l'espoir fait vivre, alors esperamos.



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