Croyez-vous à la réincarnation? Comme vous avez pu le voir dans mon précédent message (Constance de Champagne, 8 septembre 2006), Fulcanelli, lui en tout cas y croyait, et s'en est expliqué dans les Demeures Philosophales:
"Les phases de vitalité matérielle et d'existence spirituelle se succèdent les unes aux autres d'après les lois qui en régissent les rythmes et les périodes. L'âme ne quitte son corps terrestre que pour en animer un nouveau...
Les disparus se retrouvent, les égarés se rapprochent, les morts renaissent."
A l'occasion de mon post du 8 avil 2006: Julien Champagne versus Evelyne Segaud, je vous ai déjà brièvement signalé que cette dame, écrivain, astrologue, et à ses heures alchimiste, a en 2001 consacré à Champagne un livre où elle s'attache à prouver qu'il est Fulcanelli.
Et je vous y ai dit, sans y insister à l'époque, qu'elle croit également dur comme fer qu'il est...comme elle, la réincarnation d'Eliphas Lévi.
Autrement dit, si on la suit, Eliphas Lévi se serait réincarné d'abord en Julien Champagne, alias Fulcanelli, puis en Evelyne Segaud.
Je vous propose aujourd'hui de revenir ensemble sur cette thèse pour le moins originale, ne serait-ce que parce qu'elle concerne directement Julien Champagne.
Dans son livre Pourquoi Jean Julien Hubert Champagne était bien Fulcanelli, les preuves, Evelyne Segaud évoque "certaines raisons très personnelles" qui l'ont conduite à considérer qu'il lui appartenait de rétablir la vérité sur Fulcanelli et Champagne.
Elle n'en dit pas plus à ce moment sur ces raisons, et c'est dans deux ouvrages ultérieurs: Mort et réincarnation dans le thème astrologique et Pleins feux sur la réincarnation dans le thème astrologique (L'auteur, respectivement 2002 et 2004), qu'elle avancera cette hypothèse de la "filiation" Lévi-Champagne/Fulcanelli-Segaud.
Je voudrais préciser "au passage" qu'elle semble considérer que son livre de 2004 sera le dernier à paraître, ce qui m'est apparu significatif de la part d'une astrologue.
Dans Mort et réincarnation, Segaud affirme présenter notamment une méthode permettant de déterminer ou de vérifier l'heure natale, et de prévoir la date d'un danger de mort, mais aussi celle de la réincarnation.
Pleins feux sur la réincarnation se présente comme une suite du précédent ouvrage. Segaud y précise en particulier que la séparation définitive d'un mort avec sa famille n'intervient que le jour de la réincarnation du décédé.
Vous me pardonnerez j'espère de ne pas entrer dans les détails des arguments astrologiques dont Evelyne se sert pour étayer sa thèse. Je pense dans un prochain post vous en dire plus cependant sur sa vision astrologique de Julien, car elle est intéressante.
Voici malgré tout ce qu'elle dit en résumé dans Mort et réincarnation de l'étude de trois "cas" qui en fait sont ceux de Lévi, Champagne et...elle-même:
"Bien dur destin en vérité que celui de chercheur en ésotérisme! Peu d'argent, pas de bonheur affectif et pas de descendant...
Lévi a bien eu un fils mais illégitime et ne portant pas son nom, ainsi que des filles également incapables de transmettre le nom à la postérité. Champagne et Segaud n'ont pas eu d'enfants. Dans les trois cas, la seule "postérité" des natifs est leur oeuvre littéraire."
S'agissant de Champagne au moins, je ne suis pas de cet avis, son oeuvre est d'abord picturale.
En tout cas, Segaud se défend d'avoir été particulièrement attirée par la personnalité de Lévi:
"Si j'admirais l'occultiste, je méprisais profondément l'homme. Adolphe Constant a en effet mis une femme enceinte, puis l'abandonna...Il ne reconnut jamais le fils que l'abandonnée avait mis au monde, de plus il n'aida jamais financièrement."
Cependant, dans Pleins feu sur la réincarnation, elle reconnaîtra honnêtement:
"Durant la période où je me livrais à la recherche en parapsychologie, les livres que je découvris en premier furent ceux d'Eliphas, et son enseignement me plut tant que plus tard je citais souvent des passages de ses livres."
L'intérêt d'Evelyne pour Fulcanelli (et donc Champagne) est pour sa part venu, dit-elle en substance dans son deuxième ouvrage, de son étude pour les arcanes majeurs du tarot, "travail que paraît-il Fulcanelli voulait entreprendre, mais que son décès l'a empêché de mener à bien."
