Dans son blog bien connu des internautes, Serge Caillet se présente à nous comme un historien de l'occultisme: Serge Caillet - Bloc-notes d'un historien de l'occultisme
Parmi ses nombreux ouvrages, on peut citer effectivement Monsieur Philippe, l'ami de Dieu, Dervy, 2013, ou encore La tradition martinésiste, Le Mercure Dauphinois, 2021.
En fait, l'école dont il nous semble se réclamer est principalement celle du martinisme, même s'il aurait dans un premier temps, nous explique-t-on, rencontré l'alchimie grâce à ses lectures de Jacques Bergier, avant de devenir l'élève et le collaborateur de Robert Amadou (sur ce dernier voir notamment notre article Champagne et le secrétaire de Fulcanelli).
De cet engagement, il nous paraît que son nouvel ouvrage sur Robert Ambelain, le théosophe clandestin (éditions de la Tarente, 2024), témoigne une nouvelle fois si besoin était: Robert Ambelain, le théosophe clandestin (latarente.fr)
Ce titre de théosophe clandestin a été au demeurant décerné à Ambelain par son "compagnon" Amadou, nous explique Caillet, lequel a aussi été un proche de Robert. Voyez d'ailleurs sur Ambelain notre modeste contribution: (Julien) Champagne à l'ombre de Robert Ambelain.
Vous y constaterez notamment que ce dernier, auteur après la mort de Julien d'un livre inspiré par Fulcanelli (Dans l'ombre des cathédrales, 1939) distinguait bien à l'époque ce dernier de son illustrateur, Champagne donc. Il n'est pas certain à notre connaissance que Robert et Julien se soient connus, mais Serge Caillet nous explique qu'après le décès de ce dernier (1932), Ambelain fit la connaissance (en 1935) d'un proche de Champagne, Jules Boucher, lequel était à l'inverse convaincu de l'identité Fulcanelli-Champagne (à propos de Boucher, vide Champagne et Jules Boucher et Initiation de Champagne).
Comme nous nous intéressons ici surtout à l'auteur du Mystère des Cathédrales et des Demeures Philosophales ainsi qu'à notre artiste de prédilection ("Hubert", donc), tout ce qu'a écrit notre historien de l'occultisme sur le groupe du Grand Lunaire (ou Très Haut Lunaire) à propos d'Ambelain nous a forcément passionnés, puisqu'en firent partie et Champagne et son disciple d'alors Eugène Canseliet, et Jules Boucher.
Compte tenu de notre connaissance certes limitée du sujet mais qui est tout de même bien réelle (relisons ensemble Champagne au Grand Lunaire, Très Haut Champagne et Julien Champagne sur Vega) nous avons été quelque peu surpris que Serge n'émette aucun doute sur la dimension "luciférienne" du Lunaire, et à l'inverse paraisse s'interroger sur le fait qu'un Robert Ambelain ou un Alexandre Rouhier aient pour le moins eu quelques liens avec lui.
A contrario, nous nous nous réjouissons que comme nous ici même (cf. Maryse Choisy et Julien Champagne, Champagne entre chien et chat), Caillet mette à son tour le projecteur sur l'Association pour la Rénovation de l'Occultisme Traditionnel (AROT) où et Ambelain et Boucher ont pu jouer un rôle de direction comme de rédaction vers le milieu des années 1930, en particulier au travers du magazine Consolation.
Que l'AROT soit ou non émanée du Lunaire, et l'affirmative ne nous surprendrait pas outre mesure, Serge Caillet a encore le mérite de remarquer à son propos qu'un certain Claude d'Ygé (confer de Claude d'Ygé à Champagne) en a lui aussi fréquenté le cercle de qualité.
Lablatinière a ainsi, écrit-il, publié dans le magazine ci-dessus mentionné, avant, nous rappelle-t-il encore, de rejoindre après 1945 Eugène Canseliet dans la revue des époux Lavritch (Jean et Sophie ou Sonia), Initiation, Magie et Science, puis Initiation et Science (voyez Julien Champagne à l'Omnium Littéraire et Réimpressions de Champagne).
