La planche XVIII de l'édition originale du Mystère des Cathédrales de Fulcanelli, illustré par Julien Champagne, a trait au portail de la Vierge de Notre-Dame de Paris et est intitulée Le Bain des Astres - Condensation de l'Esprit Universel.
Dans l'édition Pauvert, elle est remplacée par un cliché qui porte le numéro XXIX. Voici pour commencer ce qu'en dit Fulcanelli lui-même:
"On remarque encore, sous ce porche, un petit bas-relief quadrangulaire extrêmement curieux. Il synthétise et exprime la condensation de l'Esprit universel, lequel forme, aussitôt matérialisé, le fameux Bain des astres où le soleil et la lune chimiques doivent se baigner, changer de nature et se rajeunir.
Nous y voyons un enfant tomber d'un creuset, grand comme une jarre, que maintient un archange debout, nimbé, l'aile étendue, et qui paraît frapper l'innocent.
Tout le fond de la composition est occupé par un ciel nocturne et constellé."
"Nous reconnaissons en ce sujet l'allégorie très simplifiée, chère à Nicolas Flamel, du Massacre des Innocents, que nous verrons bientôt sur un vitrail de la Sainte-Chapelle", ajoute Fulcanelli.
On pourra à ce sujet se reporter à notre post du 04 février 2006: La Sainte Chapelle et Champagne.
Mais laissons Fulcanelli poursuivre son commentaire:
"Sans entrer par le menu dans la technique opératoire, - ce qu'aucun auteur n'a osé faire, - nous dirons cependant que l'Esprit universel, corporifié dans les minéraux sous le nom alchimique du Soufre, constitue le principe et l'agent efficace de toutes les teintures métalliques.
Mais on ne peut obtenir cet Esprit, ce sang rouge des enfants, qu'en décomposant ce que la nature avait d'abord assemblé en eux.
Il est donc nécessaire que le corps périsse, qu'il soit crucifié et qu'il meure, si l'on veut extraire l'âme, vie métallique et Rosée céleste, qu'il tenait enfermée.
Et cette quintessence, transfusée dans un corps pur, fixe, parfaitement digéré, donnera naissance à une nouvelle créature, plus resplendissante qu'aucune de celles dont elle provient.
Les corps, termine Fulcanelli en rappelant un axiome fondamental de l'alchimie, n'ont point d'action les uns sur les autres; l'esprit seul est actif et agissant."
Dans le numéro 3 de la revue La Tour Saint Jacques (1956), Eugène Canseliet reviendra sur le thème du massacre des innocents, à l'occasion de son article Nicolas Flamel: Traité des laveures (extraits commentés).
Il l'a repris également, en modifiant son commentaire, dans son édition de Nicolas Flamel, Le Livre des Figures Hiéroglyphiques, paru chez Denoël puis Retz, respectivement en 1970 et 1977.
Voici d'abord le texte des Figures de Nicolas Flamel (1977):
"A l'autre page du cinquième feuillet, il y avoit un Roi avec un grand coutelas, (IV) qui faisoit tuer en sa présence par des Soldats grande multitude de petits Enfans, les Mères desquels pleuroient aux pieds des impitoyables Gendarmes, et ce sang étoit puis après ramassé par d'autres Soldats, et mis dans un grand Vaisseau, dans lequel le Soleil et la Lune du Ciel se venoient baigner.
Et parce que cette Histoire représentoit à peu près celle des Innocens tuez par Hérode, et qu'en ce Livre-ci j'ai appris la plupart de l'Art, ç'a été une des causes pourquoi j'ai mis en leur Cimetière ces Symboles Hyéroglifiques de cette secrette Science."
Et voilà finalement le texte d'Eugène Canseliet relatif à la planche intitulée Le massacre des innocents, dans la revue La Tour Saint Jacques, qui porte le titre : Bref commentaire sur la planche ci-contre:
"Le massacre des Innocents, que Flamel fit représenter sur son arche de charnier parisien, dans sa correspondance théologico-chimique, évoque le grand arcane du second oeuvre.
Au Livre des Figures, l'Adepte n'en fournit pas l'explication et se contente de signaler le martyre collectif et initial qu'enregistra l'histoire chrétienne au début de l'ère, par les six lignes d'un court alinéa du premier chapitre:
"Quand aux troisiesme, quatriesme & cinquiesme Tableau suivants, au long desquels y a escrit, COMMENT LES INNOCENS FURENT OCCIS PAR LE COMMANDEMENT DU ROY HERODES. Le sens Theologique s'y entend aussi assez par ceste escripture, il faut seulement parler du reste qui est au dessus."
Dans cette édition du sieur Arnauld de la Chevallerie, sur la grande planche qui se déplie, on voit de même la scène d'égorgement extrêmement simplifiée.
Il nous a paru utile de l'offrir au lecteur, d'après l'image peinte du Livre d'Abraham, beaucoup plus parlante, puisque les bambins immolés, tous accompagnés du signe solaire, s'y trouvent au nombre de sept, en regrettant toutefois d'avoir été contraint de ne la rendre qu'"en noir."
Cette image est ici reproduite avec ses couleurs d'origine.
Et Canseliet de conclure:
"Du texte éclairant cette composition sur parchemin, dans le beau manuscrit de la Bibliothèque nationale (fr. n° 14765), nous extrayons, - non sans avoir écarté les ratures et les surcharges peut-être dues à Denis Molinier, - quelques lignes rappelant l'opération au cours de laquelle les petits poissons, patiemment et successivement, sont pêchés dans la mer hermétique.
Dans le sang de tous ces innocents prendra naissances l'ICHTUS de la primitive Eglise, la rémore des alchimistes, le Sauveur ou Roi du Monde:
"Par ce sang il faut entendre la reduction de nos souffres metalliques incorporés dans notre eau mercurielle animée, car il n'y a qu'elle dans la nature capable de faire cette extraction et cette reduction de nos metaux en mercure; c'est en cette eau que Vulcain a begné le soleil pour le purifier de sa lèpre."
Sur Denis Molinier, on pourra en particulier consulter la publication de L'Alchimie de Flamel aux Editions d'Art Savary, en 1989.
http://maxjulienchampagne.over-blog.it/article-julien-champagne-et-le-bain-des-astres-118224003.html
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