Depuis mon Champagne lexovien du 17 avril 2006, je ne vous ai plus entretenu du Manoir de la salamandre de Lisieux. Et pourtant, il n'a pas fini de nous livrer ses secrets, n'est-ce pas, Mulciber?
Reprenons donc l'édition originale des Demeures Philosophales de Fulcanelli, illustrée par Julien Champagne. La planche VI en est précisément consacrée à notre manoir, dont elle représente le faîte, côté rue. Elle est intitulée La Salamandre et les deux Dragons de la lucarne.
La planche qui lui correspond dans l'édition Pauvert est une photographie, que voici également, et qui porte le numéro IX. Pour la petite histoire, le mot lucarne, ô Grasset d'Orcet, y est écrit avec un
"grand" L.
Toujours pour l'anecdote, un des possesseurs de ce cliché a dû être inspiré en le voyant par l'iconographie et l'histoire de la salamandre, puisqu'on distingue en haut et à droite de cette épreuve le mot François 1er.
Il est vrai que dans certains documents cette maison, pour des raisons évidentes, est également dite "de François 1er".
Le thème ou si vous préférez le mythe de la salamandre est si important pour l'alchimiste Fulcanelli qu'il l'a fait figurer en frontispice des Demeures, frontispice consacré à l'Hôtel du Bourgtheroulde à Rouen, lui aussi du XVIème siècle et que nous avons déjà évoqué (post Champagne et la salamandre, 1er mars 2006, où François 1er est d'ailleurs mentionné).
Dans le chapitre lexovien de son ouvrage, l'Adepte se livre à un examen de sa signification en alchimie sur lequel je reviendrai sans doute plus tard, car une salamandre décore également la porte d'entrée du manoir. Il fait donc remarquer à nouveau la place importante qu'occupe, parmi les sujets emblématiques du petit hôtel de Lisieux, la salamandre, enseigne particulière de son modeste et savant propriétaire. Et il poursuit:
"On la retrouve jusque sur la lucarne du faîte, presque inacessible et dressée en plein ciel. Elle y étreint le poinçon du chapeau, entre deux dragons sculptés parallèlement sur le bois des jouées."
Et de concentrer alors, très logiquement, ses explications sur les deux dragons:
"Ces deux dragons, l'un aptère (sans ailes), l'autre chrysoptère (aux ailes dorées), sont ceux dont parle Nicolas Flamel en ses Figures hierogliphiques, et que Michel Maïer (Symbola aureae mensae, Francofurti, 1617) regarde comme étant, avec le globe surmonté de la croix, des symboles particuliers au style du célèbre Adepte.
Cette simple constation démontre la connaissance étendue que l'artiste lexovien avait des textes philosophiques et du symbolisme spécial à chacun de ses prédécesseurs."
Poursuivons donc le couple dragonnier, et retrouvons-le au chapitre L'Homme des Bois des Demeures:
Ils désignent, nous dit Fulcanelli, les deux matières, active et passive, dont la réaction mutuelle fournit, à la fin du combat philosophique, la première substance de l'OEuvre.
"Certains auteurs, - Nicolas Flamel et Basile Valentin en particulier, - ont donné à ces éléments l'épithète conventionnelle de dragons; le dragon céleste, qu'ils représentent ailé, caractérise le corps volatil, le dragon terrestre, aptère, le corps fixe."
Sur ce sujet du combat des deux natures, vous pourrez également vous reporter à mon post du 12 juillet 2006: Julien Champagne aux marmousets.
Mais la salamandre dans tout ça, me direz-vous? Quelle place tient-elle auprès de ces dragons?
Précisément, elle est comme dit Fulcanelli entre les dragons. Alors, les sépare-t-elle ou au contraire les unit-elle? Ou encore est-elle le produit final de la réunion des deux antagonistes?
Fulcanelli à mon avis répond immédiatement mais indirectement à cette redoutable question:
"Le choix même de la salamandre nous mène à penser que notre alchimiste dut chercher longtemps et employer de nombreuses années à la découverte du feu secret...verbe incarné, esprit céleste corporifié dans toutes les choses de ce monde."
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