"J'ai eu, ajoute-t-elle, la curiosité de visiter les différents lieux où j'avais vécu en tant que Julien Champagne (pseudonyme Fulcanelli) et l'extrême malaise et la douleur ressentis devant les 59 bis rue Rochechouart où Fulcanelli est mort dans les atroces souffrances de la gangrène ont réveillé de très pénibles souvenirs."
Segaud donne bien sûr d'autres détails, sur ses goûts dans ce qui les rapproche des personnalités de Lévi et Champagne, sur son côté "garçon manqué"...Que faut-il en penser?
Ce que j'en pense surtout, c'est que voilà trois livres du même auteur, parus en 2001, 2002 et 2004, qui tous trois traitent prou ou peu de Julien Champagne, et qu'à ce titre il convenait de les aborder dans ce blog.
Ensuite, vous avez je pense compris que l'astrologie n'étant pas mon fort, je préfère vous renvoyer à la lecture astrologique de ces ouvrages, tout en me réservant la possibilité de vous concocter ultérieurement une petite synthèse du thème d'"Hubert", vu par Segaud.
Je rappellerai tout de même à toutes fins utiles qu'Evelyne est née en 1939. Julien est décédé en 1932.
Il était né en 1877. Eliphas Levi (Alphonse-Louis Constant de son vrai nom) est mort en 1875 (il vint au monde en 1810).
Eliphas a-t-il quelque chose d'autre en commun avec Julien que l'ésotérisme en général? Son intérêt pour l'écriture, le dessin et la peinture, peut-être, pour le beau sexe sûrement:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Eliphas_L%C3%A9vi
http://www.la-rose-bleue.org/Biographies/Levi.html
Pour être complet, j'ajouterai tout de même qu'il a pratiqué l'alchimie. Il a été en particulier l'ami de Louis Lucas, auteur entre autres du Roman alchimique...
Si maintenant nous regardons au-delà du décès d'Alphonse-Louis, il est impossible de ne pas rencontrer la maison Chacornac. Dès 1912 par exemple, cet éditeur qui est aussi, rappelons-le, l'employeur ou un des employeurs de Julien Champagne, publie une oeuvre posthume d'Eliphas, Le Livre des Sages.
Et en 1926 Paul Chacornac lui-même fait paraître en sa Librairie générale des sciences occultes son Eliphas Lévi, rénovateur de l'occultisme en France. Nous sommes dans l'année même de publication de l'édition originale du Mystère des Cathédrales de Fulcanelli.
Fulcanelli ne semble pas avoir jamais mentionné les ouvrages d'Eliphas Levi dans ses deux livres. Son disciple Eugène Canseliet, au contraire, les cite dans son oeuvre à diverses reprises, et ce de façon ambivalente.
Dans le numéro de la revue Atlantis qui est consacré à Richard Wagner (numéro 231, 1965, article Le chantre des Niebelungen), il paraît lui reprocher d'avoir parfois confondu magie et sorcellerie:
"De cette hérétique association, les livres d'Eliphas Lévi s'offrent en illustration frappante, lors même que le célèbre occultiste ait quelquefois travaillé au laboratoire."
Au contraire, son article Alchimie et magie du numéro spécial La magie de la revue La tour Saint Jacques (numéro 11/12, 1957) où il mentionne expressément le livre Dogme et rituel de la haute magie de l'abbé Constant est plutôt laudateur: Il n'y a qu'une magie:
"N'est-ce point là, nettement formulé, le point de vue d'Eliphas Lévi, qui veut que la magie soit "la science traditionnelle des secrets de la nature."
"Le sorcier est au magicien ce que le superstitieux et le fanatique sont à l'homme véritablement religieux" (Lévi, cité par Canseliet).
Il est vrai qu'avant même de rencontrer Fulcanelli, le jeune Canseliet était entré en ésotérisme par la lecture de divers auteurs du XIXème siècle, dont Cyliani, Schuré, et Lévi.
Je me garderai bien de conclure, même si je vous avoue que je ma conviction est loin d'être faite. Je peux admettre la réincarnation, y compris avec changement de sexe, dans une des versions de la dernière entrevue entre Fulcanelli et Canseliet, le second dit d'ailleurs que le premier était "devenu" une femme.
Ce qui m'ennuie davantage, c'est la fixation d'une ésotériste moderne sur deux célébrités de l'occultisme. J'eusse préféré qu'Evelyne Segaud se trouvât être la réincarnation d'un ou de plusieurs de ces "nobles voyageurs" qui ont eu la sagesse et le bon goût de rester dans l'anonymat de la tradition.
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