La planche XI de l'édition originale du Mystère des Cathédrales de Fulcanelli, illustré par Julien Champagne, comporte deux motifs en médaillon, figurant tous deux au porche central de Notre-Dame
de Paris.
Celui de gauche s'intitule La Cohobation, et celui de droite Origine et Résultat de la Pierre. Dans l'édition Pauvert du même ouvrage, les clichés correspondants, sans doute dûs à Pierre Jahan, portent respectivement les numéros XVIII et XIX.
Que nous en dit Fulcanelli dans son livre?
"Auprès du contrefort qui sépare le porche central du portail nord, le premier motif nous présente un cavalier désarçonné se cramponnant à la crinière d'un cheval fougueux.
Cette allégorie a trait à l'extraction des parties fixes, centrales et pures, par les volatiles ou éthérées dans la Dissolution philosophique. C'est proprement la rectification de l'esprit obtenu et la cohobation de cet esprit sur la matière grave.
Le coursier, symbole de rapidité et de légèreté, marque la substance spirituelle; son cavalier indique la pondérabilité du corps métallique grossier. A chaque cohobation, le cheval jette bas son cavalier, le volatil quitte le fixe; mais l'écuyer reprend aussitôt ses droits, et cela tant que l'animal exténué, vaincu et soumis, consente à porter ce fardeau obstiné et ne puisse plus s'en dégager.
L'absorption du fixe par le volatil s'effectue lentement et avec peine. Pour y réussir, il faut employer beaucoup de patience et de persévérance et réitérer souvent l'affusion de l'eau sur la terre, de l'esprit sur le corps.
Et c'est seulement par cette technique, - longue et fastidieuse, en vérité, - que l'on parvient à extraire le sel occulte du Lion rouge avec le secours de l'esprit du Lion vert..."
Fulcanelli revient un peu plus avant dans son texte sur le même motif, pour souligner qu'en dépit des outrages du temps et des déprédations de toutes sortes dont elle a été victime, Notre-Dame conserve en elle-même le coloris orginal des figures de son grand porche.
"Guillaume de Paris, dont nous devons bénir la perspicacité, sut prévoir le préjudice considérable que le temps porterait à son oeuvre.
En maître avisé, il fit reproduire minutieusement les motifs des médaillons sur les vitraux de la rose centrale. Le verre vient ainsi compléter la pierre et, grâce au secours de la matière fragile, l'ésotérisme reconquiert sa pureté primitive.
On découvrira là l'intelligence des points douteux de la pratique. Le vitrail, par exemple, dans l'allégorie de la Cohobation (premier médaillon), nous présente, non un vulgaire cavalier, mais un prince couronné d'or, à veste blanche et bas rouges."
Combien voudrions-nous pouvoir admirer ces vitraux avec vous, et, au moment où l'on constate les ravages sur nos verrières médiévales de la pollution industrielle, combien il nous faut souhaiter que les trésors de nos basiliques, parisiennes et autres, ne soient pas abandonnés à l'indifférence d'édiles surtout intéressés par leur notoriété immédiate, ni à celle d'un clergé ô combien séculier!
"Au second médaillon, poursuit Fulcanelli, l'Initiateur nous présente d'une main un miroir, tandis que de l'autre il élève la corne d'Amalthée; à ses côtés se voit l'Arbre de Vie.
Le miroir symbolise le début de l'ouvrage, l'Arbre de Vie en marque la fin, et la corne d'abondance le résultat.
Alchimiquement, la matière première, celle que l'artiste doit élire pour commencer l'OEuvre, est dénommée Miroir de l'Art...
Ce sujet, si vulgaire et si méprisé, devient par la suite l'Arbre de Vie, Elixir ou Pierre philosophale, chef-d'oeuvre de la nature aidée par l'industrie humaine, le pur et riche joyau alchimique.
Synthèse métallique absolue, elle assure à l'heureux possesseur de ce trésor le triple apanage du savoir, de la fortune et de la santé.
C'est la corne d'abondance, source intarissable des félicités matérielles de notre monde terrestre..."
Dans ses Deux Logis Alchimiques (Schemit, 1945, Pauvert, 1979, et Bailly, 1998), Eugène Canseliet insistera à nouveau sur ce thème, à propos de la sirène noire et enceinte, peinte au plafond de la salle des gardes du château du Plessis-Bourré, dans le Maine-et-Loire:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%A2teau_du_Plessis-Bourr%C3%A9
"Je suis noire mais belle - Nigra sum sed formosa - déclare, au premier chapitre du Cantique des Cantiques, la Grande Dame, qui est épouse excellement, tandis qu'au château du Plessis-Bourré, elle contemple son obscure beauté dans le miroir de l'art qui est issu d'elle-même.
Au-dessous de l'objet pesant, une corne d'abondance paraît en souligner la réfléchissante vertu..."
Oui, réfléchir, méditer, et puis voir, contempler la Merveille. En bas près des porches, comme en haut, sur les rosaces et même parmi les gargouilles de la galerie haute. La Grande Dame, Notre-Dame continue d'y veiller sur son, sur ses alchimistes.
http://maxjulienchampagne.over-blog.it/article-cohobation-de-julien-champagne-120342281.html
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