Depuis mon post du 17 juillet 2006: Champagne en 1912, il ne fait guère de doute dans mon esprit que Julien Champagne et Paul Sédir aient fréquenté ensemble la librairie Chacornac, et qu'ils s'y soient connus.
Je reproduis à nouveau ci-dessus le dessin qui jouxte le frontispice du Mystère des Cathédrales de Fulcanelli, dans la bibliographie Chacornac parue deux ans après la réalisation de ce "symbole alchimique de J. Champagne".
Lui aussi pourrait être de Julien en théorie, mais finalement j'en doute (voir Julien Champagne et Saint Marcel, 27 avril 2006). Voici en tout cas son intitulé, peu lisible sur mon cliché:
"Le portail droit de Notre-Dame Symbole alchimique sculpté dans la pierre ( Ancien lieu de rendez-vous des Alchimistes des siècles passés)."
A propos d'illustrations, je noterai également que la "bibliographie alphabétique et critique" de 1912 diffère sensiblement des autres catalogues Chacornac que je connais. Elle est bien plus richement illustrée.
Dans les années 1900, ces catalogues sont ornés de quelques dessins, généralement signés OW ( Oswald Wirth, à mon avis). Ceux des années 1930 en sont totalement dépourvus. Il semble donc que nous ayons affaire à un document particulier, et rare.
Pour en revenir à cette bibliographie introduite par Papus, elle est préfacée et fait l'objet de notices explicatives de Sédir; autant dire qu'il en est l'auteur principal, sinon unique. Le dernier portrait de lui ici présenté est d'ailleurs de 1912.
Nous avons déjà rencontré Paul Sédir en évoquant Lucien Chamuel (Champagne et l'archange, 25 mai 2006).
Compte tenu de sa tonitruante entrée en occultisme, à dix-neuf ans, il n'est pas étonnant qu'Yvon Le Loup (1871-1926) se soit octroyé ou se soit vu attribuer un nom de plume rappelant "l'homme de désir" de Louis-Claude de Saint-Martin dans son Crocodile.
Sa vie professionnelle semble avoir été particulièrement terne, à l'inverse; employé à la Banque de France à compter de 1892, il y resta jusqu'à la fin de son existence.
L'année précédente, il avait commencé à écrire pour L'Initiation ses premiers articles, signés de son pseudonyme.
Outre Chamuel et Papus, comme déjà dit, il fut un proche de Stanislas de Guaïta et sa rencontre ultérieure avec Maître Philippe incita celui qu'on appelait "le théosophe d'Amboise" à évoluer vers un mysticisme qui le conduisit à fonder en 1920 son propre mouvement, les Amitiés Spirituelles, toujours actif aux dernières nouvelles.
Ne quittons pas l'homme Le Loup sans mentionner sa dévotion pour sa femme Alice, épousée en 1889 et décédée en 1909, que Maître Philippe guérit d'un mal apparemment incurable en 1905, avec sur cette âme sensible ô combien un effet que chacun peut imaginer, du moins je l'espère.
Un peu d'humanité dans ce monde de brutes, cela fait du bien; il est vrai que j'ai vu sur une de ses photos, que je ne donne pas cette fois, que Sédir a fumé la pipe; c'est une de mes maximes préférées, savez-vous, "un homme qui fume la pipe ne peut pas être totalement mauvais".
Plus pessimiste que moi peut-être, Paul aurait écrit: "Il est très rare qu'on veuille délibérément être mauvais, mais il est très fréquent qu'on ne veuille pas être meilleur."
Mais l'oeuvre, me direz-vous? Elle est abondante et diverse, et je partage personnellement l'idée de ceux qui trouvent que l'essentiel s'en trouve peut-être dans les études de Sédir sur le rosicrucianisme.
Gnostique, membre de l'Hermetic Brotherhood of Luxor, il appartint également à l'ordre kabbalistique de la Rose-Croix de Guaïta.
Je citerai donc en premier lieu son Histoire des Rose-Croix (Librairie du XXe siècle, 1910), suivie d'une Histoire et doctrine des Rose-Croix, (Bibliothèque des Amitiés Spirituelles, 1932), devenue plus tard Les Rose-Croix (Amitiés Spirituelles, 1953, 1964...).
Ces ouvrages ne sont pas trop difficiles à trouver soit en librairie, soit en ligne, en français comme dans d'autres langues:
http://pros.orange.fr/jean-paul.barriere/divers2/lesrose.htm
http://www.moup.org/Files/Sedir-History_and_Doctrine_of_the_Rose-Croix.pdf
On y trouvera en particulier de précieuses indications sur l'esprit du rosicrucianisme et celui de...l'alchimie, qui nous rapprochent bien sûr de Julien Champagne.
Parmi les autres ouvrages d'Yvon Le Loup, citons son étude sur Jacob Boehme (Chamuel, 1897), Boehme dont il traduira le De Signatura Rerum (Chacornac, 1908) et dont il préfacera De l'Election de la Grâce (Chacornac, 1928).
Ce qui nous conduit tout naturellement à évoquer d'autres préfaces et traductions de ses inspirateurs, traduction de la Theosophia Practica de Johann Georg Gichtel (Chamuel, 1898), préfaces à l'Histoire philosophique du genre humain, d'Antoine Fabre d'Olivet (Chacornac, 1910) et bien entendu aux Nombres de Saint-Martin (Chacornac, 1913).
