Nous avons déjà consacré un article à la maison d'Adam et Eve, au Mans, parfois dite de Jean de l'Espine, du nom du médecin et astrologue qui la fit construire au XVIème siècle: Champagne manceau: Adam et Eve, 18 février 2006.
On en sait peu sur le Jean en question, il aurait publié un almanach en 1534, postérieurement à la construction de sa maison, dont on sait qu'elle fut un temps occupée par deux médecins.
Après son décès, la maison d'Adam, Eve...et Jean échut à son fils Raphaël de l'Espine, qui la vendit en 1556.
A cette maison est consacré tout un chapitre des Demeures Philosophales de Fulcanelli, dont l'édition originale fut illustrée par Julien Champagne.
Nous avons vu que le premier bas-relief évoqué, classiquement dit d'Adam et Eve, a donné son nom à ce logis, mais qu'il est aussi dit parfois d'Ariane et de Bacchus.
Cette orientation mythologique, ou si vous voulez mytho-hermétique de la façade tout entière, semble confirmée par un second motif, moins visible car il surplombe le premier.
Il est consacré à l'enlèvement de Déjanire, titre même de la planche XII des Demeures, le dessin de Champagne étant remplacé dans l'édition Pauvert par un cliché qui en constitue la planche XV, et que je reproduis également.
"Au-dessus des coqs, gardiens du vase fructifère, explique Fulcanelli, se voit un panneau de plus grande dimension, malheureusement fort mutilé, dont la scène figure l'enlèvement de Déjanire par le centaure Nessos."
Et de nous rappeler la fable grecque. Hercule ayant obtenu la main de Déjanire voulut traverser un fleuve en compagnie de sa nouvelle épouse et le centaure, qui se trouvait dans le voisinage, offrit de transporter la belle sur l'autre rive. S'apercevant rapidement de la tentative de rapt, le mari imprudent blessa mortellement le ravisseur en lui décochant un flèche trempée dans le sang de l'hydre.
Agonisant, l'homme-cheval remit alors...à sa monture sa tunique teinte de son sang, l'assurant qu'elle lui servirait à rappeler son époux si celui-ci s'avérait volage. En fait, cette tunique, dont elle eut effectivement l'usage, causa la mort d'Hercule qui l'ayant endossée, ressentit aussitôt de telles souffrances qu'il se jeta dans les flammes d'un brasier qu'il avait lui-même allumé.
Et Déjanire se tua de désespoir en apprenant la fatale nouvelle. Triste histoire, donc que celle de "la tunique de Nessos" (ou Nessus). Mais aussi légende alchimique...
"Nessos, nous dévoile l'Adepte, représente la pierre philosophale, non encore déterminée ni affectée à l'un quelconque des grands genres naturels, dont la couleur varie du carmin au brillant écarlate...
Hercule figure le soufre de l'or dont la vertu réfractaire aux agents les plus incisifs ne peut être vaincue que par l'action du vêtement rouge, ou sang de la pierre...
Déjanire, femme d'Hercule, personnifie le principe mercuriel de l'or, qui lutte de concert avec le soufre auquel il est conjoint, mais succombe néanmoins sous l'ardeur de la tunique ignée."
Si vous trouvez que l'histoire est tout de même bien sombre, et sa fin particulièrement tragique, vous apprécierez peut-être comme moi cette belle porcelaine allemande de 1957, inspirée par notre cher Raymond Peynet (1908-1999).
Car l'artiste peut comme ici suspendre le vol du temps, en laissant Nessos et Déjanire dans le mitan du fleuve. Vous ai-je dit que ce fleuve s'appelle Evène (doux, facile, en grec)? Reprenons le fil
de l'eau:
"Hercule n'entre pas dans les eaux du fleuve et Déjanire le traverse sur la croupe de Nessos. C'est la solution de la pierre qui fait le sujet du passage allégorique de l'Evène, et cette solution s'obtient aisément, de manière douce et facile."
La "méson" du Mans ayant été récemment restaurée, pourquoi finalement se priver d'un cliché de ce bas-relief dans son état actuel?
Dans le numéro 45 de ce mois de septembre 2006 de l'excellent webzine mensuel de Thierry Emmanuel Garnier, La Lettre de Thot:
http://thot-arqa.org/arcadia/accueil.html
vous trouverez le début d'un petit article de votre serviteur sur Julien Champagne. Son titre : Julien Champagne dévoilé. Suite j'espère en octobre 2006.
ARCHER