Enfin, nous ne pouvions rester insensibles, évidemment, au fait que l'historiographe d'Ambelain ait écrit, à propos de notre compère Jean Artero et de son livre sur Julien que son essai de 2014 peut être considéré comme fondamental. Venant de lui, c'est un beau compliment. Qu'il en soit ici chaleureusement remercié, même si notre petit blog n'est pas cité dans sa somme considérable sur le "théosophe clandestin."
Nous venons également d'apprendre avec un peu de retard, mais comme dirait Charles Perrault, avec aussi un plaisir extrême, que l'ami Bernard Allieu vient très opportunément de rééditer au printemps dernier le traité d'alchimie classique capital qu'est le Mutus Liber d'Altus, avec les commentaires de Magophon (Pierre Dujols, encore un proche de Champagne):
Éditions Les Trois R - Fiche LE LIVRE D'IMAGES SANS PAROLES (MUTUS LIBER) (les3r.fr)
Cette petite et discrète mais sérieuse maison d'édition des 3R qu'il dirige avec une constance rare est donc de nouveau à l'honneur, après avoir entre autres publié deux ouvrages de Julien, La Vie minérale et Le manuscrit Yardley (Champagne et la Vie minérale, Champagne au grand R, Champagne et le manuscrit Yardley).
La Vie minérale dont la première édition aux 3R avait d'ailleurs attiré l'attention d'un certain Serge Caillet, qui s'en était fait l'écho sur son blog: Décidément, le macrocosme est petit.
Autres éditeurs de talent, et autre bonne nouvelle, pour terminer. Nous avons déjà croisé à plusieurs reprises la route de Bernard Renaud de la Faverie, libraire (La Table d'Emeraude à Paris, où Claude d'Ygé oeuvra après 1945), puis directeur de revue alchimique (La Tourbe des Philosophes) et finalement responsable éditorial des éditions Dervy (voir en particulier Champagne avant la Grande guerre et Julien en Paginanda).
Il est cette année à l'initiative d'une autre parution, cette fois chez Venus d'ailleurs, autre maison que nous avons là aussi rencontrée, et même récemment (Julien Champagne pour Bernard Roger, Selena de Champagne).
D'obédience surréaliste, Venus d'ailleurs vient en effet de faire reparaître il y a a peu La Pierre Philosophale de l'écrivain, poète et peintre mauricien Malcolm de Chazal, un court essai sur la mythologie de l'ancienne Isle de France, qui avait été publié en 1950 à très peu d'exemplaires.
La pierre philosophale – VENUS D'AILLEURS (venusdailleurs.fr)
Peut-être le moment est il venu pour nous de rendre hommage à cet hermétiste de talent que fut Chazal (1902-1981), descendant d'une famille d'origine forézienne et dont un ancêtre, François de Chazal de la Genesté (1731-1795), aurait fondé sur cette île au XVIIIème siècle une société hermétique d'orientation rosicrucienne (Fulcanelli le cite comme un Adepte de l'alchimie).
Malcom s'est surtout fait connaître en littérature après la Seconde Guerre mondiale et ses écrits attirèrent en particulier sur lui l'attention d'André Breton, bien que Chazal déclinât toujours de rejoindre l'école surréaliste. Parmi ses essais j'ai particulièrement apprécié L'homme et la Connaissance (Pauvert, 1974), qui me l'a fait découvrir, et plus tard Sens plastique (Gallimard, 1985).
Dans sa préface à La Pierre Philosophale, Patrick Lepetit, auteur pour sa part chez Selena d'une synthèse sur Surréalistes et alchimie (2023), nous apprend que Chazal considérait la nature comme "signature de Dieu", et pourtant on m'avait dit que l'alchimie n'était guère présente dans La Pierre.
A sa lecture, je m'en étais rapidement convaincu, du moins jusqu'au moment où j'ai abordé le "dernier mot" qui conclut l'opuscule, comme une sorte de testament, si l'on veut, et dont je m'en voudrais d'omettre de vous donner finalement un aperçu:
"Une suprême vérité se dégage de l'arcane de la roche: la pierre philosophale.
La pierre philosophale est le geste condensé de l'esprit qui met en une seule forme toutes les formes vivantes et qui dans l'universalité des formes retrouve la Forme Unique, - livrant ainsi la vérité quintessentielle mythique dernière, qui est la fusion du Tout."
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