Sédir relatera également sous forme de fiction sa rencontre avec Maître Philippe, dans le volume Initiations qui en 1924 en était déjà à sa troisième édition aux Amitiés Spirituelles.
Enfin, comment ne pas revenir un instant sur le mystique que fut Le Loup, un mystique que je serai tenté de qualifier de christique, le meilleur livre de lui à conseiller sur ce plan étant peut-être Les guérisons du Christ, toujours disponible actuellement.
Toute bibliographie étant partielle et partiale, en voici une autre de Sédir, dont je me suis d'ailleurs inspiré:
http://www.livres-mystiques.com/partietextes/Besson/Biobesson/biblio.htm
De la guérison à la médecine, universelle ou non, il n'y a qu'un pas, si l'on veut être optimiste, pas que je vais maintenant et allègrement franchir avec vous.
Parmi les ouvrages traduits par Sédir, figure dès 1897 le livre de Saturnus (Theodor Krauss), Iatrochimie et Electro-Homéopathie (Chacornac).
Voulez-vous une oeuvre de Le Loup en personne? Voici La Médecine occulte, revue de toutes les thérapeutiques, alchimique, magnétique, astrale, religieuse, théurgique, La Maison d'Art (1900), puis Beaudelot, 1910.
Et puis, parce qu'il nous faut maintenant y arriver, en 1896 déjà, Sédir avait préfacé L'Hylozoïsme, L'Alchimie, Les Chimistes unitaires (Chamuel), d'un certain Jollivet-Castelot.
François Jollivet-Castelot (1868-1937), qui dès 1897 publiera chez Chamuel Comment on devient alchimiste, qui la même année fondera avec Jean Delassus et Edouard d'Hooghe la Société Alchimique de France...
Coïncidence, engouement passager d'un touche-à-tout, d'un curieux perpétuel? Pas du tout.
Le martiniste Jollivet-Castelot, en qui certains, à tort sans doute, ont cru reconnaître Fulcanelli, a aussi fondé plusieurs revues: L'Hyperchimie (et les éditions du même nom), mais aussi Rose-Croix...
Dans son livre Fulcanelli dévoilé, Geneviève Dubois situe en 1896 la fondation de L'Hyperchimie, "revue mensuelle d'alchimie, d'hermétisme et de médecine spagyrique". Elle ajoute que cette revue parut une dizaine d'années.
Le directeur en était Jollivet, et le rédacteur en chef...Paul Sédir. Dans son livre, Les religions inconnues (NRF, 1928), E.Gascoin nous le confirme si besoin était:
"L'alchimiste, écrivait Sédir, rédacteur en chef de l'Hyperchimie, est guidé par la loi des analogies, c'est-à-dire, suivant l'opération qu'il entreprend, par la méthode de correspondance, par celle des signatures..."
Jollivet-Castelot comme Sédir, Phaneg, auteur d'un traité d'alchimie, Papus...ont tous,enfin, fréquenté les cours de l'Ecole Hermétique, ex Groupe Indépendant d'Etudes Esotériques, nous rappelle également Dubois.
Dans un article sur Paul Sédir, "ésotériste chrétien", publié en 1948 dans le numéro IX de la revue Initiation & Science, Robert Caborgne, secrétaire de l'association pour la rénovation de l'occultisme traditionnel (AROT), affirme:
"C'est à Paris que Paul Sédir eut son laboratoire alchimique. Là se retrouvaient Albert Poisson, Abel Haatan, Marc Haven et le docteur Bourcart, ancien élève de Polytechnique qui, sous le pseudonyme de Jacob, écrivit l'Esquisse hermétique du grand Tout universel, suivie de l'étude analytique d'un athanor alchimique."
Finalement, quand on regarde un cliché comme celui de ce groupe d'amis, on peut se demander qui ne s'y est pas occupé d'alchimie. Le Maître Philippe, peut-être. Je ne connaissais pas Rosabis, dont le "nom de guerre" me semblait cependant suffisamment parlant, jusqu'à ce que je lise sous la plume de Marie-Sophie André et Christophe Beaufils (Papus, biographie, Berg, 1995) qu'il s'agit en fait d'un ingénieur dénommé Pierre Bardy.
Marc Haven (Emmanuel Lalande), gendre de Philippe, a produit une thèse de médecine sur Arnaud de Villeneuve et préfacé comme Pierre Dujols le Mutus Liber, livre muet de l'alchimie.
Pour en savoir encore un peu plus sur Sédir, voici sa biographie, je devrais dire son éloge par Emile Besson, des Amitiés Spirituelles, en 1971:
http://www.livres-mystiques.com/partietextes/Besson/Biobesson/biosedir.html
Il y a eu aussi dès 1926 un numéro spécial Paul Sédir, du Voile d'Isis, revue à laquelle il avait également prêté sa plume.
En 1971, les Amitiés Spirituelles ont publié un Sédir, l'homme et l'oeuvre. Et pour conclure, comment ne pas vous signaler à propos d'Yvon l'excellent site de Roland Soyer:
http://www.livres-mystiques.com/homepage/presenta.html
Cliquez sur Sédir...et sachez que Roland Soyer est aussi l'auteur d'un article que je trouve particulièrement attachant, où il relate ses années de formation:
http://www.livres-mystiques.com/Temoignage/formation/formatio.html
Son premier maître? Eugène Canseliet.
http://maxjulienchampagne.over-blog.it/article-champagne-et-l-homme-de-desir-120342334.html
ARCHER