Puisqu'avec Eugène Canseliet nous avons évoqué les dernières années de la vie terrestre de Julien Champagne, il est temps de le considérer à nouveau dans l'immortalité de son oeuvre.
Cette oeuvre qui aujourd'hui survit, espérons le "bien moins que demain", c'est essentiellement celle du peintre et du dessinateur également talentueux, et dont le phénix qu'il offrit en illustration des Demeures Philosophales de Fulcanelli est un symbole ô combien évocateur.
La planche XXXIV des Demeures, clichée ci-dessus, reproduit un bas-relief de l'hotel du
Bourgtheroulde (XVIe siècle) à Rouen; elle est intitulée Le Phénix sur son immortalité.
On sait depuis le poète latin Lactance au moins (Carmen de ave Phoenice, vers 300) que cette immortalité est paradoxalement constituée par le brasier que l'oiseau mythique allume lui-même lorsque le temps est venu, et dont il renaîtra ensuite des cendres.
Au cours de son étude de la légende antique, et de sa signification alchimique, Fulcanelli cite l'écrivain Savinien de Cyrano Bergerac (1619-1655), de la personnalité duquel Edmond Rostand tira une pièce à succès, il y a un peu plus d'un siècle, mais dont les écrits sont en fait moins ceux d'un bretteur que d'un "philosophe hermétique", pour reprendre l'expression de Canseliet.
Dans L'autre Monde (1657-1662), ouvrage posthume qui contient une Histoire des Oiseaux, notre philosophe fait ainsi parler le Phénix:
"Je vois bien que vous êtes gros d'apprendre qui je suis. C'est moi que parmi vous on appelle
Phénix. Dans chaque Monde, il n'y en a qu'un à la fois, lequel y habite durant l'espace de cent ans;
car, au bout d'un siècle, quand sur quelque montagne d'Arabie il s'est déchargé d'un gros oeuf au
milieu des charbons de son bûcher, dont il a trié la matière de rameaux d'aloès, de cannelle et d'encens, il prend son essor et dresse sa volée au Soleil, comme la patrie où son coeur a longtemps aspiré. Il a bien fait auparavant tous ses efforts pour ce voyage; mais la pesanteur de son oeuf, dont les coques sont si épaisses qu'il faut un siècle à le couver, retardoit toujours l'entreprise.
Je me doute bien que vous aurez de la peine à concevoir cette miraculeuse production; c'est pourquoi je veux vous l'expliquer. Le Phénix est hermaphrodite; mais entre les hermaphrodites,
c'est encore un autre Phénix tout extraordinaire, car..."
En note de bas de page, Fulcanelli commente laconiquement: "L'auteur interrompt ainsi, brusquement, sa révélation."
http://maxjulienchampagne.over-blog.it/article-32325681.html
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