Nous voici maintenant devant la planche XIV de l'édition originale du Mystère des Cathédrales de Fulcanelli, illustré par Julien Champagne.
Dans l'édition Pauvert, elle est remplacée par deux clichés en noir et blanc, dont l'ordre est à nouveau inversé, et qui portent respectivement les numéros XXIV et XXV.
Ces deux médaillons du porche central de Notre-Dame de Paris sont classiquement supposés représenter la discorde pour l'un, et pour l'autre l'inconstance.
Dans le livre de Fulcanelli, ils portent naturellement des appellations bien différentes, le premier étant dénommé La Dissolution. Combat des deux Natures, et le second L'Entrée du Sanctuaire.
"Pour être humain et familier, le style de Notre-Dame n'en est ni moins noble, ni moins expressif, commente notre Adepte en cet endroit.
Les deux natures y sont figurées par des enfants agressifs et querelleurs qui, en en venant aux mains, ne se ménagent point les horions.
Au plus fort du pugilat, l'un d'eux laisse choir une pierre, l'autre un pot. Il n'est guère possible d'écrire avec plus de clarté ni de simplicité l'action de l'eau pontique sur la matière grave,
et ce médaillon fait grand honneur au maître qui l'a conçu."
Fulcanelli reviendra dans ses Demeures Philosophales et sur cette eau pontique, et sur le combat des natures. Concernant ce second point, il explique, ouvrant Le grimoire du chateau de Dampierre
et citant Limojon dans son Triomphe Hermétique:
"Notre pierre naît de la destruction de deux corps." Nous préciserons que, de ces corps, l'un est métallique, l'autre minéral, et qu'ils croissent tous deux dans la même terre."
"A droite du porche, nous dit ensuite Fulcanelli du deuxième bas-relief, le septième médaillon nous montre un vieillard prêt à franchir le seuil du Palais mystérieux.
Il bient d'arracher le vélum qui en dérobait l'entrée aux regards profanes. C'est le premier pas accompli dans la pratique, la découverte de l'agent capable d'opérer la réduction du corps fixe,
de le réincruder, selon l'expression reçue, en une forme analogue à celle de sa prime substance."
Et Fulcanelli de préciser aussitôt, charitablement, ce qu'il faut entendre par cette réincrudation: Il s'agit tout simplement de rendre vivants les métaux morts. Mais il va encore plus loin dans son explication:
"Le vieillard n'est autre que notre Mercure, agent secret dont plusieurs bas-reliefs nous ont révélé la nature...Quant au Palais, il représente l'or vif, ou philosophique, or vil, méprisé de l'ignorant, et caché sous des haillons qui le dérobent aux yeux, bien qu'il soit fort précieux à celui qui en connaît la valeur."
Et le Philosophe dévolu au XXème siècle ne s'arrête pas en si bon chemin, poursuivant ainsi son élucidation:
"Nous devons voir en ce motif une variante de l'allégorie des Lions vert et rouge, du dissolvant et du corps à dissoudre.
En effet, le vieillard, que les textes identifient à Saturne, - lequel, dit-on, dévorait ses enfants, - était jadis peint en vert, tandis que l'intérieur du Palais offrait une coloration pourpre."
Fulcanelli nous a déjà révélé à quelle source on peut se référer pour rétablir, grâce au coloris original, le sens de toutes ces figures. Tous ces motifs se retrouvent en effet, et en couleurs, dans les vitraux de Notre-Dame, en particulier dans ses rosaces, et notamment, comme en fait foi le cliché ci-dessus, dans la grande rose.
On pourra notamment y vérifier qu'ayant ôté "la nuée sur le sanctuaire" qui inspira à Eckartshausen son plus célèbre traité, notre artiste, loin d'être inconstant et de quitter le temple, s'apprête bien à y pénétrer.
L'ésotérisme dans sa discrète précision prend bien ici le pas sur le trop rapide coup d'oeil jeté avidement par l'exotérisme moralisant. Il est vrai que là encore la maîtrise du concepteur s'avère extrême, et est bien de nature à induire en erreur le scrutateur indigne: Notre vieillard lui tourne le dos, il est tourné vers le Palais du Roi.
ARCHER